Depuis plus de 20 ans, Fred et Laurent, deux artistes exaltés, imaginent des madeleines qui attirent de fidèles locaux et touristes. Au 6 rue de la Râpe à Strasbourg, les gourmets découvrent leur style british, fleuri et douillet.
Fred et Laurent travaillent en synergie depuis 20 ans pour créer leurs célèbres madeleines. © Emma Chevaillier
"Bonjour, qu’est-ce-qu’on imagine aujourd’hui ?" Fred, chemise blanche éclatante, cravate et masque aux motifs irlandais, est le maître de maison. Laurent, lui est le magicien de la madeleine. C'est un pâtissier réservé, peu bavard. Leur passion mais aussi leur gagne-pain, c'est de réaliser des madeleines et penser les assemblages de thé. Leurs noms "Le Vent dans les arbres", "Thé des pluies", "Week-end à Manhattan" résonnent avec poésie dans cet havre. On ne peut qu'être fasciné par cette passion qui émane des deux hommes. "C'est une madeleine aux parfums chers à la maison Guerlin", "celles-ci est aux trois caramels de Dinard à Saint-Malo", les mots sont mesurés, précis.
Fred nous conduit au salon de thé, à l'arrière de la boutique, qui est aux couleurs automnales et de style british. Derrière un jeune étudiant, Oscar Wild dans un cadre doré. Les tables sont revêtues de nappes rouges et fleuries. Le grand rideau rouge et la musique d'opéra en fond sonore apaisent. "N'est-ce-pas la meilleure ambiance pour travailler ?". L'étudiant acquiese.
Tim est un étudiant qui profite du calme du salon de thé pour bachoter. © Emma Chevaillier
De l'armée aux madeleines
C'est au fond du jardin familial de Fredqu'est née l'idée de cette maison. Quand il avait 16 ans l'ado peu scolaire, s'isolait et créait son univers. La madeleine, c'est "un souvenir d'enfance", celui de Laurent. "Mon père était très strict. Un jour, il a découvert mon temple, se souvient Fred. La famille réunie, il déclare 'il faut faire quelque chose de ce garçon'". Direction l'armée, où il affirme avoir été "un sergent attentif aux détails et à la symétrie". Quelques années plus tard, il s'installe avec Fred à Strasbourg, d'où est originaire sa mère.
Leur succès, ils l'acquièrent à force de longues heures de labeur. "On travaille 90h par semaine, soutient Fred. Je me couche à 00h45, le temps que l'adrénaline redescende et je reprends à 8h le lendemain". Sur les murs de la boutique, des cadres révèlent les mots affectueux de Nicolas Sarkozy, David Pujadas ou encore Bill Clinton.
"J’applique la règle de Pierre Berger (homme d'affaires et mécène français) : jamais je ne m’occupe de ce que font les autres. J’écoute la radio et je lis la presse écrite le matin et après je coupe tout. Comme le danseur de ballet, je me consacre à ma performance pour donner le meilleur de moi-même », explique-t-il.
Fred est le maître de maison Au Fond du Jardin. © Emma Chevaillier
"Un binôme exceptionnel"
Depuis 20 ans, ils réfléchissent, dessinent, testent et concotent leurs créations dans un dialogue permament. "Tout est relié, la décoration et nos produits" décrit Laurent. Le pâtissier avoue n'avoir jamais été lassé par la préparation de ses madeleines. "Tout vient du coeur, on ne peut pas tricher" appuie-t-il. Cette saison, c'est le thème du temps qui passe qui a été choisi. "On a élaboré un univers victorien, inspiré de John Austin, de Viriginia Woolf..." En madeleine, sa préférée, la 'Victoria' "évoque le royaume d'Angleterre. C'est une base fleurie avec de la violette" détaille-t-il.
Pour les clients, c'est un régal olfactif et visuel. "C’est comme aller à Disneyland ici" s'exasient Alexandre et Yohan, deux habitués.
Emma Chevaillier