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De la tête aux fesses

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Poids de l’histoire, peur du regard, pression sociale : pour une femme aux cheveux crépus, faire le choix du naturel n’est pas anodin. Face au diktat du cheveu lisse, certaines tentent de porter un nouveau modèle de beauté.

"J’ai grandi dans un monde où une femme comme moi, avec mon type de peau et de cheveux, n’a jamais été considérée comme étant belle. Je pense qu’il est temps que ça change." C’est suite à ce discours que Miss Afrique du Sud a remporté le concours de beauté Miss Univers, le 8 décembre 2019. Arborant une courte coiffure afro, la jeune femme s’est distinguée de ses concurrentes à la longue chevelure lisse.

Un symbole fort dans "un monde dominé par la culture occidentale et par son esthétique", selon la sociologue Éliane Eock Laïfa. Une domination fruit de l’histoire : "La colonisation, la domination territoriale des Européens sur les autres peuples s’est inscrite sur leurs corps. Les traits physiques des colons ont été associés au raffinement et à la beauté tandis que ceux des esclaves et des colonisés sont devenus ceux de la laideur", explique la sociologue Juliette Sméralda.

Se lisser les cheveux pour intégrer la norme dominante

Cheveux crépus, peau sombre, yeux bridés : des traits caractéristiques que beaucoup tentent de gommer pour se rapprocher du morphotype occidental. Conséquence, le lissage des cheveux, blanchiment de la peau et le débridement des yeux sont des pratiques répandues. Enid Gallaya, Strasbourgeoise de 42 ans originaire de Guadeloupe, a commencé à se lisser les cheveux, dans l’enfance : "Ce que l’on voyait dans les magazines, c’était le modèle de la femme blanche aux longs cheveux lisses qui retombent sur les épaules. C’était ça pour nous la France."

Pour certaines, garder ses cheveux naturels, courts et frisés, c’est risquer de faire l’objet de moqueries, voire d’être rejetée. Saadia, d’origine marocaine, en a fait l’amère expérience lorsqu’elle était collégienne à Béziers (Hérault). "J’étais la seule fille de mon école à avoir les cheveux crépus et frisés, raconte la jeune femme de 23 ans. J’étais un peu considérée comme la moche. On me disait que mes cheveux ressemblaient à une éponge, que j’avais une serpillière sur la tête. À 15 ans j’ai commencé à me lisser les cheveux au fer tous les matins." Aujourd’hui encore, avec le lissage à la kératine, Saadia s’emploie régulièrement à faire disparaître ses boucles. "Je ne me trouve pas belle avec mes cheveux frisés", confie-t-elle.

Le lissage, une affaire de femmes

Tissage, extension au crochet (crochet braid), perruque : différentes techniques de greffage de cheveux permettent d’arborer une chevelure lisse. Pour le défrisage, le recours à une crème composée de soude sert à modifier la structure du cheveu afin de le rendre lisse de manière définitive. Cette technique reste l’une des plus prisées chez les femmes noires en France. Selon une étude de l’agence AK-A datant de 2012, 61 % d’entre elles se défriseraient les cheveux au moins une fois par an.

image2 Quelques minutes suffisent à changer de tête. Photo Edwige Wamanisa / Cuej

La tentation du lisse chez les femmes d’origine africaine s’expliquerait par l’absence de modèle valorisant : "Les femmes noires et métissées qui incarnent la réussite dans les médias portent des cheveux lisses en grande majorité, constate Éliane Eock Laïfa. Très peu montrent leurs cheveux crépus. Ainsi, personne ne va personnaliser la réussite et légitimer ce style, contrairement aux hommes."

Star du foot ou du petit écran, les hommes noirs célèbres font de leurs cheveux naturels un style à part entière. Des modèles sources d’imitation, comme en témoigne Christopher, Francilien de 25 ans : "À la fac, j’ai porté le hi-top des afro-américains, la coiffure de Will Smith dans la série le Prince de Bel Air. La tendance était plutôt au old school."

Le Natural Hair Movement ou la chute du défrisage ?

Les années 2000 ont vu apparaître le Natural Hair Movement aux États-Unis, aussi appelé mouvement nappy, qui prône l’abandon du défrisage. "C’est un renversement du stigmate. Les femmes affirment qu’elles sont belles telles qu’elles sont", analyse Éliane Eock Laïfa. Esthétique, affirmation de soi, quête identitaire : les raisons de ce retour au naturel sont diverses.

image2 Le mouvement nappy rejette le culte du cheveu lisse. Document remis

Les femmes font attention aux produits qu’elles utilisent et écartent le défrisage, jugé trop agressif. Laëtitia Diallo a décidé de retrouver ses cheveux naturels à l’âge de 25 ans, après 13 ans de défrisage. "À force, j’avais l’impression que mes cheveux se cassaient. J’ai commencé à avoir un trou en plein milieu de la tête et je me suis dit que ce n’était pas possible de rester comme ça."

Rester naturelle : tout un combat

Une fois sa texture naturelle retrouvée, il faut apprivoiser une nature de cheveu oubliée. Apprendre à se faire des coiffures protectrices (se faire des tresses afin de préserver les pointes des cheveux), faire un twist out (coiffure qui permet de boucler son afro), utiliser les bons produits pour l’hydratation du cheveu. Un apprentissage qui peut décourager.

Madeline, 30 ans, se défrise à nouveau le cheveu après un court passage au naturel jugé trop compliqué. "Je ne savais pas quel produit utiliser, ni comment entretenir mes cheveux. Je ne connaissais pas les routines, les trucs de nappy. C’était ingérable", confie la jeune femme. Beaucoup de femmes nappy utilisent désormais les lace wigs : des perruques indétectables, lisses ou frisées, popularisées par les stars de la chanson afro-américaines. "Ces femmes se considèrent naturelles même si elles portent une perruque lisse au dessus de leurs cheveux. Pour elles, l’essentiel est de ne pas défriser le cheveu", explique Éliane Eock Laïfa.

image2 Berline Tchaho vend des cosmétiques afro dans le centre-ville de Strasbourg. Photo Edwige Wamanisa / Cuej

Pour Berline Tchaho, gérante d’une boutique de cosmétiques à Strasbourg, les femmes noires doivent surtout apprendre à aimer leur chevelure et ne plus se chercher d’excuses. "Si on ne s’impose pas dans le monde actuel avec notre propre beauté, on ne s’en sortira plus. Maintenant, des femmes nous envient notre texture. Beaucoup de femmes blanches viennent dans ma boutique et achètent des lace wigs pour avoir le cheveu frisé et plus de volume. L’élection de Miss Univers va peut-être faire évoluer les choses", relève-t-elle, optimiste.

Edwige Wamanisa

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Les grosses fesses, obsession du moment

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Les formes amples et rebondies ont longtemps été dénigrées en Occident. Popularisées par la culture hip-hop et les réseaux sociaux, les grosses fesses sont à la mode. Des femmes font tout pour intégrer ces nouveaux codes esthétiques.

Edwige Wamanisa