Un chiffre de bénéficiaires en forte croissance face à une équipe de bénévoles stable. Quels problèmes rencontrent les bénévoles face à ces nombreuses personnes qui comptent sur le soutien de l’association ?
«Beaucoup de nos bénévoles sont des retraités. Quand ils tournent pendant trois à quatre heures, ils sont vite fatigués», reconnaît Robert, retraité depuis deux ans et bénévole depuis dix ans aux Restos du Cœur. Le retraité passe ses journées aux locaux de la Meinau, un quartier strasbourgeois, où il gère « tout », les bénévoles, les bénéficiaires et le dépôt. «Vous voulez connaitre des chiffres ? La semaine dernière, nous avons distribué des aliments à 1310 familles ici à la Meinau, ce sont 220 familles par jour», déclare le sexagénaire aux cheveux blancs en regardant par-dessous ses petites lunettes rondes, «tous les jours, il y a 15 à 20 bénévoles qui accueillent les bénéficiaires».
Pour aider au maximum ces familles, le centre de la Meinau n’a pas eu d’autre choix que d’ouvrir les locaux un jour de plus, soit six jours par semaine. Pour Robert, les journées sont longues. Il commence tous les matins à 7h30, le soir il rentre entre 18h30 et 19h00. «On pourrait dire que le bénévolat a remplacé mon travail», s’amuse le retraité, «les journées sont longues car il n’y a pas seulement la distribution des aliments, après il faut tout ranger et nettoyer pour le lendemain». Le soir, il remplit les rayons et le matin, l’arrivée des produits en camion doit être gérée. Aux locaux de la Meinau, les Restos du Cœur ne font pas que de la distribution alimentaire, mais ils donnent aussi des cours de français, ils distribuent des vêtements et proposent du soutien judiciaire gratuit.
Daniel Belletier, président des Restos du Cœur du Bas-Rhin, avoue que face à ces très nombreuses personnes qui poussent les portes des locaux de la Meinau, il était difficile d’annoncer aux bénévoles que l’ouverture de cinq jours sera élargie à six jours : «Pour les bénévoles, ça sera du temps à dégager en plus». «D’ailleurs, on est toujours en recherche de bénévoles, car ceux ci-présents, ont aussi besoin de s’occuper de leurs petits-enfants», confirme Robert. Au même moment, un bénévole passe sa tête à travers la porte, il semble pressé : «Cette semaine, je vais faire juste deux demi-journées, sinon je crève, c’est trop fatigant». Avec un air un peu résigné, Robert hoche de la tête et le bénévole part.
"Il y a une complicité qui s'installe"
«Les journées que je préfère sont celles où on a du monde. Seulement quand il y a assez de bénévoles, on peut discuter avec les bénéficiaires, ça augmente la qualité de notre suivi», reconnaît Robert. Cet avis est partagé par Jean-Maurice qui s’engage depuis quatre ans auprès des Restos du Cœur : «À partir du moment où les bénéficiaires apprécient les bénévoles, il y a une complicité qui s’installe et les gens vont parfois confier des problèmes personnelles, donc on devient leur confident. Quand on n’est pas assez nombreux, on doit les survoler les cas car il y a des personnes derrière qui attendent leur passage». Jean-Maurice déplore quand les journées se déroulent de cette manière, d’autant plus qu’il aime aider les gens et leur donner son temps. Pour lui, les situations les plus stressantes sont quand il n’arrive pas à se faire comprendre auprès des bénéficiaires en raison de la barrière de la langue : «On sert beaucoup de personnes qui sont issues de l’immigration, heureusement que quelques-uns parmi nous parlent russe, arménien, arabe ou anglais». Pour garantir encore un meilleur suivi, le retraité souhaiterait que l’équipe des bénévoles soit plus mixte en termes d’âges : «Ça garantirait encore un meilleur suivi des bénéficiaires qui sont eux aussi d’âges différents».
De la première semaine de six jours d’ouverture, Robert fait quand même un bilan positif : «La semaine dernière, on a réussi à gérer la distribution en nous appuyant sur nos bénévoles habituels, et on a trouvé quelques nouveaux bénévoles.» Comme ses collègues, Jean-Maurice lance également un appel à des nouvelles personnes qui souhaitent s’engager auprès des Restos du Cœur : «Des nouveaux bénévoles sont toujours les bienvenus, à conditions qu’ils restent. Car les bénéficiaires, eux, viennent tous les jours».
Annika Schubert