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La concurrence est forte entre les différents établissements, comme l’explique Sultan, 35 ans, salariée du Star Express : “Le Doy Doy s’est installé à 50 mètres en janvier, ça nous marque, ça reste de la concurrence.” Mehmet*, gérant du Ali Baba, est lui aussi inquiet pour l’avenir de son snack : “Depuis que j’ai racheté le restaurant il y a quatre ans, j’ai vu cinq ou six kebabs s’installer. Je suis sûr qu’il y en aura autant en plus dans quatre ans.”

À cette adversité s’ajoute un désintérêt croissant des jeunes. Les élèves du lycée Aristide-Briand de Schiltigheim semblent préférer les burgers du géant McDonald's de l'avenue Pierre-Mendès-France. Face à cette clientèle versatile, les patrons de snack sont obligés de se démarquer pour exister.

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Sur la rue du Général-Leclerc, qui fait le carrefour avec la Route de Bischwiller, trois fast-foods juxtaposés, dont deux kebabs. 
© Rafaël Andraud

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Le Mya n'est resté ouvert que quelques mois. Il avait remplacé Le Vizir, un autre kebab qui a fermé en 2020. © Rafaël Andraud

Une devanture usée avec un rideau de fer baissé. Passé le panneau d’entrée de ville, le Mya, première enseigne de Bischheim, n'aura pas résisté longtemps à la concurrence en matière de fast-food sur la route de Bischwiller. En face, se dressent une franchise Domino's Pizza et le PizzAlanya, une pizzeria-kebab qui propose une large carte : pizzas, kebabs, pide [des pizzas turques], pâtes, tartes flambées, grillades, etc. Une stratégie de diversification à laquelle peu échappent sur cet axe.

En seulement 750 mètres, huit kebabs et quatre pizzerias se succèdent. Les fast-foods grignotent progressivement les surfaces commerciales locales. “On a remplacé notre boucherie par un kebab, notre papeterie par un tacos”, déplore Bertrand, un boulanger du quartier. Et lorsqu’un kebab ferme, il laisse la place à un nouveau : le Doy Doy a succédé au Yok Yok en janvier 2020. 

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© Loïc Gorbibus

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© Loïc Gorgibus 

Près de 15 000 voitures, poids lourds, camionnettes et bus* empruntent chaque jour la portion schilikoise de la route de Bischwiller. En plus de générer de la pollution sonore, cette affluence détériore la qualité de l’air. Selon l'association chargée de la surveillance de la qualité de l’air (Atmo Grand Est), le niveau annuel du dioxyde d’azote (NO₂) dépasse de 5,62 μg/m3 la limite fixée par l’Union européenne au croisement de la rue Perle. Il s’en approche aussi à l’école Léo-Delibes. Le problème n'est pas spécifique à Schiltigheim puisque la France a été condamnée par la Cour de justice de l'Union européenne, le 24 octobre 2019, pour “dépassement de manière systématique et persistante [de] la valeur limite annuelle [en] dioxyde d'azote” dans douze agglomérations dont celle de Strasbourg. Cependant, “réduire drastiquement la circulation est un véritable enjeu pour la qualité de vie des habitants”, affirme Andrée Buchmann, adjointe à la mairie de Schiltigheim et membre du Conseil national de l'air.

Enjeu primordial contre le réchauffement climatique, le végétal peine à se frayer un chemin le long de la bétonnée route de Bischwiller. Les communes de Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim avancent à un rythme différencié, entre négociation des projets immobiliers, biodiversité dans l'espace public et implication citoyenne dans le jardinage.

 

Le long de la route de Bischwiller, échafaudages et avis de construction remplissent l’horizon de Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim. À Schiltigheim, porte d’entrée de Strasbourg, difficile de ménager une place à la végétation et de répondre aux objectifs écologiques dans une ville animée par de grands chantiers immobiliers. Pourtant, c’est aussi la seule des trois voisines à s’être engagée dans le “Pacte penser, aménager et construire en transition écologique” de l’Eurométropole. Bien que le document n’ait pas de valeur juridique, il permet de créer un espace de discussion entre les acteurs de la construction et de l’urbanisme, les communes signataires et l’Eurométropole afin d’appliquer le plan climat au niveau local. 

Chantier d’ampleur, l’ancien site industriel Fischer deviendra un quartier à part entière. La question de sa végétalisation se pose. “Jusqu'à aujourd’hui, Fischer était un gros îlot de chaleur sur la carte, tout était en rouge. J’espère que demain ce ne sera plus rouge, mais au moins orange. Je ne me fais pas d'illusions, il y aura quand même 610 logements”, expose Danielle Dambach, maire de Schiltigheim. Pour l’instant, sur le chantier de la maison du Dinghof, rue d’Adelshoffen, c’est le projet de construction immobilière qui l’a emporté sur l’installation d’un verger communal promis aux habitants, dont la surface devrait considérablement rétrécir. 

Selon le plan local d’urbanisme (PLU) intercommunal de l’Eurométropole, les nouvelles constructions doivent intégrer 10 à 40% d’espace végétal. Un pourcentage qui varie en fonction de leur emplacement : zone urbaine, à urbaniser, agricole, naturelle. Après négociations entre la municipalité et Cogedim, le promoteur, en 2018, le site Fischer comprendra finalement 40% d’espaces verts, dont des jardins, des toitures végétalisées et un potager partagé. Pour Danielle Dambach, les surfaces en pleine terre et sur les logements sont complémentaires : “les toitures végétalisées sont importantes parce que ça permet de rafraîchir le bâtiment et d'absorber les eaux de pluie”.

Par le biais du PLU, les municipalités peuvent également inscrire des parcelles privées comme “espaces plantés à créer ou à conserver” (EPCC). Le long de la route de Bischwiller, on compte trois EPCC à Hoenheim, quatre à Bischheim et douze à Schiltigheim. Ce sont des parcs ou des ensembles de jardins de particuliers que les élus proposent d'inscrire au plan pour qu’aucune construction ne vienne les remplacer à l'avenir. Ce frein à la bétonisation n'est pas sans conséquence sur la valeur des biens, mais pour la maire schilikoise Danielle Dambach, “c'est l'intérêt général qui doit primer”. 

 

Entre politiques communes et projets individuels : différentes manières de végétaliser l’espace 

La route de Bischwiller, cet axe privilégié du trafic automobile, ne laisse que de rares interstices aux végétaux. À Hœnheim, seuls quelques tilleuls ont été plantés aux abords de l'église Saint-Joseph et il suffit de s'éloigner de quelques mètres pour qu'ils disparaissent du paysage, au profit du goudron. Pavé sur toute sa longueur, le parc Wodli, à Bischheim, ressemble plus à une place qu’à un espace vert. Mais les trois municipalités semblent faire des efforts dans ce sens : 1 000 arbres plantés annoncés à Schiltigheim durant le mandat en cours, 100 nouveaux installés l’hiver dernier à Hoenheim et deux plantés pour un abattu à Bischheim et à Schiltigheim.

Elles collaborent aussi pour la restauration de la Trame verte et bleue sur leurs territoires, en partenariat avec Alsace Nature et l’agence de l’eau Rhin Meuse. “L’objectif est de recréer des corridors écologiques pour lutter contre la fragmentation des milieux naturels et ramener de la nature en ville”, explique Delphine Lacuisse, chargée de mission pour Alsace Nature. La restauration de la biodiversité repose sur les projets proposés par les communes, comme la haie libre d’un kilomètre que la ville d’Hœnheim va planter rue de la Fontaine.

L’objectif de la végétalisation n’est pas simplement de planter en quantité, mais de créer des écosystèmes favorisant la biodiversité, avec des essences locales. Ainsi, dans le parc de la Résistance déjà arboré à Schiltigheim, les futurs projets consistent à “travailler sur des strates”, explique Danielle Dambach. “Les arbres à haute tige sont là, mais nous voulons aussi des strates moyennes avec des buissons, des haies, et des strates végétales basses que sont les fameux jardins partagés.”  

 

Une démarche participative 

Les deux extrémités de la route de Bischwiller, à Schiltigheim et à Hoenheim, accueillent des jardins familiaux. Mais les citoyens des trois communes sont aussi régulièrement conviés à jardiner dans l’espace public. Depuis deux ans, la municipalité de Schiltigheim propose des conventions de végétalisation qui permettent aux particuliers et aux associations de planter et d’entretenir une parcelle sur la voirie. 

Signe des temps, la création d’une forêt urbaine et la plantation d’arbres arrivent en tête des préoccupations citoyennes au budget participatif 2020 à Schiltigheim, remportant chacune une enveloppe municipale de 30 000 euros. Danielle Dambach, la maire écologique schilikoise, s’en réjouit : “ Si avec ça on n’a pas compris, c’est qu’on est sourd !”

 

Claire Blondiaux, Séverine Floch, Laura Remoué

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À 11h45, sur le parking de l’école maternelle Léo-Delibes, certaines voitures laissent leurs moteurs tourner alors que des enfants se faufilent entre les pots d’échappement© Loïc Gorbibus

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