12 mars 2013
Le Parlement européen s'est divisé mardi sur la révision constitutionnelle votée la veille par les députés hongrois. La majorité des groupes politiques a critiqué vigoureusement ce nouveau pas jugé anti-démocratique. Mais le Parti populaire européen (PPE, droite) est sur la défensive.
L'orage gronde sur Strasbourg. La Hongrie, une nouvelle fois, est au coeur de la tempête. Lundi, une révision constitutionnelle (la quatrième en quatorze mois) a été votée au Parlement hongrois, très largement dominé par le Fidesz du Premier ministre Viktor Orban. Mais le PPE, dont le Fidesz est membre, se montre étonnamment indulgent. Le président du groupe, Joseph Daul, refuse de voir évoquée une exclusion du parti hongrois. De cette révision qui limite notamment les prérogatives du pouvoir judiciaire il ne trouve à dire que : « les règles de la démocratie sont respectées, et nous avons les moyens de les attaquer au niveau des institutions. Laissons celles-ci travailler. » L'eurodéputé français Jean-Paul Gauzès (PPE) surenchérit, « les règles constitutionnelles sont changées dans les conditions prévues dans la Constitution hongroise. C’est cela, l’état de droit. » Avant de concéder pourtant : « après on peut juger politiquement pour savoir si c’est bien ou mal. » Un sens de la nuance dont n'a pas fait preuve, au sein de l'hémicycle, l'eurodéputé hongrois Joszef Szajer (PPE) : « Personne ne peut attaquer la souveraineté de la Hongrie. »
Des réactions virulentes
Du côté des Socialistes et Démocrates (S&D), les boulets rouges fusent. « Avez-vous entendu le PPE réagir à ce qui se passe en Hongrie ? Non », lance le britannique Stephen Hugues. Pour les Verts, le vote du Parlement hongrois conduit à des « changements constitutionnels aberrants ». En Hongrie, selon lui, « l'état de droit marche sur la tête, et non pas sur ses jambes. » Dès lundi, le Président du groupe Alliance des Libéraux et Démocrates Européens (ALDE), le Belge Guy Verhofstadt, avait déclaré : « Il est temps de voir le régime Orban pour ce qu'il est – un gouvernement décidé à imposer la volonté d'une majorité sur une minorité et qui, en faisant ainsi, va contre les valeurs de l'Union Européenne ».
Une révision critiquée
Le point le plus litigieux de cette série d’amendements à la Constitution réside dans la limitation des pouvoirs du Conseil constitutionnel hongrois. Celui-ci est désormais empêché de juger sur le fond, et de se référer à sa propre jurisprudence précédant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi fondamentale, le 1er janvier 2012. D'autres mesures réintroduisent des dispositions déjà jugées anticonstitutionnelles comme la restriction de la notion de famille ou le fait de rendre passibles de poursuites pénales les sans-abris.
Le Président du Parlement européen, Martin Schultz (S&D, Allemagne) déclarait dès lundi craindre que ces amendements affaiblissent les standards démocratiques dans ce pays. « J’avais demandé au Premier ministre Victor Orban de solliciter l’opinion de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe sur cet amendement avant que le Parlement hongrois ne se prononce », soulignait-il. « Je suis déçu que cela n’ait pas eu lieu. » Il demandait « une analyse détaillée de la situation au Conseil de l’Europe et à la Commission européenne. »
Et maintenant ?
Guy Verhofstadt a avancé mardi matin une solution : « La Commission, le Conseil ou le Parlement Européen peuvent reconnaître qu’il y a un risque de violation grave des valeurs de l’UE. Le moment est venu d’engager une procédure en ce sens. » Pour cela, selon le traité sur l'Union européenne (TUE), il faudrait une demande de neuf Etats au minimum lors du Conseil européen de jeudi et vendredi.
Le Parlement fourbit déjà un moyen d'action alternatif: un rapport de la commission des libertés et de la justice sera présenté au mois d'avril. Consacré aux droits fondamentaux et à l'état de la démocratie en Hongrie, le texte est préparé par Rui Tavares (GUE). Il propose des mécanismes pour contrôler le respect de l'état de droit, en prévoyant un système d'alerte. Le but est d'éviter le recours à l'artillerie lourde de l'article 7 du TUE, qui prévoit la suspension des droits de vote d'un Etat-membre en cas de violation grave des valeurs européennes. «C'est une base pour une initiative du Parlement européen », déclare le président du groupe ALDE qui ajoute « ce n’est que le début de la procédure. »
Raphaël Czarny, Claire Le Moine et Olivia Schmoll