Même au sein des deux camps, les avis ne sont toutefois pas tous si tranchés. « Les syndicats ne peuvent pas récupérer notre mouvement, assure Béatrice, autre “gilet jaune ” de la première heure. Mais si la CGT peut aider à fédérer, à faire sortir les gens dans la rue c’est bien. » Gilles, 59 ans, venu de Sélestat, voit aussi la manifestation d’un bon œil : « Ils commencent à être solidaires avec nous. Il faut dire qu’on a des revendications communes, comme la hausse du pouvoir d’achat ou la question de la CSG ».
Christophe, représentant de la CGT, a participé à plusieurs rassemblements de “gilets jaunes ”. « Il faut réveiller tout le monde, il faut que tout le monde manifeste ensemble. On est tous dans le même bateau, on veut tous de l’argent à la fin du mois ». Une vision des choses qui n’est pas partagée par tous les manifestants rencontrés ce jour là qui pointent certaines revendications portées par les “gilets jaunes ” qu’ils ne veulent pas porter, comme la demande d’un référendum d’initiative citoyenne. Pour d’autres, c’est la proximité de certains “gilets jaunes ” avec des mouvements d’extrême-droite qui dérange.
En fin de cortège, les manifestants s’arrêtent devant le centre administratif. L’une des “gilets jaunes ” présente prend la parole sur la camionnette de la CGT. Au micro, elle appelle à « créer des comités de représentants “gilets jaunes ” dans les entreprises pour que l’on mène la grève », faisant grincer les dents de certains représentants CGT.
Juliette Mariage
Les “gilets jaunes ” étaient présents en nombre à la manifestation lancée à l’appel de la CGT à Strasbourg, en marge de la grève nationale. Si certaines revendications sont partagées par les deux camps, leurs divergences empêchent leur union.
« On a décidé de défiler à côté de la CGT, mais pas main dans la main », explique Abel Douali, “gilet jaune ” depuis le 17 novembre. Comme lui, ils sont environ 200 à défiler dans les rues de Strasbourg mardi 5 février à l’appel de la CGT. Pour eux, il est important de s’affirmer en ce jour de mobilisation générale. S’ils marchent côte à côte, il n’est pas pour autant question de fusionner les mouvements. Les “gilets jaunes ” sont d’ailleurs principalement placés en tête et en queue de cortège, sans vraiment se mélanger avec les autres manifestants. « La CGT veut s’accrocher aux “gilets jaunes ” pour être plus visible », insiste Abel Douali.
« Je suis contre la réforme du bac et le système de Parcoursup. » Eliott est en terminale ES au lycée Marie-Curie de Strasbourg. Ce mardi 5 février, lui et une quarantaine de lycéens manifestent tout à l’avant du cortège de la CGT et des « gilets jaunes ». Au mois de décembre, beaucoup de lycéens s’étaient déjà mobilisés, pendant presque deux semaines, contre la réforme du lycée et Parcoursup.
Blouson de cuir noir et bonnet de l’ONG Sea Shepherd enfoncé sur la tête, Eliott donne de la voix. « Ce matin, on est arrivé assez tôt devant notre lycée avec des banderoles et un mégaphone. On a expliqué aux autres la situation et on leur a proposé de rejoindre la manifestation. »
Accompagnés par un groupe d’étudiants, ils se sont ensuite rendus symboliquement devant le Palais universitaire de Strasbourg avant de rejoindre l’ensemble des manifestants, à 10 heures, place de la République.
Les étudiants et lycéens manifestants se sont rassemblés devant le Palais universitaire et devraient arriver d’une minute à l’autre.
— Juliette Mariage (@juliettemrg) 5 février 2019
Eliott et ses camarades protestent avant tout contre la réforme du baccalauréat. Elle instaure le contrôle continu sous forme d’examens réguliers dans les matières qui ne sont pas évaluées par une épreuve finale. « Mais les sujets des épreuves de contrôle continu seront choisis directement par les établissements, précise Eliott. Tout le monde ne sera pas interrogé de la même façon ! »
Aux yeux du jeune de 18 ans, cela augmenterait les inégalités entre les élèves. Chaque lycée aurait ses épreuves avec une manière de noter particulière : un risque de donner plus de valeur à un baccalauréat qu’à un autre selon Eliott. « Ça va créer un bac local, et non plus national. Les épreuves doivent rester les mêmes pour tous ! » La plateforme Parcoursup est également dans le viseur du lycéen. « C’est de la sélection, ce n’est pas égalitaire et transparent ! »
Fils d’une éducatrice spécialisée et d’un commercial, « de gauche, un des seuls », s’amuse Eliott, le lycéen avoue se sentir favorisé. « Mais s’il y a des inégalités entre les lycéens, on est tous affectés », souligne-t-il. Enfin, il dénonce fermement le nombre d’élèves par classe.
Augustin Bordet