La polémique sur le dopage des sportifs espagnols lancée par les Guignols de l'info prend de l'ampleur. Canal + juge les réactions de l'Espagne disproportionnées.
Les Guignols de l'info ont piqué l'Espagne au vif. La diffusion de plusieurs sketches évoquant le dopage dans le sport espagnol indignent médias et institutions hispaniques depuis plusieurs jours. La chaîne Canal+ s'est "étonnée" ce vendredi de ces réactions qu'elle juge "disproportionnées". "Les Guignols est une émission satirique qui, depuis 20 ans, caricature l'actualité française et internationale", a déclaré une porte-parole de la chaîne privée. Cette polémique intervient alors qu'Alberto Contador a écopé lundi de deux ans de suspension pour dopage.
Canal + s'en est donné à cœur joie pour caricaturer le sport espagnol. Dans une vidéo du 6 février, Rafael Nadal urine dans le réservoir de sa voiture, avant de se faire contrôler à 280 km/h. Dans le JT satirique du 8 février, Iker Casillas, Rafaël Nadal et Pau Gasol signent une pétition de soutien pour Alberto Contador non pas avec des stylos, mais avec des seringues. Le lendemain, un sketch met en scène ces même sportifs en train de chanter à la gloire du dopage. "J'ai 15 litres de sang dans le frigo, et viva Espana!", s'époumone Nadal. Dans cette vidéo, la jumelle de la Joconde madrilène est présentée avec des bras anormalement musclés.
La satire n'a pas plu à la presse hispanique. Un journaliste espagnol s'est violemment énervé ce vendredi contre le correspondant local d'RMC. "Ce ne sont pas des marionnettes", se fâche la Une de Marca, un quotidien sportif espagnol, ce vendredi matin, en affichant les photos des plus grands sportifs du pays. Le journal, qui consacre huit pages à "la guerre des Guignols", révèle que le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, aurait pris rendez-vous mardi avec Rafael Nadal pour évoquer l’affaire.
Crédit photo: Marca
La veille, le champion de tennis exprimait sa tristesse, estimant que ces vidéos reflètent "une campagne contre l'Espagne en général et contre le sport espagnol. Je ne pense pas que ce soit la question d'un seul média. C'est une campagne plus globale depuis un pays voisin".
Jeudi, l'ambassadeur espagnol à Paris a reçu instruction du ministre des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia-Margallo d'envoyer une lettre à tous les médias français pour signifier son mécontentement. Ces sketchs "n'ont aucun rapport avec la réalité. Franchement, ces vidéos... sont d'un mauvais goût incroyable", a insisté le ministre espagnol. "Il nous semble profondément injuste que l'on prétende expliquer (les) succès (de l'Espagne) par une présumée consommation de produits illicites", signifie notamment la lettre. La Fédération espagnole de tennis a par ailleurs indiqué mercredi qu'elle allait porter plainte contre Canal+ France.
Le dopage des Espagnols est pourtant une source intarissable d'inspiration. L'émission humoristique "Vaya Semanita" (Drôle de semaine) de la télévision basque EITB a diffusé en octobre un sketch dans lequel un cycliste, qui représente Contador, chante : "Moi, je me dope aux stéroïdes et je suis heureux". A la fin du sketch, ce message apparaît : "Soyez intelligent, si vous êtes pris, dites que vous avez mangé un steak".
En France, les suspicions de dopage dans le sport espagnol ne sont pas traitées uniquement par les humoristes. Le Monde publiait mercredi un édito qui incitait l'Espagne à "regarder le dopage en face". Deux mois plus tôt, l'ex-joueur de tennis français Yannick Noah ironisait sur "la potion magique" espagnole, dans une tribune du même journal.
Du côté du gouvernement français, la marge de manœuvre est mince. "S'agissant des reproches faits à la France à l'occasion de ce qui a pu être dit ou fait par des médias français, on rappelle naturellement l'indépendance de la presse", a affirmé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Pour lui, "ce qui est important, c'est de calmer les esprits et de le faire très vite".
Crédit photo d'appel: capture d'écran Canal+
Marion Lippmann