Ces dernières années, le quartier du Neuhof connaît une abstention croissante. Premiers effets : le vote de gauche s'étiole et le Front national atteint des sommets. Le nord du quartier est le plus touché par ces évolutions.
L'abstention n'est pas seule à témoigner de l'éloignement des jeunes de la vie politique. Marqueur souvent négligé, la non-inscription sur les listes électorales peut pourtant prendre une ampleur considérable. Dans le quartier du Neuhof, à Strasbourg, elle touche un jeune sur cinq parmi les 18-24 ans.
Dans le quartier du Neuhof, près de 20% des 18-24 ans ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Dans le sud (Stockfeld et Ganzau), ce taux n'excède pas les 13%, mais il dépasse souvent les 20% dans la partie nord, celle des grands ensembles. Dans le bureau de vote 1005, autour de la place de Hautefort, plus d'un jeune sur quatre (29%) n'est pas inscrit. La désaffection des listes s'ajoute ici à celle des urnes. Autant l'abstention est remarquée et commentée, autant la non-inscription échappe aux écrans radar des analyses politiques.
Des étudiants peu inscrits
Certes, à l'Esplanade ou à la Krutenau, où réside une importante population étudiante, le taux est encore supérieur : à peine un jeune sur cinq est inscrit sur les listes. « Les étudiants votent peu à Strasbourg, précise Eric Schultz, adjoint au maire chargé de l'état civil. Ils sont inscrits sur les listes électorales de leurs communes d'origine. » Mais parmi les quartiers peu étudiants de la ville, le Neuhof affiche l'un des taux les plus élevés de non-inscription. A l'Elsau, à la Montagne-Verte, ou au Port du Rhin, la non-inscription ne dépasse pas les 10%.
Au Neuhof, les premiers concernés sont les ressortissants étrangers hors UE, exclus d'office du droit de vote. De la même façon, certains condamnés par la justice peuvent être privés de leurs droits civiques, pour cinq ou dix ans. Une fois leur peine purgée, ils doivent faire la démarche pour se réinscrire. Pour les autres, a priori, l'inscription est désormais automatique si le recensement militaire (ou citoyen) est effectué dans les temps, c'est-à-dire dans les trois mois suivant les 16 ans, à l'occasion d'une démarche en mairie. Les retardataires peuvent néanmoins se retrouver sur les listes s'ils se manifestent avant 18 ans. Les jeunes y sont d'autant plus incités que la procédure est devenue nécessaire pour passer le permis de conduire ou un examen public.
Les limites du recensement citoyen
Pourtant, au vu des chiffres, des failles existent. La mairie, chargée d'envoyer les lettres de convocation au recensement, se fonde pour cela sur les registres d'état civil. L'adresse indiquée est donc celle des parents à la naissance. Si certains jeunes ont déménagé entretemps, ils ne reçoivent aucun courrier et ne sont informés que par d'éventuelles campagnes menées dans les lycées.
Difficile toutefois d'évaluer le nombre de ceux qui échappent au recensement. On peut l'approcher en se basant sur la participation à la Journée défense et citoyenneté (JDC, ex-JAPD). Celle-ci découle, comme l'inscription sur les listes, d'un recensement dans les temps. Selon le centre du service national qui organise cette journée, dans une ville comme Strasbourg, près de 10% des jeunes concernés ne se rendent pas à la convocation. Ces oubliés du recensement viennent s'ajouter aux ressortissants étrangers et aux condamnés pour expliquer le niveau élevé de la non-inscription : dans le Neuhof, les jeunes s'éloignent également des listes électorales.
Alexis Boyer