Au premier abord, la question paraît simple: l'Europe doit-elle avoir sa propre défense? Deux grandes lignes se dégagent. La droite, les socialistes et les libéraux prônent une mutualisation des moyens et un renforcement de la coopération entre les 27. Le PPE va plus loin, en proposant un "pacte européen de sécurité et de défense" avec la création de corps d'armées internationaux, l’adoption de plans, le regroupement des efforts de recherche.
A l'inverse, les deux extrémités de l’éventail politique s'opposent à toute idée d'Europe de la défense. A gauche, c'est une question de philosophie politique. Le PGE se revendique pacifiste, milite pour la suppression de l'Otan et pour la fermeture des bases américaines présentes sur le sol européen.
A droite, les souverainistes considèrent que la défense doit rester une compétence propre à chaque État à l’exception de l’AEN qui demande la disparition de l'Otan, mais est favorable à la création d'une "force européenne destinée à maintenir la paix, car c'est l'un des objectifs de l'Europe".
Derrière l'Europe de la défense se cache aussi la question de la place de l'Union au sein de l'Otan. Là, les clivages sont plus complexes, en particulier entre les trois grands partis de gouvernement: PPE, PSE et ELDR. Les libéraux de l'ELDR affichent clairement des positions pro-américaines
Le PPE est plus nuancé. Bien qu'atlantiste, il estime que l'élection de Barack Obama "offre l'opportunité de remettre à plat les grands dossiers afin d'aboutir à un partage des tâches entre les deux rives de l'Atlantique".
Pour le parti de droite, les Européens doivent profiter du changement à la tête des USA pour sortir de leur rôle de figurants.
Quant au PSE, il cultive volontairement une certaine discrétion. Au niveau des États, les socialistes sont divisés sur l'attitude à adopter face à une organisation jugée comme étant à la botte des Américains.
Contrairement aux Allemands du SPD, le PS français et le PSOE espagnol ont toujours été méfiants à l'égard de l'Otan.
Définir une position commune relève donc du parcours du combattant. Le dernier exemple en date concerne le renforcement des troupes françaises et allemandes en Afghanistan, décidé au début de l'automne. Le PS s'est
abstenu lors du vote à l'Assemblée nationale. Le SPD l’a majoritairement approuvé au Bundestag. Quant au PSE, il s'est contenté de réclamer une redéfinition de la stratégie, tout en rappelant que les tentatives de résolutions politiques ont été des échecs.
A l'échelle européenne, il faudra pourtant trancher. Barack Obama a annoncé l'envoi de 20 000 à 30 000 soldats américains supplémentaires. Cette opération sera menée dans le cadre de l'Otan auquel le nouveau président américain a déjà prévu de demander "un engagement plus important". Nul doute que la question sera soulevée lors du prochain sommet de l'Otan, en avril, à Strasbourg et Kehl. Le futur Parlement européen devra donc définir une position claire, soutenue par une majorité politique, s'il veut que l'Europe pèse au moment de la décision finale.
Jordan Guéant, à Bruxelles
En matière d’immigration, deux clans se distinguent: d’un côté, les partisans d’une immigration contrôlée, tels le PPE, le PDE, et l’ELDR. A l’inverse, le PGE, le PVE et dans une moindre mesure le PSE sont plutôt favorables à un élargissement des conditions d’immigration.
Les Verts européens sont les seuls à encourager clairement l’immigration. Ils sont favorables à un élargissement des conditions d’entrée dans l’Union Européenne et à la régularisation des sans-papiers. Ils soutiennent aussi la création de normes minimales en matière de droits des travailleurs immigrés, le droit au regroupement familial et l’ouverture totale du marché du travail européen pour ces travailleurs immigrés.
L’ALE, partenaire des Verts européens au Parlement, partage moins leur enthousiasme sur le sujet. Il veut juste doter l’UE de directives d’immigration qui distinguent la migration économique des flux migratoires politiques.
Le PGE refuse l’Europe forteresse et manifeste son hostilité à toute expulsion d’immigrés en situation irrégulière. Il s’oppose aux centres de rétention, et au durcissement du droit d’asile pour les militants politiques. Il prône aussi un renforcement du droit des immigrés et le droit au regroupement familial.
Aux antipodes de ces positions, le PPE, le PSE, le PDE et l’ELDR affirment la nécessité d’une immigration contrôlée (voire d’une immigration choisie selon les besoins de l’Union européenne pour le PPE). Pour cela, ils réclament des moyens coercitifs: renforcement des contrôles aux frontières, expulsions des immigrés en situation irrégulière... Le PPE est aussi favorable à un partenariat avec les pays d’origine de l’immigration, notamment pour la construction de centre de réfugiés sur leur sol, pour un accord de retour des clandestins, et pour une coopération policière accrue.
L’UED est le parti qui a la position la plus sécuritaire. Il prône la préférence européenne et la lutte active contre l’immigration.
Emilie Iob, à Bruxelles
L’industrie contre le climat. Il n’y a pas si longtemps, on aurait parlé de pot de fer contre pot de terre. Aujourd’hui, le combat semble plus équilibré. Mi-décembre, lors du conseil européen, l’ensemble des partis politiques a salué l’accord sur le plan énergie/climat défendu par la présidence française. Pourtant, sur le fond, le clivage gauche / droite reste fort, en particulier concernant la place de l'écologie en temps de crise économique. Concrètement, la gauche estime que la protection de l'environnement est un moyen de relancer l'économie. A l'inverse, la droite considère qu'en période de récession, c'est vers l'industrie que doivent se tourner les efforts. Quitte à renoncer aux engagements climatiques.
Verts. Logiquement, ils sont les plus vindicatifs. Les Verts ont les objectifs les plus poussés: ils veulent réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30% d'ici 2020 et, dans le même temps, arriver à 25% d'énergies renouvelables. Surtout, ils entendent instaurer une politique fiscale contraignante, notamment via un système d'écotaxes généralisées.
PSE. Sur les chiffres, les socialistes sont proches des Verts. Ils tablent sur une baisse de 25% des gaz à effet de serre d'ici 2020 et veulent faire passer la part des énergies renouvelables à 20%, toujours d'ici douze ans. Sans cependant détailler les moyens qu'ils utiliseraient pour y parvenir, les socialistes affirment que "la croissance verte" permettra de créer "plus de dix millions d'emplois dont deux rien que dans le secteur des énergies renouvelables". Pour Julian Scola, porte-parole du PSE, "désormais, quand on investit pour créer des emplois, il est totalement inutile de s'intéresser aux vieilles industries. Il faut se concentrer sur les nouvelles, vertes, qui permettront de concrétiser les grands engagements que l'Europe a pris sur le climat".
ELDR. A mi-chemin entre droite et gauche, les libéraux affirment qu'il ne faut pas revenir sur le contenu du paquet énergie/climat. Eux aussi y voient un moyen de sortir de la crise. En cela, ils pourraient coopérer avec la gauche. Deux nuances s'imposent cependant: le parti ne s'engage sur aucun chiffre et continue à militer en faveur des OGM, bêtes noires des Verts et des socialistes.
PPE. Le parti de droite officiellement réjoui lors de l'adoption du paquet énergie/climat mais, en coulisses, ses responsables modèrent leur enthousiasme. L’eurodéputé français Alain Lamassoure explique: "On ne peut rien faire qui aggrave la situation de l'industrie". Le secrétaire général du parti est sur la même ligne: « On ne renonce pas à la lutte contre le changement climatique mais il faut adapter nos plans à la crise », analyse Antiono Lopez-Isturiz. Résultat: les divisions internes du PPE le poussent à ne pas trop s'épancher. Deux questions clivent en effet les pays membres du PPE. D'abord, le nucléaire. Pour Antonio Lopez-Isturiz, "L’alimentation en énergie de l’Europe dépend de pays plus ou moins douteux. Je ne veux pas laisser mon fils prisonnier de ce genre de question. Le nucléaire, c’est une solution". Or, l'Allemagne et la Suède, deux pays dirigés par des coalitions de droite, ont annoncé un plan de sortie du nucléaire. Les OGM constituent le second sujet de discorde. En Europe, le PPE souhaiterait les généraliser. En France, pour ne citer qu’un seul exemple, l’UMP est déchirée sur le sujet.
Jordan Guéant, à Bruxelles
Les partis politiques européens hésitent. Peut-être n’attendront-ils pas la ratification du traité de Lisbonne pour appliquer l’une de ses innovations, en présentant un candidat à la présidence de la Commission européenne lors des élections de juin 2009. S’il était élu, il deviendrait une sorte de premier ministre de l’Union. Le poids politique de la Commission en serait considérablement augmenté.
Dans le traité de Lisbonne, ce pouvoir doit être contrebalancé par un président du Conseil européen, élu pour deux ans et demi, et par un ”ministre des affaires étrangères” également vice-président de la Commission. Un triumvirat équilibré, négocié sous forme de ticket entre les partis politiques européens, seules entités présentes dans toutes les institutions.
Jean-Luc Dehaene, député belge du PPE, avait arrêté de travailler à la rédaction d’un rapport sur le sujet en juin 2008, après le “non” irlandais. “Pour éviter de donner l’impression à l’Irlande que la machine avance sans tenir compte de leur avis", précise-t-il. Il s'est remis au travail. Son rapport sur "l’impact du traité de Lisbonne sur le développement de l'équilibre institutionnel de l'Union européenne" pourrait être adopté en commission le 23 mars. "Même si l’on ne peut pas s’y préparer de manière officielle, nous allons faire exactement comme si le traité de Lisbonne allait entrer en vigueur”. En clair, comme si l’exécutif à trois têtes était sur le point de voir le jour. Et si, malgré tout, ce scénario tombait à l’eau?
“Si la Commission gagne un poids supérieur, c’est tant mieux, estime le député. Car c’est elle qui a le droit d’initiative sur la législation européenne. Le risque serait plutôt, avec un président élu du Conseil européen, d’aboutir à une situation où la Commission serait affaiblie. Pour moi, elle est l’institution centrale.”
Olivier Devos, à Bruxelles
Suite à la feuille de route du Conseil européen adoptée en décembre, la commission parlementaire des Affaires constitutionnelles a repris, dans la plus grande discrétion, ses travaux sur l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. “Le Conseil européen a ouvert la voie à une ratification du traité de Lisbonne par les Irlandais, explique Peter Schiffauer, responsable du secrétariat de cette commission. Disons que la situation permet d’en discuter de nouveau”. Suspendus depuis le “non” irlandais, ces rapports sont “des réflexions préparatoires en amont du traité et non des prises de décision”, précise-t-il. Plusieurs rapporteurs se sont ainsi remis au travail.
- Richard Corbett (Britannique, PSE) sur la révision générale du règlement interieur: ce rapport devrait être adopté en commission le 9 mars et en session le 21 avril.
- Genowefa Grabowska (Polonaise, PSE) sur les perspectives de développement du dialogue civil dans le cadre du traité, adopté le 2 décembre en commission, qui devrait être approuvé en séance le 13 janvier.
- Sylvia-Yvonne Kaufmann (Allemande, GUE/NGL) sur la mise en œuvre d’une initiative citoyenne européenne, prévu pour être adopté en commission le 22 janvier et en session le 9 mars.
- Jo Leinen (Allemand, PSE) sur le rôle nouveau et les responsabilités nouvelles du Parlement; présenté en avril dernier, il pourrait être adopté en commission le 9 mars et en session le 23 avril.
- Elmar Brok (Allemand, PPE-DE) sur l'évolution des relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux, qui devrait être adopté en commission le 23 mars et en session le 23 avril. Il a aussi remis sur le métier son rapport sur les aspects institutionnels de la création d'un « service européen pour l'action extérieure » qui doit, entre autres, assister le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
- Jean-Luc Dehaene (Belge, PPE-DE) sur l'impact du traité sur le développement de l'équilibre institutionnel de l'Union européenne; son rapport sera débattu en commission les 9/10 février et en séance plénière en avril.
D’autres attendent toujours dans les tiroirs comme le rapport global de Jo Leinen.
Les travaux de la commission des affaires constitutionnelles
Alexandra du Boucheron, à Bruxelles