Des barrières à l'éducation encore nombreuses

Le développement, l'encadrement scolaire ou encore les normes sociales et familiales sont tous des facteurs qui font perdurer les inégalités dans l'éducation, notamment entre garçons et filles.

L'éducation liée au développement


Partout dans le monde, les pays se sont urbanisés lors des dernières décennies. Dans le même temps, le pourcentage des filles inscrites dans un établissement d’enseignement secondaire a fortement augmenté.

L’éducation qu’un enfant reçoit dépend largement de l’endroit où il habite, et il ne s’agit pas uniquement de disparités entre régions et entre pays. Ceux qui habitent en ville ont plus de chance d’atteindre l’enseignement secondaire ou supérieur. Dans les régions rurales, les enfants, et en particulier les filles, doivent faire face à de nombreux obstacles, comme le manque d’établissements scolaires ou la nécessité d’aider dans les champs.

Infographie Maroc

Le cas du Maroc montre qu’il existe des disparités importantes entre les villes et les campagnes, qui viennent aggraver la situation des filles. Une femme a deux fois plus de risques d’être analphabète lorsqu’elle habite en milieu rural. La situation s’améliore pour les jeunes Marocaines aujourd’hui, mais les inégalités demeurent. Dans les zones urbaines, 98% des filles et des garçons âgés de 7 à 12 ans étaient scolarisés au Maroc en 2014. Dans les zones rurales, par contre, les filles sont moins scolarisées que les garçons : 90% contre 93%.


L’argent fait le bonheur dans les écoles. Les pays les plus riches, particulièrement en Europe et en Amérique du Nord, affichent les meilleures performances en matière de scolarisation au primaire. Contrairement à l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud où le PIB/habitant très bas semble corrélé avec le niveau de scolarisation. Il faut noter que partout dans le monde, la croissance économique est généralement accompagné par une amélioration de la scolarisation. Il faut peut être voir là une cause et un effet en même temps.

L'importance du contexte éducatif


Les ressources humaines allouées au secteur de l’éducation montre une corrélation avec le niveau de scolarisation.La scolarisation augmente dès que le nombre d'élèves par enseignat baisse. Par ailleurs, les pays où le ratio d’élèves par enseignant est le plus élevé sont ceux où la scolarisation est la plus basse. Les classes surchargées pourraient être un élément qui encourage le décrochage scolaire ou dissuade de nouveaux élèves de rejoindre les bancs de l’école.

Généralement dans les pays les plus développés, la part des enseignants formés atteint les 100%. Contrairement aux régions les plus pauvres qui affichent ces dernières années des parts largement inférieures, même par rapport à la moyenne mondiale (85% en 2017). En 2016, seulement 69% des enseignants dans le primaire en Asie du Sud étaient formés. Cette part ne dépasse pas les 62% en Afrique subsaharienne. Autre fait marquant : dans ces régions plus pauvres, même si la scolarisation augmente, la part des enseignants formés ne cesse de baisser. Elle est passée de 85% en 2000 à 62% en 2016 en Afrique Subsaharienne, et de 77% en 2013 à 69% en 2017 en Asie du Sud, alors que la moyenne mondiale reste quasiment inchangée.

Taux bruts et taux nets : pour un niveau d'enseignement donné, le taux net correspond au nombre de filles scolarisées et situées dans la tranche d'âge correspondant au niveau d'enseignement. Pour le taux net, le maximum est 100%. Le taux brut correspond au nombre de filles scolarisées dans un niveau d'enseignement donné, toutes catégories d'âge confondues. Ainsi, les filles qui sont plus jeunes ou plus âgées que "l'âge type" correspondant au niveau d'enseignement et qui sont malgré tout scolarisées dans ce niveau sont comptées. C'est pourquoi le taux brut peut dépasser les 100%.

Une petite corrélation entre l’argent qu’un pays dépense dans l’éducation et la scolarisation des filles existe, illustrée par la ligne de tendance dans ce graphique : les filles ont plus de chances d’être scolarisées dans les pays qui investissent une part importante de leur PIB dans l’éducation. Mais les dépenses ne suffisent pas à expliquer les disparités dans l’éducation entre les différents pays. Plusieurs pays d’Afrique subsaharienne consacrent une part élevée de leur PIB à l’éducation, comme le Niger (6%), mais le taux de scolarisation des filles reste en-dessous des 40%. Les efforts d’investissement portent cependant parfois leurs fruits. En 1999, le Mozambique dépensait 3% de son PIB dans l’éducation, et seulement 2% des filles terminaient le collège. Aujourd’hui, avec un effort à 6%, 23% des adolescentes y arrivent.

Le montant du budget consacreé à l'éducation a aussi un impact. Ainsi, même si le Niger dépense une plus grande partie de son PIB dans l’éducation (6%) que le Royaume-Uni (5,6%), les sommes allouées sont nettement inférieures (486 millions de dollars pour le Niger contre 146 milliards).


Les enseignantes peuvent représenter un modèle positif pour les jeunes filles scolarisées dans le primaire selon l'Unesco. Être confrontée à une femme institutrice peut inciter les filles à poursuivre leurs études dans le secondaire de premier cycle (collège), comme en Afrique sub-saharienne.

Forte influence des normes sociales

L'alphabétisation des parents est également un facteur de succès à l'école. Ce facteur alphabétisation fait cependant figure à la fois de cause et de conséquence. En effet, les enfants dont les parents sont déjà analphabètes reçoivent moins d'aide aux devoirs et sont défavorisés dans leurs chances de succès aux premiers niveaux de l'enseignement. Moins d'aide aux devoirs signifie un plus grand risque de devenir à son tour analphabète, ce qui entretient un cercle vicieux.


Selon la Banque mondiale, l'éducation de niveau secondaire pourrait réduire de 33% l'indice de fécondité dans 18 pays en développement. Les deux tiers de cet impact potentiel seraient induits par la simple assiduité, le dernier tiers par la suppression du mariage des enfants. En effet, l’école permet de recevoir une éducation à la sexualité et le collège/lycée offre la possibilité d’être sensibilisé aux méthodes modernes de contraception. Inversement, moins les filles ont d’enfants dont il faut s’occuper, plus elles sont disponibles pour se rendre sur les bancs de l’école.


Le mariage représente un obstacle à l’éducation qui touche particulièrement les filles. Au Maroc, les filles constituent 95% du total des mineurs mariés, selon les chiffres du Haut Commissariat au Plan. Dans le monde en général, les filles ont moins de chance de terminer le collège quand elles habitent dans un pays où le mariage précoce est répandu. Une grande majorité de ces pays se trouvent en Afrique subsaharienne.

Les auteurs du rapport « Éduquer les filles et mettre fin au mariage d’enfants : une priorité pour l’Afrique, publié par la Banque mondiale avant le deuxième Sommet de la Commission de l’Union africaine pour mettre fin au mariage précoce en novembre 2018, expliquent que le mariage peut être la cause et la conséquence d’un faible taux de scolarisation. « Le mariage précoce est une des principaux facteurs qui font que les filles arrêtent prématurément l’école dans beaucoup de pays pauvres. » Parallèlement, la scolarisation peut aussi être une arme pour réduire la proportion de mariages précoces dans les pays où la pratique est répandue, et où « les parents veulent que leur fille se marie tôt par peur d’une grossesse hors mariage qui pourrait entraîner l’ostracisme pour la fille ».


Le travail des enfants constitue également un obstacle à l'éducation, pour les garçons comme pour les filles. Il est souvent corrélé au facteur ruralité, puisque 66,4% des enfants de 5 à 17 ans qui travaillent dans le monde sont employés dans l'agriculture. C'est particulièrement le cas en Afrique sub-saharienne, où près d'un enfant (de 5 à 17 ans) sur cinq est en situation de travail, parmi lesquels 85% exercent (souvent dans le cadre d'une aide familiale) dans les champs. Travailler signifie avoir moins de temps pour étudier, c'est déjà vrai pour l'école primaire, et encore plus pour l'enseignement secondaire (collège et lycée), qui est aussi moins souvent obligatoire.

Le cumul des facteurs, fléau pour l'éducation

Lors des 50 dernières années, une véritable révolution a eu lieu dans l’éducation. Dans la plupart des régions du monde, les filles ont désormais autant de chances de recevoir une éducation que les garçons, et sont même plus nombreuses dans les universités. Cependant, il reste des endroits, notamment l’Afrique subsaharienne mais pas seulement, où les filles doivent faire face à de nombreux obstacles, et où l’égalité arrive, mais beaucoup plus lentement qu’ailleurs. Le mariage précoce, le travail des enfants, ou les grossesses précoces sont ancrées dans les normes sociales qui sont responsables de la perpétuation des inégalités de genre. Les mauvaises infrastructures, faibles taux d’urbanisation, situations économiques des pays sont tous des facteurs interdépendants qui témoignent du retard de l’Afrique par rapport au reste du monde. C’est principalement dans cette région que l’éducation des filles reste l’un des grands défis pour l’avenir. Ainsi, pris à part, les facteurs de disparité n’expliquent pas toujours les inégalités, présentes ou non, d’accès à l’enseignement. C’est l’accumulation de ces facteurs qui pèse sur les indicateurs de l’éducation. Surtout, de nombreux facteurs apparaissent à la fois comme causes et conséquences des faibles scores d’accès à l’enseignement pour les enfants en général et les filles en particulier, ce qui participe à entretenir un cercle vicieux.