Ces « super infirmier(e)s », capables de réaliser des tâches supplémentaires afin de dégager du temps aux médecins, devront effectuer deux années supplémentaires en master, à condition d’avoir eu, au préalable, trois années d’expérience professionnelle. Une mesure du gouvernement, qui ne trouve pas grâce aux yeux du médecin urgentiste, également secrétaire général de Force ouvrière des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Christian Prud’homme.
La création d’un poste d’infirmier pratique avancée n’est-elle pas une solution pour pallier le manque de médecins ?
C’est un glissement de tâches. Ce poste existe déjà, puisque les infirmièr(e)s anesthésistes peuvent effectuer des gestes supplémentaires (depuis 2014, l’obtention d’un master est obligatoire pour devenir infirmier anesthésiste, ndlr). La création d’un nouveau métier ne donnera pas un second souffle aux urgences, elle va augmenter le coût global de leur fonctionnement. Ce genre de mesure ne changera rien : un accompagnement médical pour assurer les soins et le suivi des patients est toujours nécessaire. Les infirmier(e)s auront des compétences élargies, par exemple, faire des points de suture, mais cela ne pallie pas le manque de personnel. Le médecin doit, par ailleurs, encadrer ces pratiques. Si l’objectif est d’accorder une aide supplémentaire c’est une bonne chose mais je crains que ce ne soit pas le cas. Au quotidien, nous voyons certaines infirmières effectuer des tâches qu’elles n’ont pas le droit de faire et qui ne sont pas dans leurs compétences.
Quel est le problème le plus urgent à résoudre dans les hôpitaux ?
Le manque de personnel. Un service de médecine a déjà été fermé parce qu’il n’y avait plus de médecins à Strasbourg. Nous avons également besoin de plus d’infirmières. Récemment, un autre service a été également menacé car nous n’arrivions pas à en recruter. Le personnel présent a donc dû faire des heures supplémentaires pour que ce service perdure.
Aucune mesure annoncée par Agnès Buzyn ne vous satisfait ?
La ministre n’a pas abordé la question de l’ouverture de lits supplémentaires. Or, c’est un des points principaux à résoudre. Sur le long terme, nous allons nous rapprocher du système anglais dans lequel les patients venant aux urgences sont filtrés. Seuls les malades en situation de détresse vitale sont pris en charge. Agnès Buzyn va accorder 750 millions d’euros sur trois ans, cela fait 250 millions par an en comprenant toutes les mesures dont la création d’IPA, la télé surveillance, ou la mise en place d’une ligne téléphonique. Bercy a le pouvoir d’ouvrir les vannes du budget : or celui de la santé n’a pas augmenté.
Maxime Arnoult
Les syndicats du personnel hospitalier ne décolèrent pas, après l’annonce de la ministre de la Santé Agnès Buzyn de créer un métier d’infirmier de pratique avancée aux urgences. Christian Prud'homme, médecin urgentiste, est sceptique quant à la pertinence de cette mesure.
« C'est mon fils qui est mort »
Un homme, pas très grand, rond de visage, tout en noir, une banane autour de la taille, s'avance. « Je voudrais juste m'agenouiller un peu, c'est mon fils qui est mort. » Les ouvriers interrompent alors leur travail. « Cette douleur, je ne la souhaite même pas à celui qui m'a fait ça », explique le père de Maël, après s'être recueilli. Sa femme et ses deux autres enfants ont eu la vie sauve, eux, mais se sont blessés en sautant par la fenêtre de leur premier étage. Il se demande quand il pourra récupérer des affaires. « Il y a peut-être des choses dans ce tas de gravas, j'ai retrouvé une chaussure de mon fils derrière l'immeuble, la semaine dernière. Pour les souvenirs, seulement, tout est détruit, je n'ai plus rien ici. »
A la sortie de l'impasse, très vite, un petit attroupement se fait autour du père en deuil. Les voisins lui prennent les mains, l'embrassent, lui témoignent leur amitié. Parmi eux, un couple fait partie des neufs foyers qui ont complètement perdu leur logement dans l'incendie. « On n'avait déjà pas grand chose, maintenant on n'a plus rien », résume le chef de cette famille recomposée de neuf enfants. Pour se reloger, ils ont préféré faire appel à des amis plutôt qu'accepter les propositions de la mairie. « Ils nous proposent des logements dans la cité des Ecrivains [un quartier populaire à quelques encablures de la rue Principale, ndlr] , mais tout le monde sait que c'est insalubre, et infesté de puces et de punaises de lit », s'emporte-t-il. Et de reprocher à la maire de n'avoir pas rendu visite à tous les sinistrés.
Une marche blanche en souvenir de Maël
Sonia et Claudine, deux poussettes et trois enfants, un peu plus loin, ne sont pas du même avis. Assistantes maternelles au Parc du Château, une de leur collègue a perdu son logement dans le sinistre : « La mairie s'est occupée de tous les papiers pour l'aider à se reloger, c'est allé vite », assurent-elles. Contactée, la mairie n'a pour le moment pas donné suite à nos demandes d'entretien.
Mardi matin, la vie semble malgré tout reprendre un peu son cours normal, rue Principale. « Ça va mieux depuis ce week-end », estiment Sonia et Claudine. Même si la colère n'est jamais très loin : « Et lui, il va avoir quoi celui-là ?» « Celui-là », c'est Tony Mosquera, 22 ans, principal suspect, mis en examen et écroué jeudi pour avoir causé l'incendie, sous emprise de l'alcool. « Comment ça se fait qu'un mec de cet âge soit dans la rue, en semaine, à picoler, alors qu'il n'a pas de boulot ? », s'indigne Raymond Romilly, propriétaire du bierstub La Houblonnière, et habitant du quartier depuis 34 ans.
Beaucoup de voisins assurent qu'ils seront présents à la marche blanche en souvenir de Maël, samedi à dix heures. Le cortège partira de la mairie, puis passera devant l'immeuble pour finir dans la cour de son ancienne école.
Nicolas Massol
Elle est pourtant jolie, la rue Principale, avec ses maisons à colombages, ses commerces et sa microcrèche « Les Papillons ». Le vieux Schilick, dans la banlieue de Strasbourg, est loin d'évoquer le décor d'un drame. Pourtant, il suffit d'avancer un peu dans la petite impasse, dans le prolongement de la rue, pour découvrir la façade noircie. Ses odeurs de suie et de fumée sont toujours présentes une semaine après l'incendie criminel du numéro 43, qui a coûté la vie à un enfant de 11 ans, blessé onze personnes et détruit neuf logements.
Ce mardi 10 septembre, sur les toits de l'immeuble sinistré, les employés de l'entreprise Stell et Bontz déblaient les tuiles endommagées pour permettre la venue des experts des assurances. Des débris calcinés de meubles et d'objets indistincts sont entassés devant, protégés par des grilles de chantier. Sur elles, sont accrochées des photos rieuses de Maël, l'enfant retrouvé mort dans les décombres mardi 3 septembre. Des bouquets de fleurs ont été déposés, en hommage, au pied des grilles.
Joué lundi 9 septembre lors du festival des Bibliothèques idéales, le spectacle de danse et de théâtre ClaudelKahloWoolf revient sur la vie et l’art des trois féministes, entre fiction et réalité.