La Cour des comptes met la pression sur les universités. Dans son rapport du mercredi 11 février, elle critique le manque de contrôle sur l'absentéisme des étudiants boursiers. Un coût croissant pour les finances publiques.
L'université de Strasbourg compte 18.000 boursiers. Photo Laurine Personeni
La Cour des Comptes appelle les universités à réformer la façon dont elles comptabilisent les absences des étudiants boursiers. En théorie, les étudiants qui sèchent les cours n'ont plus le droit de toucher les bourses du CROUS (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). Le système actuel "encourage les fraudes", selon la juridiction financière. Elle dénonce de grandes disparités d'un établissement à un autre : certaines universités contrôlent la présence aux cours, d'autres uniquement aux examens de fin de semestre.
A Strasbourg, le nombre d'étudiants boursiers est passé de 12 000 à 18 000 en 8 ans, selon le CROUS, augmentant le coût des bourses de 30 à 50 millions d'euros par an pour l'Académie de Strasbourg.
Dans ce contexte, ceux que l'on appelle les "étudiants boursiers fantômes", inscrits uniquement sur le papier et qui ne mettent pas les pieds en cours, sont un coût que les CROUS cherchent à limiter depuis plusieurs années. "Face à une dépense qui augmente considérablement, cela fait trois ans que j'entends beaucoup parler du contrôle de la présence en cours, confirme Nicolas Gsell, responsable de la division vie de l'étudiant au CROUS de Strasbourg. Selon lui, ce sont les étudiants en première année de licence qui sont les plus absentéistes.
Une procédure complexe
"Quand ils s'inscrivent, les étudiants s'enregistrent comme boursiers, explique Sophie Schwartz, gestionnaire de scolarité à l'UFR de physique et d'ingénierie de l'Université de Strasbourg. Nous sommes en relation avec une personne du CROUS qui nous demande régulièrement de faire le point sur leur situation. A la fin de chaque session d'examen, nous signalons les dossiers en rupture d'assiduité."
Dans cet UFR, la comptabilité des absences repose sur les professeurs. Ils signalent les élèves absents à leurs cours, plus facile à compter en TP (Travaux Pratiques) qu'en amphithéâtre.
"Les demandes de bourses par des étudiants fictifs sont marginales, relativise Tommy Veyrat, l'un des élus de l'Afges, un syndicat étudiant, au CROUS. Nous ne sommes pas contre vérifier l'assiduité des étudiants boursiers, mais c'est compliqué techniquement, c'est aléatoire. Tous les départements ne comptent pas scrupuleusement les absences."
Roksana, étudiante boursière en licence 3 de cinéma à Strasbourg, trouve ces critères trop restrictifs : "On a droit à deux absences non justifiées, et à la troisième on est défaillant. On peut tomber malade plusieurs fois. Si on est boursier, poursuit-elle, c'est que l'on n'a pas les moyens, donc devoir rembourser pour cause d'absence, c'est chaud."
Difficile de régulariser la situation
Même lorsque les absences sont signalées, récupérer l'argent d'anciens boursiers s'avère souvent problématique. Les étudiants contestent parfois leur mise en cause par le CROUS. C'est le Trésor Public qui est chargé de percevoir le remboursement de sommes induement perçues. Cette procédure prend parfois plusieurs années d'enquête.
Autre difficulté, certains étudiants disparaissent à la fin de leurs études. "Les finances publiques viennent d'obtenir le remboursement d'une femme qui avait changé de nom après s'être mariée et avait déménagé. Elle avait fini ses études en 2002", raconte Nicolas Gsell, du CROUS. CROUS, qui a récupéré l'an dernier 104 000 euros d'étudiants absentéistes sommés de rendre l'argent de leur bourse.
Laurine Personeni et Cécile Pollart
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