Suite à une sévère politique d’austérité, le taux de pauvreté en Argentine a atteint 52,6 %. En quelques mois de présidence, l’ultra-libéral Javier Milei a imposé sa vision de l’économie.
Javier Milei a fait campagne avec une tronçonneuse, destinée à "couper les finances publiques". Photo : présidence d’Arménie
Plus de la moitié de la population argentine vit désormais sous le seuil de pauvreté, le taux de pauvreté étant passé, en six mois, de 41,7 % à 52,6 %, a révélé le 26 septembre l’Institut national de la statistique et des recensements argentin (Indec). En hausse depuis deux ans, l'augmentation du taux s’est accéléré depuis la prise de pouvoir du président ultra-libéral Javier Milei, élu le 19 novembre 2023. Il a mis en place une sévère politique d’austérité visant à lutter contre l’hyper-inflation dont souffre son pays. Celui qui a promis de couper les dépenses publiques à la tronçonneuse a atteint dès janvier son objectif de passer de 5,2 % de déficit public en 2023 à 0 %.
L’arrivée de Javier Milei a été très bien accueillie par les marchés extérieurs, la bourse de Buenos Aires ayant bondi de 20 % le lendemain de son élection. Quelques jours après sa prise de pouvoir, il a subitement dévalué le peso argentin de moitié. Cela permet de redynamiser les exportations, dont le ralentissement était l’une des causes du déficit. Mais la dévaluation diminue à court terme le pouvoir d’achat de la population, accroissant ainsi la pauvreté. En parallèle, le nouveau pouvoir a mis en place une politique d’austérité visant à pérenniser les comptes publics.
Coupures de budget et asphyxie du service public
Le gouvernement a par exemple arrêté dès décembre tous les appels d'offre pour des chantiers d’infrastructures et interrompu ceux qui avaient déjà commencé. Au sein des services publics, la plupart des budgets n’ont pas été augmentés malgré une inflation qui atteint 236 % sur un an, au mois d’août 2024. Les universités, par exemple, se sont vu attribuer en 2024 le même budget qu’en 2023, alors que la hausse des prix ne permet plus de faire fonctionner l’enseignement et la recherche, au bord de l’asphyxie.
Ces mesures sont essentiellement prises par décret, alors que le camp Milei est en situation de minorité parlementaire, avec le soutien de seulement sept sénateurs sur 72 et 37 députés sur 257. Les réformes structurelles portées par la présidence sont ainsi en suspens, notamment la loi "omnibus", qui rassemble l’ambitieux programme de réformes économiques du président argentin, tourné vers la dérégulation, la privatisation et la flexibilisation du travail. La loi a déjà dû être amputée de plus de la moitié de ses 600 articles après examen au Congrès.
Les différentes mesures d’austérité combinées à une inflation qui se résorbe tout juste ont conduit à une baisse du pouvoir d’achat des Argentins et une augmentation du taux de chômage, qui est passé de 6,2 % à 7,7 %. L’interruption de a sérieusement ralenti l’économie. Une récession se profile pour 2024 et la banque centrale estime que le PIB baissera de 3,5 % cette année.
Malgré les difficultés subies par la population, le gouvernement assume sa politique économique. "Personne n’a jamais dit que ce serait simple, que l’activité ne souffrirait pas, s’est défendu jeudi le porte-parole de la présidence Manuel Adorni. La meilleure façon de lutter contre la pauvreté est de lutter contre l’inflation."
Si le gouvernement estime que ce n’est qu’une mauvaise phase qui doit permettre de retrouver une situation apaisée, ces réformes se font au prix d’une détresse réelle des Argentins en situation de dénuement économique.
Yanis Drouin
Édité par Kenza Lalouni