Une situation bien connue d’Élise. En février 2019, elle assiste à des réunions d’information pour rejoindre NL International, après avoir trouvé une annonce sur la page Facebook de son université. Pour intégrer le réseau, la jeune femme affirme avoir déboursé près de 300 euros : « [Le vendeur] a sorti les fiches et il m’a montré les différents packs qui s’offraient à moi, “à tester” avant de me lancer dans l’activité. Il s’est focalisé sur l’un d’eux, soi-disant le plus complet, le plus économique. J’étais réticente mais il insistait, et sa collègue a fini par passer directement la commande sur une application sur son téléphone. »
Aujourd’hui, l’étudiante considère avoir subi des pressions. « J’étais seule face à eux, ils m'intimidaient, ne me donnaient pas le sentiment d’avoir le choix, explique-t-elle. Ils martelaient que cet investissement serait vite rentabilisé lorsque j’effectuerai mes premières ventes, que c’était une chance exceptionnelle. » Une aubaine surtout pour ses vendeurs, qui touchent une marge sur chaque achat réalisé depuis leur shop.
Noyé par des promesses d’une vie meilleure, affranchie des contraintes du salariat, que met en avant le vendeur, cet investissement initial peut paraître dérisoire au nouveau recruté.
Le trésor perdu des pyramides
Ces recrutements en chaîne laissent alors penser à un système pyramidal, que Herbalife et NL International se défendent de pratiquer. Dans un système pyramidal, illégal en France, une personne doit s'acquitter d'un droit d’entrée à l’entreprise, versé directement à son recruteur. Autrement dit : le profit de l’entreprise vient du seul fait d’enrôler de nouveaux membres et non pas de la réalisation des ventes.
Dans les sociétés à MLM, les vendeurs sont payés à la fois sur les marges et les commissions qu’ils touchent sur leurs propres ventes, et sur celles réalisées par leurs recrues. Le recrutement seul ne génère pas le profit, il y a bien vente d’un produit, sans quoi tout le système s’écroule. Mais en pratique, « la frontière est ténue entre la vente pyramidale et la vente multi-niveaux », souligne la Miviludes dans son rapport de 2017.
Chasseurs de tête
Mais si les nouveaux entrants ne règlent rien à leur recruteur, ils ne sont pas exonérés de frais pour autant. Chez NL International, ils doivent acquitter à l’entreprise une vingtaine d’euros de frais administratifs. À cela s’ajoutent un premier kit de produits que le futur vendeur doit tester, à ses propres frais, ainsi que des sessions ou week-ends de formations payants. Dans un document de NL International que nous avons pu nous procurer, nous avons appris qu'une opportunity manager a dû débourser 192 euros pour participer à un week-end de lignée.
Contacté à ce sujet, Sylvain Bonnet, le directeur de l’entreprise, insiste sur le fait qu’« aucune formation n’est obligatoire ». Mais « que leurs parrains les encouragent à se former et à acquérir des compétences additionnelles ».
Cherche vendeur désespéremment
Le coach a tout intérêt à « accompagner » les challengers qu’il enrôle puisqu’il touchera une commission sur les recrutements de futurs clients. C’est d’ailleurs par ce biais qu’Antoine, le coach de Herbalife, a pu atteindre ses « 57 000 euros de revenus ». A chacune de ses présentations, il le répète, « j’aide plus de 55 000 challengers ».
Sur quoi repose cette promesse de revenus mirobolants ? Les deux sociétés n’embauchent pas les vendeurs, mais les font travailler sous un statut d’indépendant. Celui-ci serait la clé d’un niveau de revenus confortable, fruit d’un système qui repose tant sur la vente de produits que sur le recrutement de nouveaux vendeurs.
Les vidéos de « présentation d’opportunité » de ces sociétés montrent toutes le même schéma : pour augmenter leurs bénéfices, les managers et coachs ne sont pas seulement incités à vendre, mais à recruter, encore et encore.
C’est bien le discours que nous tient Antoine, quand il explique au père de notre journaliste l’origine de ses revenus : « On est rémunéré sur la vente des produits, je peux donc avoir 15, 20, 30 clients moi-même, mais je ne peux pas m’occuper de plus. Il y a un deuxième aspect, qui est une super opportunité : on a quartier libre pour recruter et former des distributeurs, et Herbalife nous reverse un pourcentage sur leurs propres chiffres d’affaires. »