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Confirmé à la tête de la CIA par le Sénat, John Brennan, 57 ans, a été la cible de nombreuses critiques. Ce spécialiste du monde arabe a notamment été mis en cause pour l'usage de la torture et l'utilisation abusive de drones de combats.

John Brennan. / Photo Flickr CSIS 

L'idylle débute en 1980. Le jeune Brennan, étudiant en science politique à New-York, feuillette le journal et tombe sur une petite annonce. L'employeur : la CIA. 33 ans plus tard, ce catholique élevé par les jésuites en devient le patron.

Un expert du monde arabe

Lorsqu'il rejoint la CIA, John Brennan se distingue par sa parfaite maîtrise de l'arabe, acquise après une année d'étude à l'université du Caire. « L'Agence » l'envoie faire ses armes en Arabie Saoudite, au sein de l'ambassade américaine de Djeddah. Il y découvre les rudiments de l'espionnage et se forge une solide réputation. « Brennan a toujours été reconnu comme un grand professionnel », explique Nicholas Dungan, conseiller spécial à l'IRIS et chercheur émérite à l'Atlantic Council de Washington.

En 1984, Brennan quitte la péninsule arabique et occupe divers postes en lien avec le Proche-Orient. Son ascension jusqu'aux plus hautes sphères de la CIA ne fait aucun doute, et se confirme dans les années 90. John Brennan se spécialise dans l'analyse du terrorisme et retourne en Arabie Saoudite, cette fois-ci à Ryad, où il dirige les opérations de la CIA. Ses résultats lui permettent de devenir chef d'état-major du directeur de la CIA, George Tenet, puis son numéro deux.

Critique envers la guerre en Irak

Les attentats du 11 septembre 2001 le rendent incontournable aux yeux du président George Bush. Charge lui est confiée de détruire Al Qaida. Par tous les moyens. Brennan dessine alors l'architecture de la politique de « guerre contre le terrorisme ». Trois axes sont établis : utilisation massive des drones, création d'une liste noire de présumés terroristes à abattre, torture.

Des opposants à la politique menée par John Brennan. / Photo Flickr Shrieking Tree

En 2004, il crée et prend provisoirement la direction du Centre national de la lutte antiterroriste (NCTC). Mais la seconde guerre d'Irak marque un frein dans la carrière Brennan. Critique envers sa gestion par l'administration Bush, Brennan est évincé du NCTC. A 50 ans, il quitte la CIA pour se diriger vers le privé et prendre la tête d'Analysis Corporation, une entreprise soupconnée d’avoir trempé dans des interrogatoires menés dans les prisons secrètes de la CIA.

Remis en selle par Obama

L'arrivée au pouvoir de Barack Obama est un tournant pour cet Américain aux origines irlandaises. L'ancien sénateur de l'Illinois lui propose de devenir son conseiller spécial pour la lutte contre la terrorisme. Brennan accepte, et, en 2009, est fortement pressenti pour prendre la tête de la CIA. Sa candidature est torpillée par une interview donnée pour CBS. Brennan avait expliqué qu'il fallait parfois « enlever les gants » pendant un interrogatoire... 

L'agent de la CIA continue à épauler Obama et réalise son plus haut fait d'arme le 2 mai 2011. Il prend la décision d'envoyer un commando assassiner Oussama Ben Laden. Avec succès. On le voit d'ailleurs sur la photographie qui immortalise cet instant, prise depuis la « War room ». Brennan est aux côtés de Barack Obama et du vice-président Joe Biden, le visage dur et figé, comme à son habitude. 

Barack Obama et les responsables de la sécurité américaine suivent en direct l'opération d'élimination de Ben Laden, décidée par John Brennan (en haut à droite). / Photo Flickr United States Government Work

La démission surprise du chef de la CIA David Petraeus, en novembre 2012, pousse Barack Obama à proposer à nouveau la candidature de Brennan.

Une personnalité difficile à cerner

Mais le conseiller antiterroriste est à nouveau pris en plein cyclone. Plus que la torture, c'est l'utilisation des drones qui aurait pu l'empêcher une seconde fois d'accéder à la tête de l'Agence. Devant la commission sur le Renseignement du Sénat, il doit notamment s'expliquer sur une note controversée du ministère de la Justice permettant au gouvernement des Etats-Unis de tuer en toute légalité l’un de ses ressortissants lorsqu’il représente « une menace imminente d’attaque violente » de type terroriste. « Faucon ou pas, on peut dire qu'il fait partie du courant réaliste, souligne Nicholas Dungan. Il considère que les Etats-Unis ont des ennemis structurels qu'il faut trouver et éliminer. »

Si le CV qu'affiche « Monsieur drone » le classe parmi les durs de l'administration américaine, sa personnalité reste mystérieuse. « Brennan est un ressortissant de la communauté du renseignement, c'est un homme de l'ombre », explique Nicholas Dungan. Pour le géopolitologue Mohamed Ali Adraoui, « il est très difficile de mettre des mots sur son caractère, à part les poncifs liés aux dirigeants des agences de renseignement. »

Difficile donc de cerner totalement le personnage qui, en 1980, découvrait la CIA. Il venait de terminer son mémoire de maîtrise. L'intitulé : « Les droits de l'Homme, le cas de l'Egypte ».

Raphaël Badache