Vous êtes ici

Le taux d'équipement sportif des villes françaises est deux fois plus faible que celui des campagnes. Dans la région Grand Est comme dans le reste de la France, cette situation contribue à la surcharge des infrastructures urbaines.

Les zones rurales et urbaines comptent autant de licenciés en fédérations sportives (24,09% des habitants en ville, 24,83% en zone rurale). Mais le taux de licenciés est sensiblement le même, le taux d’équipement est, quant à lui, inégal entre ville et campagne.

En zone urbaine, il y a 257 habitants pour un équipement sportif, mais 132 seulement en zone rural. Ces inégalités remontent aux années 1980-1990. L’État, en diminuant ses aides, a conduit les communes, aidées par les autres collectivités locales, à engager des réalisations de complexes et de mobiliers sportifs.

Dans le Grand Est, 206 habitants de zones urbaines se partagent un équipement, contre 136 dans les campagnes. Avec 417 habitants pour un équipement, Strasbourg pointe au 3522 ème rang sur 3676 au classement du taux d’équipement par habitant dans le Grand Est.

Les départements de la région Grand Est sont en moyenne mieux équipés que le reste de la France. En comparant département par département, les disparités entre villes et campagnes se confirment. Les habitants des territoires les plus urbanisés (le Haut-Rhin et le Bas-Rhin) souffrent d’un manque d’espaces sportifs.

À l’inverse, les habitants des départements les plus ruraux sont moins nombreux à se partager un seul équipement. En Haute-Marne, département rural à faible densité de population, il y a plus d’équipements par habitant. Seule exception à la règle, l’Aube, qui, bien que faiblement peuplée, voit ses équipements sportifs surchargés. Cela peut être dû au fait que l’offre sportive dans cette zone soit plus restreinte.

Une offre plus diversifiée dans les zones urbaines

« La surcharge des équipements en ville existe, mais pas partout, nuance Gilles Vieille-Marchiset, directeur de l’équipe de recherche Sport et sciences sociales à l’université de Strasbourg. C’est dans les plus grosses agglomérations que les équipements saturent le plus.»

Le taux d’équipement par habitant autour des grandes villes comme Strasbourg, Colmar ou Metz est plus faible que dans les zones rurales proches de la frontière belge. Si les équipements en ville sont proportionnellement moins nombreux qu’en campagne, ils permettent une plus large palette d’activités. Là où de nombreuses communes de campagne ne proposent qu’un seul type d’équipement, bien souvent un terrain de football ou un court de tennis, les grandes villes en disposent de plus de trente différents (jusqu’à 52 à Colmar et 59 à Strasbourg).

En plus d’être diversifiés, les équipements urbains sont souvent plus modernes que ceux construits en campagne. « Les chiffres ne prennent pas en compte l’état des équipements, indique Gilles Vieille-Marchiset. Dans les campagnes, de nombreux investissements ont été consentis dans les années 1970-1980. Aujourd’hui, ces équipements sont vétustes. C’est le gros problème des équipements sportifs français.» Une idée appuyée par Thierry Hory, président de la commission Sport de la Région Grand Est. « En zone rurale, il est difficile de trouver un gymnase dernier cri. »

La vétusté et le manque d’offres différentes dans les campagnes sont aussi une explication à la surcharge des installations des villes. A la recherche d’équipements de meilleure qualité, de nombreux ruraux n’hésitent pas à se déplacer pour trouver des infrastructures qui leur conviennent mieux.

Ces différences s’expliquent aussi par l’espace disponible alloué à ces pratiques. Ce paramètre, que les sportifs prennent en compte, entraîne des mouvements pendulaires, a fortiori de la campagne vers la ville. Ils peuvent expliquer en partie la surcharge de certains équipements en ville.

Pour Thierry Hory, trois facteurs peuvent motiver les sportifs à se déplacer pour pratiquer un sport.

  • En premier lieu, l’appétence pour un sport particulier. Le taekwondo, par exemple, se pratique essentiellement en zones urbaines.
  • En deuxième lieu, la proximité. En ville, les réseaux de transports en commun facilitent l’accessibilité du mobilier sportif. C’est moins le cas en campagne, et notamment dans les territoires les plus reculés.
  • Enfin, le niveau de compétition, souvent plus élevé dans les grandes villes, peut motiver les sportifs les plus aguerris à se déplacer.

Autre élément majeur, les villes bénéficient bien souvent d’un matériel sportif plus moderne. Si l’on prend l’exemple d’un club qui souhaite concourir en compétitions de haut niveau, celui-ci doit bénéficier d’une salle conforme aux normes fédérales. Ces salles drainent les sportifs urbains qui fuient les équipements les plus vétustes, même s’ils vivent à proximité. « Il existe des disparités entre les quartiers prioritaires, plus excentrés, et les quartiers plus riches d’une même ville, précise Gilles Vieille-Marchiset. Certains équipements peuvent être surchargés tandis que d’autres sont laissés à l’abandon, notamment du fait de leur vétusté

Mutualiser pour mieux répartir

Les mouvements pendulaires liés au travail peuvent également jouer un rôle dans la surcharge des équipements en ville, selon Gilles Vieille-Marchiset. Les habitants des communes rurales qui travaillent en ville profitent de leur présence dans les zones urbaines en journée pour pratiquer leur activité sportive sur place. A l’inverse, une minorité d’urbains s’éloigne des centres névralgiques pour bénéficier d’installations incompatibles avec la ville. C’est notamment le cas des cavaliers ou des randonneurs, tandis que d’autres font le choix d’aller à la campagne pour éviter les gymnases bondés.

La vétusté des équipements risque d’être un problème pérenne. Pour Gilles Vieille-Marchiset, cela devrait pourtant être une priorité pour le gouvernement. « Dans l’optique des JO de Paris 2024, l’État souhaite augmenter de 10% le nombre de licenciés, rapporte-t-il. Mais il faudrait déjà investir dans les équipements existants ».

Pour pallier aussi bien les soucis de surexploitation dans certaines villes que les problèmes de sous-exploitation en campagne, certaines communes s’orientent vers une mutualisation des équipements disponibles, de manière à répartir plus équitablement les sportifs dans l’espace.

Florian Bouhot, Louise Claereboudt, Tifenn Clinkemaillié, Lucie Duboua-Lorsch, Tom Vergez, Sophie Wlodarczak

Crédit photo: HeungSoon, Pixabay

Méthodologie :

Pour distinguer communes rurales et urbaines, nous nous sommes fondés sur la définition des unités urbaines établie par l'Insee.

Toutes les données proviennent de data.gouv.fr. Pour créer les cartes, nous avons choisi de répartir le taux d'équipement par habitants et le nombre d'équipements distincts des communes du Grand Est en six quantiles. Les communes ne possédant pas d'équipement n'apparaissent pas sur les cartes.

Pour définir les sports caractéristiques des unités urbaines et des communes rurales, nous avons mesuré l'écart entre le taux de licenciés de chacun des sports en ville et campagne, et sélectionné ceux pour lesquels la différence était la plus importante.

Imprimer la page