Jean-Marie Muller, maire de la commune alsacienne de Lapoutroie, témoigne des incivilités dont il est victime.
Jeudi 12 septembre 2019, Sébastien Lecornu, ministre en charge des collectivités territoriales, a reçu une dizaine de maires et adjoints victimes d’agressions physiques, élus de villages ruraux ou de villes moyennes, venus de tout l’Hexagone. Parmi eux, Daniel Ancel, premier adjoint à la mairie de Lalaye (Bas-Rhin), menacé de mort cet été par un homme récemment installé dans sa commune alsacienne. Début août, un drame a mis en lumière la réalité du quotidien des élus locaux : la mort de Jean-Mathieu Michel, le maire de Signes (Var), tué alors qu’il empêchait un dépôt d’ordures sauvages dans sa commune.
Le gouvernement s’est donc saisi du sujet et s’est engagé à muscler la loi sur les collectivités locales pour réaffirmer son soutien aux maires. L’an dernier, 361 maires ont été agressés, dont 40 % physiquement, selon une note du ministère de l’Intérieur. Si ces cas d’agression restent faibles, la plupart des 35 000 maires de France sont victimes d’incivilités, comme Jean-Marie Muller, maire UDI (Union des démocrates et indépendants) de Lapoutroie, une commune de 1 900 habitants située dans le Haut-Rhin, depuis 2001. Il témoigne.
Avez-vous déjà été victime d’incivilités ?
Je n’ai jamais subi d’agression physique ou de menace grave, mais j’ai déjà reçu des insultes, comme : « Vous êtes un incapable, un imbécile, un malhonnête. » Je me souviens, il y a quelques années, qu’une bande de jeunes avait tagué le bâtiment de la mairie en écrivant des injures… Les gendarmes avaient réussi à les identifier, et l’histoire s’était finalement terminée à l’amiable. J’ai même marié l’un d’entre eux, quelques années plus tard ! Mais je constate que ce genre d’incivilités et ce manque de respect profond envers les élus d’une commune arrivent de plus en plus fréquemment.
Crédit : Mairie de Lapoutroie
Vous avez donc l’impression que ce phénomène s’est aggravé depuis que vous êtes maire ?
Incontestablement. Et cela se voit d’abord à la façon dont la population s’adresse à ses élus. Avant, les habitants m’appelaient « Monsieur le Maire », alors qu’aujourd'hui, seule une partie d’entre eux le font. Bien sûr, il ne faut pas généraliser ce phénomène. Toute la population ne va pas à l’encontre des maires ! La grande majorité continue même d’avoir un profond respect pour notre fonction. Mais il est vrai que mes collègues et moi sommes régulièrement confrontés à des gens irrespectueux. Par exemple, lorsque des habitants viennent me soumettre des problèmes personnels, ils peuvent me traiter de tous les noms, voire devenir agressifs, si je ne leur donne pas raison.
Comment gérez-vous ce genre de situations ?
Il faut rester calme, faire preuve de pédagogie et en parler avec ses adjoints, sinon la situation peut facilement déraper. J’ai la chance d’avoir une équipe et, ensemble, nous arrivons généralement à trouver une porte de sortie. Parfois, ce n’est pas simple, je dois même appeler la gendarmerie en dernier recours. Heureusement, cela n’arrive pas souvent.
Qu’attendez-vous du projet de loi du gouvernement ?
Je ne sais pas s’il y a grand chose à attendre. Le plus important, c’est de ne pas compliquer davantage la tâche des élus. J’entends par là d’arrêter d’édicter des normes, des circulaires incompréhensibles… Nous les maires, on est responsables de tout. Quand j’étais élève, nous avions des cours d’instruction civique, durant lesquels on nous apprenait le rôle de certaines fonctions, comme celle de maire. La première chose à faire, c’est de se concentrer sur l’éducation des plus jeunes, en leur enseignant notamment le respect de l’autre.
Laurie Correia