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13/09/22
17:18

Jean-Luc Godard a rendu son dernier souffle

Tantôt admiré, tantôt décrié, au cours de ses 60 ans de carrière, le cinéaste franco-suisse s’est éteint mardi 13 septembre à l’âge de 91 ans. Figure de la Nouvelle Vague, il laisse derrière lui plus de 100 films.

« Qu’est-ce-que c’est, dégueulasse ? », demandait Patricia dans À bout de souffle. La mort de Jean-Luc Godard, pourraient rétorquer les policiers, dans une fin alternative du chef d'oeuvre du réalisateur. Le pionnier de la Nouvelle Vague a eu recours au suicide assisté en Suisse, à l’âge de 91 ans, a annoncé ce matin Libération. Le Mépris, Pierrot le fou, La Chinoise, Détective... Sa filmographie détonnante et provocatrice a profondément marqué l’histoire du cinéma. 

Né à Paris le 3 décembre 1930 de parents de nationalité suisse, Jean-Luc Godard grandit entre les deux pays dans un milieu privilégié : son père est médecin et sa mère, née Monod, est issue d’une riche famille protestante. Après une scolarité classique au collège de Nyon, en Suisse, puis au lycée Buffon, à Paris, le jeune Godard intègre la Sorbonne afin d’étudier l’anthropologie. Il partage son temps entre la Cinémathèque et les salles obscures du quartier latin. Dans les années 1950, il rencontre François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette et Eric Rohmer alors qu’il s’essaye à la critique dans les Cahiers du cinéma, La Gazette du cinéma et Arts. 

Coup de tonnerre dans l’histoire du cinéma

En 1954, Godard passe derrière la caméra. Il réalise son premier court métrage, Opération béton, un documentaire sur la construction du barrage de la Grande-Dixence où il s’est fait engager en tant qu’ouvrier. Six ans plus tard, le 16 mars 1960, son long métrage À bout de souffle, fait l’effet d’une bombe. Godard bouleverse les conventions du septième art à coups d’ellipses sauvages et de destruction du quatrième mur. Jean-Paul Belmondo incarne Michel Poiccard. Il bafoue les lois et tutoie la caméra : « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… Allez vous faire foutre. » Le film remporte un immense succès et inaugure la Nouvelle Vague. Jean-Luc Godard continue de chambouler les règles narratives du cinéma : Le Mépris (en 1963), Pierrot le Fou (en 1965) ou Masculin-Féminin (1966) deviennent cultes. 

Réalisateur et militant

Les secousses de mai 68 poussent le réalisateur à s’éloigner de l’industrie du cinéma pendant un temps. Après avoir appelé à l’annulation du festival de Cannes la même année, Godard  tourne quelques films politiques avec Jean-Pierre Gorin, jeune journaliste du Monde qui l’a introduit dans des cercles maoïstes. Leur tentative de cinéma révolutionnaire, sous le pseudonyme collectif “Groupe Dizga Vertov”, échoue. Le public le répudie, sa femme Anne Wiazemsky le quitte et même la télévision rechigne à diffuser ses films. Après dix années tumultueuses, le réalisateur revient enfin au grand écran en 1980 avec Sauve qui peut (la vie). Godard a mis de l’eau dans son vin. Le militant se fait discret, mais son esprit disruptif transparaît. « Travailler avec Godard, c'est être dirigé par un très grand chef d'orchestre, mais il faut être bon musicien, parce qu'il oublie de vous donner la partition », résume Jacques Dutronc, son acteur principal.

« Devenir immortel…et ensuite mourir »

S’il a souvent été détesté pour son originalité et son hostilité aux académismes, Jean-Luc Godard a toutefois réussi à faire l’unanimité à plusieurs occasions : Ours d’or et d’argent lors des festivals de Berlin, Lion d’or à la Mostra de Venise, César d’honneur. De multiples récompenses ont couronné le génie du plus radical des metteurs en scène de la Nouvelle Vague. En 2018, il a reçu une Palme d’or Spéciale pour l’ensemble de sa carrière et son film Le livre d’images. Jean-Luc Godard a brûlé les codes du cinéma. « Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? Devenir immortel…et ensuite mourir. » Jamais cette réplique de À bout de souffle n’aura trouvé meilleure incarnation.

Audrey Senecal

Édité par Luc Herincx

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Tantôt admiré, tantôt décrié, au cours de ses 60 ans de carrière, le cinéaste franco-suisse s’est éteint mardi 13 septembre à l’âge de 91 ans. Figure de la Nouvelle Vague, il laisse derrière lui plus de 100 films.

« Qu’est-ce-que c’est, dégueulasse ? », demandait Patricia dans À bout de souffle. La mort de Jean-Luc Godard, pourraient rétorquer les policiers, dans une fin alternative du chef d'oeuvre du réalisateur. Le pionnier de la Nouvelle Vague a eu recours au suicide assisté en Suisse, à l’âge de 91 ans, a annoncé ce matin Libération. Le Mépris, Pierrot le fou, La Chinoise, Détective... Sa filmographie détonnante et provocatrice a profondément marqué l’histoire du cinéma. 

Né à Paris le 3 décembre 1930 de parents de nationalité suisse, Jean-Luc Godard grandit entre les deux pays dans un milieu privilégié : son père est médecin et sa mère, née Monod, est issue d’une riche famille protestante. Après une scolarité classique au collège de Nyon, en Suisse, puis au lycée Buffon, à Paris, le jeune Godard intègre la Sorbonne afin d’étudier l’anthropologie. Il partage son temps entre la Cinémathèque et les salles obscures du quartier latin. Dans les années 1950, il rencontre François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette et Eric Rohmer alors qu’il s’essaye à la critique dans les Cahiers du cinéma, La Gazette du cinéma et Arts. 

Coup de tonnerre dans l’histoire du cinéma

En 1954, Godard passe derrière la caméra. Il réalise son premier court métrage, Opération béton, un documentaire sur la construction du barrage de la Grande-Dixence où il s’est fait engager en tant qu’ouvrier. Six ans plus tard, le 16 mars 1960, son long métrage À bout de souffle, fait l’effet d’une bombe. Godard bouleverse les conventions du septième art à coups d’ellipses sauvages et de destruction du quatrième mur. Jean-Paul Belmondo incarne Michel Poiccard. Il bafoue les lois et tutoie la caméra : « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… Allez vous faire foutre. » Le film remporte un immense succès et inaugure la Nouvelle Vague. Jean-Luc Godard continue de chambouler les règles narratives du cinéma : Le Mépris (en 1963), Pierrot le Fou (en 1965) ou Masculin-Féminin (1966) deviennent cultes. 

Réalisateur et militant

Les secousses de mai 68 poussent le réalisateur à s’éloigner de l’industrie du cinéma pendant un temps. Après avoir appelé à l’annulation du festival de Cannes la même année, Godard  tourne quelques films politiques avec Jean-Pierre Gorin, jeune journaliste du Monde qui l’a introduit dans des cercles maoïstes. Leur tentative de cinéma révolutionnaire, sous le pseudonyme collectif “Groupe Dizga Vertov”, échoue. Le public le répudie, sa femme Anne Wiazemsky le quitte et même la télévision rechigne à diffuser ses films. Après dix années tumultueuses, le réalisateur revient enfin au grand écran en 1980 avec Sauve qui peut (la vie). Godard a mis de l’eau dans son vin. Le militant se fait discret, mais son esprit disruptif transparaît. « Travailler avec Godard, c'est être dirigé par un très grand chef d'orchestre, mais il faut être bon musicien, parce qu'il oublie de vous donner la partition », résume Jacques Dutronc, son acteur principal.

« Devenir immortel…et ensuite mourir »

S’il a souvent été détesté pour son originalité et son hostilité aux académismes, Jean-Luc Godard a toutefois réussi à faire l’unanimité à plusieurs occasions : Ours d’or et d’argent lors des festivals de Berlin, Lion d’or à la Mostra de Venise, César d’honneur. De multiples récompenses ont couronné le génie du plus radical des metteurs en scène de la Nouvelle Vague. En 2018, il a reçu une Palme d’or Spéciale pour l’ensemble de sa carrière et son film Le livre d’images. Jean-Luc Godard a brûlé les codes du cinéma. « Quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? Devenir immortel…et ensuite mourir. » Jamais cette réplique de À bout de souffle n’aura trouvé meilleure incarnation.

Audrey Senecal

Édité par Luc Herincx