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Apprivoiser la solitude
Marie-Julie n’est pas passée par une association de protection animale pour sauver Luna, mais de leur côté les refuges du Bas-Rhin n’ont pas été ménagés pendant cette période. Le nombre de demandes d’adoption est resté quasiment le même dans certains sites, comme à la SPA de Strasbourg qui a comptabilisé 132 adoptions contre 144 l’année dernière, à la même période. Paul Decanter, y a adopté son nouveau matou. “Peu de temps avant le confinement, on s’est séparé avec ma copine et du coup je me suis retrouvé très très seul”, précise le Strasbourgeois de 26 ans. Le couple possédait deux chats qui ont grandi ensemble; c’est finalement l’ex-compagne du jeune homme qui les a gardés.
Pour apprivoiser cette nouvelle solitude, il a profité de la dérogation d’ouverture des refuges afin de se trouver une nouvelle compagnie. Le chat qu'il a ramené chez lui s’appelait Perlin, il l'a rebaptisé Loki. “Ça fait de la présence dans l’appartement, il me donne un rythme de vie. Le matin, par exemple, il me réveille car il me réclame à manger. Et même si en ce moment je travaille à distance, je ne suis pas en retard grâce à lui”, sourit Paul, qui s’étonne du lien qu’il a tissé, si rapidement, avec ce chat âgé de 9 ans.
Réagir face aux abandons
Outre les adoptions, il y a aussi eu de belles initiatives pour venir en aide aux refuges et aux associations. À Sélestat, alors que Christophe Brochet et sa femme venaient d’adopter un chien en octobre, ils sont quand même devenus famille d’accueil pour la première fois. Le déclencheur : “On a vu des articles sur les Chinois qui se débarrassaient des chiens à cause de la peur du Covid”, explique Christophe Brochet. Le couple a ouvert sa porte à Darbi, un chien de chasse qui patientait à la SPA d’Ebersheim. “Certains bénévoles qui ne pouvaient plus se rendre au refuge ont souhaité accueillir ces animaux. Par la suite, des gens se sont aussi proposés spontanément pour que les chats ne restent pas seuls trop longtemps”, développe Anaïs Loas, secrétaire de l’association strasbourgeoise Éthique et respect animal (ERA) qui a déjà recueilli près de 220 chats abandonnés depuis le début de l’année.
Sushi et Murphy ne sont plus les seuls félins sur leur territoire. “La nouvelle, la petite Luna, c’est mon ombre”, rigole Marie-Julie Legrand-Moser, 27 ans. Dès la première semaine de confinement, cette jeune Strasbourgeoise a tout mis en œuvre pour sauver une boule de poils de seulement huit mois. “C’est un monsieur qui est allé se confiner ailleurs et qui a abandonné son petit chaton dans la rue, près de Wolfisheim, sans nourriture, sans eau”, déplore-t-elle. La compagnie de ses chats et en particulier de la petite dernière l’a bien occupée pendant ces 55 jours.
“J'étais déjà très à l'écoute de leurs besoins, mais avec le confinement ça a carrément été l'aménagement de l’appartement. Il est conçu pour eux !”, affirme-t-elle. Banc, balancelle, hamac, mur d’étagères, cabanes en carton, jouets, Marie-Julie et son mari ont tout fabriqué, pour le plus grand plaisir de leurs trois chats. La jeune femme a eu une longue phase de réflexion grâce à la présence de ses matous. “Le confinement m’a permis de savoir vraiment ce que je voulais faire : je vais reprendre des études en éthologie et me spécialiser dans les félins”, explique l’ancienne étudiante en master d’histoire. Une décision à laquelle ne sont pas étrangères les particularités de chacun de ses animaux : “J’ai un chat qui est obèse et un qui est asthmatique et angoissé, parce qu’il a été maltraité.”
Dans le Bas-Rhin, de nombreux réseaux d’entraides ont vu le jour suite à la crise du coronavirus. Une mobilisation de masse, au-delà de toutes les attentes. A Haguenau, par exemple, des centaines d’habitants font preuve d’un dévouement total.
Une fois par semaine depuis le confinement, Isabelle Gaulmin, 28 ans, effectue des courses alimentaires pour Angèle, 88 ans, qui vit seule et sans parent à proximité. Moins d’un kilomètre sépare cette employée d’une entreprise pharmaceutique, du domicile de l’octogénaire. Elle y récupère sa liste de courses, avant de revenir les bras chargés. “Avec mes grands-parents, je me suis rendue compte que des personnes autonomes peuvent se retrouver en situation de dépendance”, souligne la Haguenovienne. “Dès le début de la pandémie, je me suis demandée comment aider.”
Les deux femmes ne se connaissaient pas. C’est le registre solidaire de Haguenau qui les a mises en relation. Dès la deuxième semaine du confinement, la municipalité bas-rhinoise a en effet décidé de s’inspirer d’un dispositif déjà utilisé lors des périodes de canicule ou de grand froid. “On a tout de suite porté une attention particulière aux plus vulnérables : les personnes âgées, handicapées ou isolées, en mettant en place un système pour les courses ou les médicaments”, expose Mireille Illat, adjointe aux solidarités. En tout, une centaine d’habitants ont signé une convention de bénévolat auprès du Centre communal d’action sociale (CCAS) pour aider 90 personnes.
Des envies de bénévolat renforcées
Un engagement “évident” pour Stéphanie Ledoux, professeure d’anglais de 53 ans : “Je me suis dit que si tout le monde agissait, ça donnait du sens à cette période hors-norme.” Fin mars, le CCAS la contacte pour aider une dame d’origine malgache, de plus de 80 ans. “Ça ne s’arrête pas uniquement à ‘je fais vos courses, je vous les dépose et au revoir’”, explique la Haguenovienne. Même si elle passera prochainement la main à une autre bénévole, par manque de disponibilité, elle en tire une leçon : “Ça m’a confirmé que c’est le genre de démarche qui m’interpelle et m’intéresse.”
“On ressort grandie et humble”, confie de son côté Isabelle Gaulmin, parce qu’au fil des jours, une relation de confiance et une complicité se créent. Elle qui restait au départ devant la porte d’Angèle, a fini par “déballer les courses ou réparer sa table basse”.
Face à tant de bonnes volontés, l’adjointe Mireille Illat souhaite que soit mise en place, dès le début du prochain mandat, une “bourse du bénévolat” sous la forme d’un site internet. Avec cette plateforme, l’élue espère “permettre aux associations de signifier leurs besoins et aux personnes qui ont envie d’agir, de s’engager, de manière pérenne ou plus ponctuelle”. En attendant, des trésors d’entraide ont émergé à Haguenau : paniers de fruits et légumes offerts aux auxiliaires de vie, dons des entreprises locales au personnel soignant, atelier des couturiers.
Répondre à l’urgence de la situation avec l’esprit d’entreprise
Ce dernier projet a permis la confection bénévole de 30.000 masques, en un peu plus de six semaines. L'idée a germé dans la tête de Marie-Christine Staedel, fille de commerçants, qui a elle-même tenu pendant seize ans une boutique de nutrition et bien-être. L’attention à l’autre, c’est ce qui a poussé cette native d’Alsace du Nord à s’essayer à la fabrication de masques en tissu lorsqu’une cliente lui a demandé où s’en procurer. Marie-Christine Staedel contacte la mairie qui lui met à disposition la Salle des corporations, où elle va monter cet atelier.
En quelques jours, 250 bénévoles se présentent, des appels aux dons de tissus sont lancés, la chaîne de production est organisée : couture, découpe et repassage. Des kits sont aussi disponibles pour ceux mobilisés à domicile. Les masques pour enfants et adultes sont ensuite distribués par des bénévoles, dans les boîtes aux lettres, aux Haguenoviens qui les ont commandés.
Quand solidarité rime avec humilité et humanité
Cet atelier incarne avant tout une aventure collective, un condensé d’humanité et de solidarité. “Certains me disaient n’avoir jamais vécu quelque chose de pareil”, s’enorgueillit Marie-Christine Staedel. Face à un confinement inédit, se retrouver pour aider les autres a rendu les choses plus faciles à vivre. “Tous les jours j’ai été dans cette salle, je voyais du monde, on s’est même fait des amis. C’était une grande fierté, je n’avais jamais fait de bénévolat auparavant”, témoigne Armelle Amouroux, 79 ans, couturière de métier. La retraitée s’est promis de ne pas perdre le fil. Cet été, elle participera au grand barbecue qui se prépare déjà.
Lucie Caillieret et Achraf El Barhrassi
Si la crise sanitaire a marqué un coup d’arrêt dans les interactions entre les humains, la relation avec les animaux, elle, n'a pas ralenti. Refuges et associations du Bas-Rhin ont reçu de nombreuses demandes d’adoption, donnant lieu à de belles histoires.