L'ex-présidente chilienne, qui a démissionné de l'ONU en mars, est rentrée ce mercredi dans son pays. Elle devait annoncer sa candidature à l'élection présidentielle prévue le 17 novembre 2013.
Ce n'est un secret pour personne. Dans les prochains jours ou les prochaines heures, la socialiste Michelle Bachelet, l'ex-présidente du Chili de 2006 à 2010 issue de la Concertación (coalition des partis de gauche), devrait annoncer sa candidature à l'élection présidentielle prévue le 17 novembre 2013.
En mars dernier, elle annonçait sa démission de son poste de directrice de l'ONU femmes, se libérant ainsi de ses devoirs de réserves : « C'est ma dernière commission sur la condition juridique et sociale de la Femme (CSW). Je rentre dans mon pays », avait-elle déclaré à New-York, selon le compte Twitter de l'Agence de Nations unies.
Cette ancienne médecin de formation, 61 ans, a été la première femme chilienne à accéder à la présidence de son pays. Elle n'avait pu immédiatement se représenter, la Constitution chilienne interdisant d'exercer deux mandats consécutifs. Aujourd'hui, cette barrière étant levée, ses ambitions politiques font surface. Si Michelle Bachelet dispose d'un contexte politique à son avantage, peut-elle gagner les élections ?
Ses points forts
- Elle aurait une petite longueur d'avance dans la course : un sondage du CEP (Centre d'études publiques) la donne gagnante dès le premier tour de la présidentielle avec 54 % des voix, devançant de 40 points son principal adversaire, Laurence Golborne, le candidat du parti le plus à droite de l'échiquier politique (UDI). Sans compter l’impopularité du gouvernement de Sebastian Piñera, désapprouvé par 52 % des Chiliens, qui rend l’alternance possible.
- Elle n'a pas d'adversaire redoutable. Aucune grande figure du centre gauche ne fait de l'ombre à l'ancienne présidente. Le jeune socialiste dissident Marco Enriquez-Ominami, qui avait obtenu 20 % des voix à la présidentielle de 2009, a vu son capital électoral divisé par quatre depuis le scrutin. Lors de la primaire, Michelle Bachelet a encore de grandes chances de l'emporter. A droite, ni le ministre de la Défense, Andrés Allamand, ni le ministre de l’Économie, Pablo Longueira ne parviennent à décoller dans les sondages.
- Cette descendante d'un vigneron français, immigré au Chili a une forte personnalité qui lui fait jouir d'une importante popularité. Coriace, les Chiliens n'oublient pas qu'elle était la première femme ministre de la Défense en Amérique latine. Selon Elodie Brun, docteure en Science politique, spécialisation Relations internationales à l'IEP de Paris, « elle est appréciée pour sa culture et ses capacités dans le milieu politique. Suite à son passage à l'ONU, elle possède une nouvelle notoriété. Reste à voir si elle en fera usage à l'échelle internationale ».
Ses points faibles
- Michelle Bachelet devra faire oublier les nombreuses critiques, auxquelles elle a fait face pendant son mandat : notamment sa gestion du tremblement de terre de 2010, l’augmentation de la pauvreté sous sa présidence ou encore l’absence de réforme de l’éducation après la première révolte des lycéens, appelée les «pingouins ». Si le Chili est le pays avec le meilleur indicateur de développement humain de la région, c'est aussi un des plus inégaux. Elle n'est pas parvenue à réduire le fossé entre les riches et les pauvres.
- Sur la scène internationale, sa rhétorique modérée et sa participation discrète aux forums internationaux lui donne cette image de femme réservée. L'opinion chilienne lui reproche souvent son manque de prise de position. Par exemple, pendant qu'elle occupait ses fonctions à l'ONU, elle ne s'est jamais prononcée sur le scandale de l'enrichissement des universités privées, en novembre 2012, mettant en cause le ministre de l'éducation, Harold Beyer. Un silence qui agace au sein même de son parti de la coalition de gauche, qui la presse de se positionner fermement. Mais pour Élodie Brun, cette situation serait temporaire. Son silence, « c'est certainement en raison de divergences persistantes au sein de son propre camp politique. Sur ce point, le fait qu'elle se déclare officiellement candidate devrait l'amener à mieux préciser ses positions ».
- Enfin, si les sondages la place en tête du premier tour de la prochaine présidentielle, Michelle Bachelet devra faire face à une vague de défiance de la population envers les politiques. Seuls 6 % des Chiliens font confiance aux partis politiques, 10 % au Congrès, 32 % à l’Eglise catholique, selon un sondage du CEP publié le 22 août 2012. Son programme étant encore l'équation inconnue, il devra être à la hauteur pour regagner la confiance de la population.
Adama Sissoko