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Marchés bouclés, secours retardés

Alors que les secours doivent circuler vite, sans obstacles, comment faire en période de Noël quand les centres-villes sont bouclés ? À Strasbourg et à Wissembourg, sapeurs-pompiers, Samu et associations de sécurité civile doivent s’adapter à des dispositifs de sécurité qui rendent les déplacements difficiles.

Deux millions de personnes sont attendues au marché de Noël de Strasbourg. Crédit : Auberie PERREAUT

Des centaines de policiers et militaires en armes, des fouilles à chaque entrée, des plots en béton, des fourgons de gendarmerie et de CRS. Au marché de Noël de Strasbourg, la Grande-Île a des allures de forteresse imprenable. À l’intérieur, au milieu des illuminations, des milliers de touristes piétinent autour des marmites de vin chaud et font la queue pour acheter leurs derniers cadeaux. À 70 km au nord, dans le petit centre-ville de Wissembourg, policiers municipaux et gendarmes sont une dizaine à patrouiller dans les rues décorées de branches de sapin et de figurines en bois. Mais le marché de Noël est bel et bien bouclé. Aux vitrines soigneusement décorées par les commerçants, s’ajoutent, en travers de la route, des blocs en béton peints d’un bandeau rouge. Dans cette commune de plus de 8 000 habitants, dimanche 17 décembre, entre 6 000 et 8 000 visiteurs sont attendus pour le défilé du Père Fouettard, le moment phare des festivités. Les enfants sont perchés sur les épaules de leurs parents et attendent l’arrivée de l’ennemi du Saint-Nicolas. Jouer des coudes, pousser sans se séparer, avec ou sans poussettes, tous les moyens sont bons afin d’avoir la meilleure place pour le spectacle. Près de l’abbatiale, des sapeurs-pompiers ont un poste pour surveiller le feu d’artifice qui clôturera le défilé. Le reste des effectifs est à la caserne, à un kilomètre de là, hors du dispositif de sécurité.

Mettre en place des points d’accès

« Les attentats du 14 juillet 2016, à Nice, ont été un tournant dans l’organisation du marché de Noël et notamment des secours, affirme Christian Gliech, maire de Wissembourg. Pour empêcher le passage d’un véhicule bélier, nous avons installé des blocs anti-intrusion. Mais comment faire passer un camion de pompiers ou une ambulance ? Il a bien fallu trouver une solution. » Comme les secours ne disposent pas d’un poste fixe, ils doivent emprunter les points d’entrée protégés par des obstacles mobiles comme rue Nationale à Wissembourg, où une camionnette municipale barre en permanence la route. Habib Traoré, l’un des agents de sécurité d’une société privée mandatée par la Ville, est relié par radio avec les forces de l'ordre et les sapeurs-pompiers. « Je reste ici toute la soirée. J’ai les clés du camion et je ne le bouge qu’en cas de passage de la police ou des secours », explique le vigile.

Pour le défilé, quatre camionnettes municipales sont disposées afin de permettre l’entrée des secours et des forces de l’ordre. Crédit : Julie MUNCH

Pour le défilé, quatre camionnettes municipales sont disposées afin de permettre l’entrée des secours et des forces de l’ordre. Crédit : Julie MUNCH

À Strasbourg, même principe. Pont de Saverne et pont du Théâtre, deux 38 tonnes attendent, avec à leur bord un chauffeur prêt à démarrer en cas de nécessité. « C’est vrai que depuis les attentats, nous sommes particulièrement attentifs à la question, admet Pierrette Gunther-Saës, directrice du pôle sécurité, prévention, réglementation de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg. Les camions sont positionnés à deux endroits stratégiques mais, dans les faits, les secours vont au plus rapide, avec les moyens qu’ils ont. À chaque pont, policiers et gendarmes ouvrent les barrières et les laissent passer dès qu’il y a une intervention. »

Circuler dans la foule

Une fois entrés dans les centres-villes, le véritable défi commence. Il faut fendre la foule pour atteindre le lieu d'intervention. À Strasbourg, les visiteurs peinent à se déplacer dans les allées étroites du marché, et les attroupements sont nombreux. Difficile d’imaginer un camion de pompiers circulant au milieu des touristes et des stands de bredeles. En 2015, peu après les attentats de Paris, place de la Cathédrale, une rangée d’une dizaine de chalets a été supprimée pour faciliter le passage des véhicules prioritaires. « Notre but est de fluidifier un maximum la circulation des véhicules des sapeurs-pompiers ou du Samu, leur faire autant de place que possible », explique Pierrette Gunther-Saës. D'autres chalets ont été enlevés place Kléber pour permettre l'installation d'un hôpital de campagne ou « poste médical avancé. » (1)

Mais les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls à devoir circuler. Gérer la foule est aussi un défi pour les associations de sécurité civile sollicitées par les deux communes. Strasbourg expérimente un nouveau dispositif depuis trois ans. Il n'y a plus de poste fixe place Broglie, mais deux ambulances de la Protection civile, qui circulent uniquement le week-end, entre les différents marchés de Noël de la ville. « Nous sommes plus vite sur place. Après ça reste compliqué de circuler », constate Olivier Knaebel, président de l’association de sécurité civile Terre Neuve 67. Pierre-Jean Albisser, bénévole à la Croix Blanche, conduit une ambulance. « Il faut être particulièrement vigilant aux enfants ou tout simplement aux piétons qui traversent. Les gens sont là pour se divertir et passer des bons moments, donc parfois ils ont un peu la tête ailleurs. Ils ne s’attendent pas à voir un véhicule arriver. » (2)

À Wissembourg, lors du défilé du Père Fouettard, six secouristes de la Croix Blanche sont mobilisés. « Deux secouristes sont dans le cortège près des chevaux, deux restent près de l’ambulance et deux autres sont dans le public, car parfois, les gens ne sont pas du tout disciplinés. Ils se poussent et se marchent dessus, explique Elisabeth Hannig, présidente de l’unité de Wissembourg. Pour nous, le véritable défi, c’est d’être prévenu. À travers la foule, le temps que l’information remonte jusqu’à nous, est parfois trop long. Mais pour l’instant, il ne s’est jamais rien passé de grave. Alors on touche du bois. »

Julie MUNCH avec Auberie PERREAUT

(1) En cas d'attentat, de mouvement de foule ou d'incendie, faisant un grand nombre de victimes, des Postes médicaux avancés (PMA) peuvent être montés place Kléber ou place du Château à Strasbourg. Il s'agit d'hôpitaux provisoires, installés sous tentes, où sont triés les blessés et prodigués les premiers soins, avant le transfert vers les hôpitaux traditionnels.

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