C’est quoi la thanatopraxie ?
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Thanatopracteur dans le Grand Est depuis 13 ans, Frantz Catarelli explique son métier.
C’est quoi la thanatopraxie ?
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Comment ont réagi vos proches quand ils ont appris que vous vouliez devenir thanatopracteur ?
Ils l’ont plutôt bien compris. C'était important pour moi d’avoir leur aval. Je ne voulais pas me lancer dans quelque chose qui pourrait les faire souffrir. Mes amis m’ont dit : “T’es fait pour ça, fonce !” J’ai travaillé auparavant en bloc opératoire et en salle d’autopsie. Ils savaient que ça faisait partie d’un cursus assez logique, finalement. La thanatopraxie était l’aboutissement de toutes ces expériences passées.
Quelles sont les qualités attendues chez un thanatopracteur ?
Il faut vraiment connaître l’anatomie, maîtriser ses instruments, et surtout avoir une bonne dextérité. Être habile de ses mains, minutieux, précautionneux. Il faut aussi être conscient de ses limites : ne pas s’engager sur des soins de conservation qui sont impossibles à faire sous prétexte d’être thanatopracteur.
Est-ce un métier difficile à vivre au quotidien ?
À la longue cela peut l’être. Je pense que l’on devrait être davantage suivis psychologiquement. On a parfois affaire à des gens défenestrés, brûlés, pendus, déchiquetés, massacrés ou qui passent sous les trains. On encaisse des choses qui peuvent paraître insoutenables. La médecine du travail n’est pas assez vigilante. Si tous les jours, en se regardant devant la glace on se dit “Super, aujourd’hui ça va être une belle journée, on va encore pouvoir aider ces gens dans la difficulté”, alors c’est qu’on est à la bonne place.
Vous confiez-vous à votre entourage ?
Il est difficile d’en parler à sa famille. Qui d’autre qu’un thanatopracteur peut vraiment comprendre un thanatopracteur ? Il existe des espaces sur lesquels les thanatopracteurs peuvent discuter de ce métier qui est très particulier. Les expériences malheureuses de certains ont souvent été vécues par d’autres, plus anciens. Ce n’est pas forcément une solution, mais ça peut être une bonne échappatoire.
Robin Magnier
À l’école de thanatopraxie de Vedène (Vaucluse), des étudiants apprennent à embaumer et apprêter le corps des morts.
Souvent réduite à la cosmétique, la thanatopraxie requiert des connaissances en médecine. Photo Robin Magnier / CuejDes étudiants tout à fait normaux à première vue. Pas de tatouages gothiques, de looks excentriques, ni de Marilyn Manson en herbe. Tous se distinguent par cette capacité à appréhender la mort avec une légèreté déconcertante.
À Vedène, petit village du Vaucluse en banlieue d’Avignon, une promotion de 35 élèves âgés de 18 à 50 ans suit les cours théoriques en thanatopraxie dispensés par Accent Formation, centre spécialisé dans l’enseignement aux métiers du funéraire. À l'entrée des locaux implantés au cœur de la zone d’activités, située en contrebas du centre historique, rien ne laisse présager ce qui est enseigné ici. La salle de classe est elle aussi des plus classiques.
Seul indice, une vidéo de ligature de la bouche sur un cadavre est projetée au mur. Des images qui feraient détourner le regard à plus d’un spectateur. Eux s’en amusent. “Il faut vraiment être passionné”, concède Baptiste, 18 ans. “Montrez-nous un bébé ou un suicidé”, lance le jeune homme avec une pointe de provocation. Au dernier rang, on parle de ce que l’on va manger à midi.
“J’ai trouvé ça beau”
Tout le monde n’a pas le sang-froid nécessaire pour côtoyer des cadavres au quotidien, alors l’école sélectionne strictement les candidats. Dans son processus de recrutement, elle les met en relation avec un professionnel afin qu’ils assistent à un soin de thanatopraxie, condition sine qua non pour s’inscrire dans l’établissement. “Certains se rendent compte qu’ils ne sont pas faits pour ça après avoir vu un traitement”, explique Bruno Perez, responsable du développement chez Accent Formation.
Pour son premier soin de conservation en tant que spectatrice, Ludivine tombe sur un homme de 40 ans retrouvé chez lui une semaine après sa mort. Les actes effectués par le professionnel n'effraient pas la Berjalienne de 23 ans. “Le pire c’était l’odeur. Il n’était plus très frais”, se rappelle la jeune femme qui a toujours voulu travailler sur des corps décédés, se rêvant médecin légiste plus jeune.
Sur les 35 étudiants inscrits, 30 sont des femmes. Photo Robin Magnier / CuejJohanne, ancienne aide-soignante de 33 ans, a vécu cette expérience comme une révélation. Il y a huit ans, suite au décès de l’un de ses patients, elle rencontre un thanatopracteur qui lui laisse observer l'opération. “C'était impressionnant”, se remémore-t-elle. À l’époque, elle est frappée par la minutie dont fait preuve le praticien et le réalisme de son travail. “J’ai trouvé ça beau”, dit-elle. Une technique et un savoir-faire qui ont aussi donné envie d’exercer le métier à Frédéric conscient qu’il faut “avoir le cœur bien accroché”.
Une appréhension : les enfants
Plus de la moitié des étudiants sont issus du milieu funéraire ou paramédical. Pourtant il subsiste chez certains quelques inquiétudes sur ce qui les attend. Stéphanie est venue de loin pour découvrir le cursus proposé par l’école. Cette Vosgienne de 39 ans travaille comme aide-soignante pour polyhandicapés au sein d’une maison d’accueil spécialisée. “J’ai déjà habillé une personne décédée, confie-t-elle. Voir des cadavres ne m'effraie pas. J’ai un assez gros caractère.” Sa seule crainte : être confrontée à des corps d’enfants. “J’ai peur de projeter sur les miens”, redoute la mère de famille. Une hantise partagée par bon nombre d’aspirants thanatopracteurs. Heureusement, les élèves trouvent dans l’école un lieu propice pour échanger. “Ils voient qu’ils ne sont pas seuls”, se réjouit Bruno Perez.
En janvier ils passeront les épreuves écrites d’admissibilité au diplôme national de thanatopracteur. Les candidats reçus pourront ensuite passer à la formation pratique durant laquelle ils devront accomplir 100 opérations de soins de conservation. Avant de rejoindre les 900 actifs qui se partagent l'hexagone.
Robin Magnier