Passage obligé avant d'essayer les activités gonflables : le plongeon du bonheur. © Rafaël Andraud
Le monde des adultes me paraît toujours trop sérieux, ennuyant. The Square Indoor, repéré durant ma dernière crise de nostalgie de l’enfance en fouinant sur internet, me faisait de l'œil. Le site internet pose les questions qui taraudent : “Pourquoi diantre les grands devraient toujours regarder les plus jeunes s’éclater et souffrir en silence ? Vous rêvez secrètement de barboter dans des milliers de boules avec une licorne ?” Je clique illico sur le bouton “Mais grave, je réserve”.
“Nagez dans le bonheur, comme si les impôts n’existaient pas”
Le lieu est caché dans la zone commerciale de Geispolsheim. Derrière un magasin, un panneau discret “The Square Indoor” glisse un “Pssst, c’est juste là !”. L’entrée : une toute petite porte. L’affiche y rappelle que “ce n’est QUE pour les adultes”. À l’intérieur, un paradis pour grands enfants de 960 m2. Avec, dès l’accueil, un sas de passage entre le monde de l’adulte et celui de l’enfance : la piscine à boule, dont les bords arborent “Nagez dans le bonheur, comme si les impôts n’existaient pas”. J’y plonge directement. Ce bain de sphères de couleur ? Une sensation unique que l’on ne connait que dans l’enfance. Une sorte de madeleine de Proust qui métamorphose quiconque en petit garçon. Un état d’esprit que je conserverai pour tout le reste de l’aventure.
Je m’incruste dans un groupe de six trentenaires. L’un d’eux, Pharel Green, “influenceur” strasbourgeois, a rameuté quelques abonnés. Jeux gonflables, escape games, Puissance 4 géant, morpion-basket et foot-billard défilent devant nos yeux ébahis. Toute la salle est rien que pour nous. Ensemble, nous traverserons “Les cinq épreuves gonflables”
Première épreuve : l’Attrape-mouche.
Frustrant. L’objectif est de se jeter contre un mur scratché, avec une combinaison elle aussi en scratch, et d’aller le plus haut possible. Résultat : je n’accroche pas au mur, ni à l’activité. Elle ne renvoie pas vraiment à l’enfance, aucun bambin ne rêve de se jeter sur un mur, du moins j’espère. Au contraire, on pourrait la concevoir comme l’allégorie, très adulte, des objectifs que l’on se fixe et que l’on n’atteint jamais, si le sol était l’échec. Passons vite à une autre épreuve...
L'épreuve du combat des sumos est une des plus amusantes. Seul couac, on étouffe vite dans la combinaison, très difficile à retirer. © Rafaël Andraud
Deuxième épreuve : le “Combat des sumos”
Le premier qui touche le sol est déshonoré à jamais. D’un côté du ring : Nicolas 34 ans, 90 kilos, gonflé à bloc comme son costume de sumo. De l’autre : Rafaël, 11 ans de moins pour un petit 58 kilos, nageant dans sa combinaison. Duel déséquilibré... Surtout : ne pas se démonter, jouer de sa vitesse, être vif comme l’éclair. Ding ding ding, le combat commence : nous enchaînons les bonds pour prendre de l’élan. Les deux carcasses de plastique gonflées se fracassent dans un couinement ridicule. Nous sommes tous les deux projetés en arrière, il faut absolument garder son équilibre. Maintenant, on doit à nouveau se lancer, pour profiter de la fatigue adverse. Dans les contes, les faibles remportent toujours le combat contre les forts par la ruse : j’esquive son assaut plein d’élan. Entraîné par sa puissance, il se retrouve au sol, et, en guise d’humiliation finale, je lui saute dessus. Victoire ! Je bondis de joie, saluant la foule imaginaire. Finalement, le plus difficile dans cette épreuve est de s’extirper de la combinaison pesante de plastique gonflé, dans laquelle le sumo sue trop.
Troisième épreuve : les Joutes de gladiateurs.
Nicolas veut sa revanche. O.K. Réglons ça dans l’arène. Au milieu des boudins d’air se trouvent deux plots et deux joutes. Chacun prend la sienne, se met en équilibre sur les plots et l’affrontement commence. Quelques chocs de joutes et me voilà au sol. Je n’aime pas perdre, je demande une revanche… Puis la belle. Cette fois, le match est plus serré, je me sers du coton-tige géant tel le double sabre laser de Dark Maul dans Star Wars : La Menace fantôme. Mais rien ne menace l’équilibre de Nicolas. Il parvient à parer mes attaques et porte le coup fatal. En pleine chute, je tente un dernier assaut, en vain… J’ai perdu 3-0...
Parmi les autres activités disponibles, un puissance 4 géant et un morpion-basket. © Rafaël Andraud
Quatrième épreuve : le Baby-foot humain.
Vous ne vous êtes jamais demandé ce que pouvait ressentir un joueur de baby-foot ? Quelle frustration cela doit être de rester coincé à une barre de fer et de ne pouvoir aider l’équipe qu’à travers des déplacements latéraux. Nous y voilà. Dans ce stade à taille humaine, pas de roulettes possibles. La barre piège les joueurs au niveau des avants-bras. Pour un homme de taille moyenne, il faut bien baisser la tête pour continuer de voir le ballon. Allons aux cages, mon poste favori. Le défi : marquer de loin comme j’aime le faire au baby-foot. Succès de la mission. On peut la jouer plus collectif maintenant. Les autres joueurs n'apprécient guère l'expérience. De mon côté, je réalise un rêve secret d’enfance.
Cinquième épreuve : l’Arène multisports.
Trop fatigués pour la dernière épreuve, beaucoup des camarades m’abandonnent pour jouer au « Puissance 4 » à taille humaine. J’étais regonflé à bloc à l’idée de tester cette arène gonflable et de jouer au foot ou au basket en bondissant, retenu par un élastique. Peut-être un peu trop physique pour les plus vieux. Après une petite partie de goal-à-goal, gagnée 4-2, mon dernier partenaire de jeu jette l’éponge. Je me lance dans une séance de décrassage avec des tirs au but et quelques dribbles rebondissants pendant encore un bon quart d’heure, avant de rejoindre le reste de la troupe.
Fin de partie
Ils sont attablés dans la partie bar de l’accueil, en pleine partie de « Jungle Speed ». Je viens remporter la partie grâce à mon expérience acquise à l’école. Mais l’esprit lutin commence à s’évaporer. Les discussions ennuyantes d’adultes reprennent : ça parle abonnés, soirée… Il est donc temps de filer à l’anglaise, le cœur comblé de gaieté folâtre.
Rafaël Andraud