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Avec la guerre en Ukraine, la dimension politique de l’enseignement du russe est exacerbée. Les jeunes Géorgiens sont partagés entre héritage culturel et rejet de la « langue de l’ennemi ».
Cela est d’autant plus vrai pour lui qu’il est assuré d’hériter de la ferme. La tradition privilégie l’aîné masculin de la famille lors de l’héritage. Sa sœur Mariami, tout juste majeure, n’a pas la même possibilité. Elle prévoit de partir à Tbilissi pour commencer des études de commerce. Leur histoire familiale s’inscrit dans une pratique plus générale qui désavantage les femmes, beaucoup moins souvent propriétaires de terres que les hommes en Géorgie.
Malgré cet héritage garanti, Giorgi se voit tout de même obligé de partir pour réaliser son projet. « Après l’école, j’irai à Tbilissi pour me faire de l’argent, mais je ne me vois pas y vivre. Entre quatre murs, j’aurais l’impression d’être emprisonné. »
Nils Hollenstein
Luise Mösle
avec Lile Samushia
Sous les bruits stridents de meuleuses et de perceuses, neuf grues s’affairent à construire des immeubles modernes autour de l’Adjarabet Arena, inaugurée en 2020. C’est dans ce stade qu’évolue le FC Dinamo Batoumi, le club bleu et blanc de la ville côtière. Depuis, il a décroché son premier titre de champion de Géorgie en 2021. L’enceinte de 20 000 places, symbole du coup de jeune du quartier, aspire à faire rayonner la deuxième plus grande ville du pays au niveau européen.
« Le gouvernement nous accorde plus d’attention »
« Le stade a été construit sur un terrain vague où était implantée une usine de voitures dans les années 1990, se souvient Marina Gehzanidze, habitante d’un immeuble rénové en 2020, situé au pied de la tribune VIP. Ces dernières années, des petites maisons ont aussi été détruites pour laisser la place à de grands immeubles neufs. » Les rues ont été refaites, des lampadaires ont été installés. Marina est formelle : « Depuis la construction du stade, notre quartier pauvre est devenu mieux organisé. Le gouvernement nous accorde plus d’attention. »
Habitant dans la même rue, Uekua Gultana attend tout de même plus de considération. Devant son immeuble soviétique décrépit, la femme de 67 ans regrette qu’il ne soit toujours pas rénové : « Quand Saakachvili était président, les façades avaient été repeintes, la toiture remplacée. Depuis ? Plus rien. » Pour autant, la Batoumienne se réjouit d’habiter à côté de l’enceinte sportive : « Elle rend le quartier plus réputé. Je suis heureuse pour mes enfants qui peuvent en profiter. »
Des revenus supplémentaires
Ils ne sont pas les seuls. Toute la ville tire les bénéfices de ce nouvel écrin financé par les deniers publics à hauteur de 51 millions d’euros. « Batoumi est très internationale. Beaucoup d’étrangers vivent ici et viennent aux matches. Les touristes représentent au moins 10 % des ventes de billets, estime Anri Kiguradze, manager technique du Dinamo Batoumi. Ce sont des revenus en plus pour le club et pour la ville. »
La Géorgie compte sur l’Adjarabet Arena pour briller sur la scène sportive européenne. Hôte régulière des matches de la sélection nationale, elle accueillera aussi en juin et juillet le Championnat d’Europe de football des moins de 21 ans. Mais l’activité du stade ne se résume pas qu’au ballon rond. Un forum international de tourisme y prendra place cette année.
Julien Rossignol
Avec Nini Shavladze
Ces petits volumes ne font pas le poids face aux importations massives de denrées agricoles. Ces dernières sont favorisées par les accords de libre-échange conclus notamment avec la Russie en 1994 et la Turquie en 2009. Résultat : malgré son potentiel agricole, la Géorgie importe la majorité de ses aliments. « Les importations de blé russe et de lait en poudre de Turquie et d’Iran font baisser les prix et rendent nos produits trop chers sur le marché », déplore Tamazi. Début 2022, la Géorgie importait 95 % de son blé et de sa farine de blé de Russie.
Teona et Tamazi espèrent toutefois élargir leur exploitation pour pouvoir garantir un futur stable à leurs enfants et prévoient de construire une ferme plus grande à l’extérieur du village. « J’ai déjà installé l’eau et l’électricité. Ici je projette de construire l’étable, là une maison et derrière, dans la rivière, je pourrais installer un élevage de saumons géorgiens », esquisse Tamazi, confiant. Pour réaliser ce projet, il lui manque surtout de l’argent. « Le gouvernement ne propose pas de soutien adapté aux jeunes agriculteurs », critique-t-il.
Génération Z
Pourtant, il existe une jeune génération qui rêve de faire sa vie à Argokhi. Giorgi, 14 ans, aimerait bien reprendre la ferme de ses parents. Ce dimanche matin, il profite des premières heures du soleil après de longues journées de pluie, pour ramasser de la luzerne pour leurs vaches. « J’aime bien le travail physique, c’est ce que mon père et moi avons toujours fait », dit-il, appuyé sur le manche de sa fourche. Lucide, il garde pourtant espoir : « Les choses s’arrangeront à l’avenir pour ceux qui restent. »
« Par exemple, en 2020, à six mois des élections législatives, nous avons aidé Meta à supprimer des centaines de pages et faux comptes liés à Koka Kandiashvili, ancien porte-parole du parti Rêve géorgien et actuel conseiller en communication du gouvernement. Certaines pages comptaient un million d’abonnés », explique Ani Kistauri. Plus récemment, la chercheuse a épinglé la page Facebook « In Reality », pilotée et financée par les communicants de Rêve géorgien pour promouvoir la politique gouvernementale, et alimentée par des fonctionnaires durant leurs heures de travail, malgré le devoir de réserve.
Contrairement à Ana ou au Magnolia, certains ont tout de même pu prendre le train de la croissance en marche, comme Kristina, salariée du Princess Casino. « Avant il n’y avait pas de transports publics, pas de bonnes routes et d’infrastructures. Aujourd’hui, c’est bien mieux avec l’évolution de la ville, affirme la croupière, cheminant vers son travail en jogging et basket. C’est bien que les étrangers manifestent de l’intérêt pour la ville. Les constructions sont une source de travail et de revenus pour beaucoup de gens ici. » Paradoxale, Batoumi est habitée par cette disparité, une modernité rêvée, lucrative, mais aussi inadaptée, en particulier à l’urgence climatique, tout au bas de la liste des priorités locales.
Camille Aguilé
Cyprien Durand-Morel
Isalia Stieffatre
Avec Nini Shavladze et Mariam Mtivlishvili
Sans en produire, la Géorgie est devenue le principal marché de l’automobile du Caucase. Sa spécialité : la voiture d’occasion importée des États-Unis, puis ré-exportée de Roustavi, au sud-est de Tbilissi.