A l’horizon 2025, le kazakh devrait rompre avec l’alphabet cyrillique pour revenir aux caractères latin. Eclairage.
Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que la langue kazakhe se stabilise. Les habitants du Khanat kazakh (XVe-XVIIe siècle), présenté comme la première forme d’Etat kazakh, parlaient le tchaghataï (du nom d’un des fils de Gengis Khan, qui contrôla le territoire au XIIIe siècle) mais aussi le perse, le chinois et d’autres langues. Il faut attendre le protectorat puis la domination russe pour que le kazakh se structure. Au début du XXe siècle, le poète et grammairien kazakh Akhmet Baïtoursinov, en pose les bases.
Le congrès de Bakou de 1926 décide de l’abandon de l’alphabet arabe pour les différentes républiques turques de l’URSS, suivant l’exemple de la Turquie elle-même. Les autorités soviétiques espèrent notamment limiter l’influence de l’islam dans la région en adoptant l’alphabet latin. Pas pour longtemps, puisque le cyrillique lui succède dès 1940. Une période sombre attend le kazakh. Langue minoritaire, son usage est écarté des domaines politiques, du monde des affaires et de celui des sciences. Seule la vivacité de sa littérature lui permet de survivre.
Depuis l’indépendance, la langue est devenue l’un des principaux canaux de la « kazakhisation ». « Mes parents m’ont placée dans un établissement kazakh. Ils pensaient que ce serait mieux pour mon avenir, que ça me fermerait moins de portes », explique Katrina, scolarisée à la fin des années 1990, à l’époque de la poussée législative en faveur de la langue d’Etat. Pourtant, comme beaucoup d’étudiants en relations internationales, la jeune Kazakhe de 21 ans a fait le pari de l’anglais. Le russe, lui, reste omniprésent et indispensable pour qui souhaite faire carrière dans la finance. « Le kazakh ne correspond pas à la mondialisation », commente le sociologue Noureddine Sultanmouratov. La langue d’Etat paye aujourd’hui les années de jachères de la période soviétique et souffre d’un déficit de vocabulaire moderne.
Ouverture à la mondialisation
Fin 2012, le président Noursoultan Nazarbaïev a annoncé fin 2012 sa volonté de repasser à l’alphabet latin. « D’autres pays de l’ex-Union soviétique, comme l’Ouzbékistan ou l’Azerbaïdjan l’ont déjà fait », justifie Phazyljanova Anar Mouratkyzy, sous-directrice de l’institut linguistique A. Baïtoussynov d’Almaty. Sous la domination soviétique, les mots provenant du russe devaient demeurer inchangés, tant dans leur prononciation que dans leur orthographe. En passant à l’alphabet latin, les linguistes espèrent enfin émanciper le kazakh. Deuxième raison invoquée : l’ouverture à la mondialisation. « Pour les jeunes, l’alphabet latin représente la qualité et la modernité. Ils l’associent aux grandes marques internationales qui l’utilisent, comme Samsung qu’on ne voit jamais écrit en japonais », soutient Phazyljanova Anar Mouratkyzy.
L’horizon 2025 fixé par le chef de l’Etat est-il réaliste ? « La société est prête au changement d’alphabet », affirme la linguiste. Elle prend pour exemple les scientifiques et les jeunes, qui savent déjà basculer du cyrillique au latin sur leurs téléphones et ordinateurs portables. Il se répand aussi dans la société à travers les traductions anglaises des sites gouvernementaux et de quelques plaques des rues. Mais ces cas restent limités et l’idée inquiète certains membres de la communauté russophone. « Au moins deux générations de Kazakhs pourraient devenir à moitié analphabètes. La réforme de l’alphabet pourrait représenter un revers majeur », craint Natalia Vdovina, présidente de l’association des enseignants des écoles russes du Kazkhstan, sur le site internet de la fondation Russkyi Mir. Si le projet se réalise, c’est un casse-tête qui s’annonce pour la société toute entière.
Samuel Bleynie
Raphaël Boukandoura, Jonathan Klur et Charles Thiallier
Crédit photos : Manuel Fritsch, Flickr
Construit en 1955 au centre du Kazakhstan, le cosmodrome de Baïkonour manifeste l'ambition spatiale de l'Union soviétique. D'une superficie de 6 717 km2, c'est le plus grand centre spatial au monde.
Après l'indépendance de 1991, la Russie propose de louer la base contre un loyer annuel de 115 millions de dollars. Les deux pays signent en 1994 un contrat de dix ans, renouvelé en 2004 jusqu'à 2050.
Situé à quelque 400 km de la vraie ville de Baïkonour, le cosmodrome est resté longtemps un secret. Le premier tir de fusée a lieu en 1957. La propagande soviétique exploite les succès initiaux du programme spatial.
C'est de Baïkonour qu'est lancé Spoutnik-1, le premier satellite artificiel, en 1957, qui fait sensation. Les prouesses se succèdent : le premier être vivant, la chienne Laïka, et le premier homme dans l'espace, Youri Gagarine (1961).
La première station spatiale habitée, Mir, a également pris son envol de Baïkonour (1986).
Une vingtaine de fusées sont lancées chaque année, mais le nombre des employés diminue, comme celui des militaires. Il n'en reste que dix mille en 1996. Leur départ a été décidé en 2007, laissant le centre spatial aux mains du personnel kazakhstanais.
En juillet 2013, une fusée Proton explose quelques minutes après son décollage. Près de 600 tonnes d'heptile, un carburant hautement toxique, sont répandus. La fusée qui s'écrase en Sibérie le 16 mai 2015 prolonge ainsi une série noire. Depuis 1964, plus de 25 fusées sont retombées au sol.
Afin de recouvrer leur autonomie spatiale, les Russes construisent un nouveau cosmodrome à Vostochny. L'avenir de Baïkonour reste incertain mais le Kazakhstan tente de nouer des partenariats avec les Américains, les Européens, les Japonais, etc.
Assata Frauhammer et Célia Garcia-Montero
1. Au début du XIX°, la Russie impériale renforce son emprise sur la steppe kazakhe et érige une série de forteresses. Celle d'Akmolinsk est construite en 1830 sur le site d'Akmola (tombe blanche en kazakh). Cette colonisation déclenche une grande révolte de 1837 à 1847 durant laquelle le fort est incendié.
2. Akmolinsk triple sa population entre 1863 et la fin du XIX° pour atteindre 6000 habitants. La croissance reprend sous l'Union soviétique. Les nouveaux habitants se logent dans les russovskas, bâtiments de cinq étages typiques de l'époque stalinienne.
3. En 1954, Nikita Khrouchtchev, secrétaire général du Parti communiste, lance la politique des Terres vierges afin de rendre l'URSS autosuffisante en céréales. En six ans, 2 millions de colons russes défrichent 25 millions d'hectares de steppe, notamment autour d'Akmolinsk.
4. En 1961, Akmolinsk, rebaptisée Tselinograd (ville des Terres vierges), se voit doter d'une nouvelle gare. Plate-forme de la redistribution des céréales, la ville dépasse les 100000 habitants dès les années 1960.
5. Dans les années 1970 et 1980, le Kazakhstan s'urbanise à grande vitesse et Tselinograd dépasse les 200000 habitants. Profitant de la hausse des échanges avec le centre industriel de Karaganda, le sud-est de la ville se couvre d'immeubles brejnéviens.
6. Au printemps 1979, le Politburo décide de créer autour de Tselinograd une région autonome allemande. Aux cris de "Kazakhstan indivisible", des groupes d'étudiants kazakhs se rassemblent sur la place Lénine, siège de l'administration locale. Le pouvoir soviétique renonce au projet.
7. Durant la période soviétique, Tselinograd s'étend principalement à l'est du fleuve Esil. Seules de petites maisons individuelles recouvrent la rive gauche où s'élevera plus tard la nouvelle ville.
8. En 1994, Noursoultan Nazarbaïev décide de déplacer la capitale sur le site d'Akmola, qu'il rebaptisera Astana (capitale en kazakh). 718 logements sont bâtis dans un premier temps pour accueillir les 4000 personnes, fonctionnaires et familles, venues d'Almaty.
9. Le président kazakhstanais lance la construction d'un nouveau quartier sur la rive gauche pour accueillir le siège de l'Etat. Les premiers édifices sont la Résidence présidentielle, le siège du conglomérat de l'énergie KazMunaiGaz et la tour Baïterek, symbole de l'ancestral "arbre de vie" kazakh. Les immeubles modernes donnent son lustre à la nouvelle capitale, qui dépasse les 800000 habitants en 2014. Aujourd'hui, le chantier de l'Expo 2017 marque une nouvelle étape de l'expansion de la rive gauche.
A.B. et M.I.
Capitale du Kazakhstan indépendant depuis 1997, Astana a longtemps été le point d'appui de l'emprise russe sur le nord du pays. Deux siècles d'histoire de la ville en images.