L’Assemblée générale des Nations unies s’est ouverte ce mardi. Un débat récurrent fait son retour : la réforme du Conseil de sécurité. La chercheuse Alexandra Novosseloff analyse pour nous la situation.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a été réformé une seule fois, en 1964. Photo : ONU/Eskinder Debebe
Le sujet revient sur la table régulièrement, et s’invite à nouveau au rendez-vous annuel des chefs d’État, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’une des nombreuses mesures du “Pacte pour l’avenir” adopté par les États membres dimanche 22 septembre prévoit un élargissement du Conseil de sécurité de l’ONU, pour rendre l’organe “plus représentatif, plus inclusif et plus démocratique”.
Deux semaines plus tôt, les États-Unis avaient annoncé soutenir l’octroi de deux sièges permanents pour les pays africains, sans droit de veto. Comme l’Amérique latine, l’Afrique ne dispose pas de siège parmi les cinq permanents (la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie). Cela pose la question de la représentativité de l’organe, “chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationale”, qui compte au total quinze membres.
Alexandra Novosseloff est chercheuse associée au Centre Thucydide de l’université Paris-Panthéon-Assas et autrice de l’ouvrage Le Conseil de sécurité des Nations unies.
"Il n'y aucune chance qu'une réforme passe" d'après Alexandra Novosseloff. Photo : Institut International peace
Les États membres de l’ONU aborderont sûrement la question de l’élargissement cette semaine. Une réforme du Conseil pourrait-elle être prochainement adoptée ?
Alexandra Novosseloff : Il n’y a aucune chance qu’une réforme passe. Les États-Unis ont donné leur accord pour l’inclusion de pays africains, mais c’est une promesse qu’ils font à intervalles réguliers à d’autres : l’Inde, le Japon, etc. Ce qu’il faut, c’est un texte sur lequel il puisse y avoir des négociations, et il n’y en a pas pour le moment. Vous connaissez l’expression : les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Et c’est ce qui coûte le moins cher ! Les États-Unis n’y croient pas une seule seconde, et cela ne serait pas dans leur intérêt. L’autre obstacle, c’est que les régions concernées n’arrivent pas à se mettre d’accord. Les États africains n’ont pas réussi à déterminer les pays qui siègeraient.
L’élargissement du Conseil pourrait-il être un remède aux faiblesses de l’ONU ?
Il y a une espèce d’injustice à la non-représentation de l’Afrique et de l’Amérique latine parmi les membres permanents. Mais je ne pense pas que la réforme du Conseil soit la solution à son impuissance : l’élargissement ne va pas amener des États comme Israël à respecter les résolutions adoptées. La réflexion est mal engagée à partir du moment où l’on cherche à rendre le Conseil plus représentatif. Ce n’est pas son objectif, qui est d’agir au nom de tous les pays. Il faut des États qui aient des capacités d’action diplomatique et militaire. Et les discussions sont bien différentes à 15, à 25 ou à 30 : ça deviendrait une mini assemblée générale. Un Conseil de sécurité élargi serait moins efficace que l’actuel.
Ces volontés de réforme ont connu de nombreux échecs par le passé…
C’est un serpent de mer depuis une trentaine d’années. Les permanents ne veulent pas que de nouveaux membres aient le droit de veto. Et les pays africains ne veulent évidemment pas qu’on leur crée un statut de membres permanents sans droit de veto. Donc on tourne en rond. Avant la dernière et unique réforme de 1964 (NDLR : le Conseil était passé de 11 à 15 membres), il avait fallu sept ans de débats. Les discussions ont repris il y a 30 ans, avec la création d’un groupe de travail sur le sujet de l’élargissement en 1994. Aucune des nombreuses propositions n’a abouti : jusqu’ici, les États-Unis, la Chine et la Russie étaient opposés à toute réforme qui leur ferait perdre du pouvoir.
Yves Poulain
Édité par Kenza Lalouni