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Les textes à l'épreuve de l'inclusivité

Les religions monothéistes sont souvent accusées d’homophobie et de sexisme. Nous avons rencontré une rabbin, un imam, une militante catholique et un pasteur, qui, au nom de leur foi, promeuvent des lectures féministes et LGBTQIA+.


Cyprien Durand-Morel

© Ludovic-Mohamed Zahed

Rabbin libérale, Iris Ferreira officie depuis 2021 à la synagogue de l’Union juive libérale de Strasbourg (UJLS). Lire publiquement la Torah à la synagogue, officier, allumer la bougie de Hanoucca, des pratiques religieuses qui lui étaient interdites par la communauté orthodoxe, du seul fait qu’elle soit une femme. Désormais, la religieuse aux allures d’étudiante studieuse réinterprète les textes pour ne plus se sentir exclue. On ne réécrit pas la Torah, on la réinterprète en la remettant dans le contexte historique , précise-t-elle.

Elle propose des exégèses qui peuvent prendre le contre-pied des interprétations classiques. Il en est ainsi de l’épisode du péché de Sodome et Gomorrhe traditionnellement considéré comme une condamnation de l’homosexualité. Dans ces villes, les habitants étaient taxés de perpétrer des viols collectifs et d’être inhospitaliers. Les invités étrangers devaient rentrer au centimètre près dans des lits mis à leur disposition. Sans quoi, leurs membres étaient découpés voire étirés, ce qui conduisait à leur mort. La rabbin suggère sa propre lecture :  On a l’impression que les gens qui sortaient des normes devaient souffrir pour rentrer dans la case. Contraindre quelqu’un qui est homosexuel à vivre comme un hétéro reviendrait à l’allonger sur le lit de la mort de Sodome et Gomorrhe .

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Rabbi Ferreira est la première rabbin a avoir été ordonnée en France.© Cyprien Durand-Morel

Iris Ferreira écrit des poèmes, en écriture inclusive, reprenant par exemple la notion de Tumtum (une personne dont le sexe est inconnu).  Je veux donner la possibilité d’avoir une spiritualité juive et d’être LGBTQIA+. Si on part du principe que chaque personne humaine a été créée à l’image de Dieu, alors les personnes homosexuelles ne devraient poser aucun problème. 

L’Histoire, remède des contre-vérités

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Pour Ludovic-Mohamed Zahed, l'acceptation des minorités sexuelles dans la sphère religieuse reflète sa « bonne santé ».© Wikimedia Commons

Ludovic-Mohamed Zahed, imam gay, affirme qu’aucun texte, pas même le Coran, ne condamne l’homosexualité. N’en déplaise au courant fondamentaliste saoudien qui réécrit l’histoire de Médine. Une ville soi-disant exclusivement musulmane, d’où est effacée par omission la grande diversité des genres et des religiosités qui existait. Pour lui, on peut même se passer de relectures :  On ne rend pas les textes LGBTQIA+ ou féministes, ce serait de l’anachronisme, du sophisme et une manipulation. Il suffit de lire et de connaître les textes. 

Au sein de son institut Calem, il donne la bénédiction à des couples de même sexe. L'imam s’appuye sur des hadiths, préceptes transmis par le fondateur de l'Islam, qui prônent l’inclusion :  Un compagnon du prophète Mahomet, Abdullah Ibn Salam, a accueilli des mouanathoun mutalagilet, des hommes efféminés, et des femmes masculines, apparentés aujourd’hui à des identités queer, gay, lesbiennes, trans, on ne sait pas trop. Ils n’étaient pas cisgenres ni hétérosexuels, ça on en est sûr. C’est dit clairement dans le Coran : Ghayer Al Irbet Min Al Rijel, les hommes qui n’ont pas les attributs de la masculinité. 

La Bible au féminin

Le féminisme dans les cours de théologie catholique,  on en entendait parler seulement en notes de bas de page . C’est le constat implacable que fait Valentine, cocréatrice de l’association suisse Oh my goddess. L’enjeu ne se limite pas seulement au contenu, mais à remettre en question la sélection des lectures de la messe par le lectionnaire.  Un jour, en recopiant un texte, j’ai remarqué qu’on avait enlevé un verset. Ça m’a mis la puce à l’oreille. Dans le poème de la femme vertueuse de l’Ancien Testament, les versets où la femme se trouve dans une position conquérante, de succès, sont coupés. Par contre, les passages où elle se dévoue pour sa famille demeurent. C’était glaçant ! 

Dans une démarche de recherche spirituelle, elle a voulu rendre donner de la visibilité aux théories féministes et queer qui l’ont nourrie intellectuellement. Dans cette optique, elle réalise des podcasts adressés à celles et ceux qui se sentent exclus de la messe, et qui souhaitent tout de même se nourrir de paroles bibliques. Mots épicènes et féminin pluriel qui l’emporte quand il s’agit d’un groupe de personnes non identifiées, rythment les épisodes dominicaux.

 Dans le poème de la femme vertueuse de l’Ancien Testament, les versets où la femme se trouve dans une position conquérante, de succès, sont coupés. Par contre, les passages où elle se dévoue pour sa famille demeurent. C’était glaçant ! 

L’idée est de sortir d’un ancien modèle pour en créer un nouveau. C’est une façon de rendre plus audible, plus riche la Bible.  Celle qui s’engage à travers la Gay Pride, la manifestation #NousToutes et au sein du cortège chrétien, milite pour la convergence des luttes.  Toutes les quêtes spirituelles sont légitimes, il faut s’accompagner les unes les autres. On peut cheminer même avec un héritage avec lequel on n’est pas à l’aise , revendique-t-elle. Valentine en appelle aux institutions religieuses pour qu’elles s’emparent du travail des théologiennes féministes qui cherchent à faire bouger désespérément les lignes, depuis les années 90.

Prêcher l’universalité, une alternative

Pasteur de l’Église réformée protestante unie de Belgique, François Thollon-Choquet a d’abord pratiqué la réactualisation des textes, avant de se rendre compte de ses limites.  Je crois qu’il ne faut plus réinterpréter les textes dans un sens LGBTQIA+. On l’a beaucoup fait mais ça ne convainc que les personnes qui veulent être convaincues.  Le cas de David et Jonathan est marquant. Quand Jonathan meurt au combat, David pleure son ami en disant que son amour était plus fort que celui qu’il éprouve pour les femmes.  Le problème de considérer David comme bisexuel, c’est que cette interprétation suscite la colère. Il ne faut pas chercher dans la Bible des arguments pour l’inclusion des LGBTQIA+ car ces questions n’existaient pas dans le contexte biblique. 

 Il y a déjà tellement de gens qui pensent que l’Église est un ramassis de gens fermés, obtus, conservateurs alors que ce n’est pas que ça. 

François Thollon-Choquet préfère mettre en avant des passages favorisant l'apaisement et la communion. Comme le verset 28 du chapitre 3 de la lettre de Paul aux Galates :  Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme, ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ.  Le pasteur qui élève son petit garçon avec son mari, fait partie du Carrefour des chrétiens inclusifs, un réseau de personnes et d’associations LGBTQIA+ chrétiennes qui se propose de dialoguer avec les institutions.  Mais on ne négocie pas, on ne reçoit pas d’ordres. De l’extérieur ça peut faire penser à un lobby  , confie-t-il en riant.  Nous n’attendons plus de permissions d’être chrétien gay, de prendre la parole et de célébrer l’amour. 

Cet engagement se nourrit d’une crainte que l’Église parle à leur place :  Sur la bénédiction des personnes homosexuelles à l’Église ou la consécration au ministère pastoral, on n'a pas consulté la communauté directement concernée, alors qu'on n'imagine pas prendre une décision sur la jeunesse sans s’adresser aux scouts.  Il redoute que l’institution perde en crédibilité si elle ne prend pas le virage de l’inclusion :  Il y a déjà tellement de gens qui pensent que l’Église est un ramassis de gens fermés, obtus, conservateurs alors que ce n’est pas que ça. 

Le doctorant en théologie propose sa solution pour promouvoir la cause LGBTQIA+ au sein des communautés :  Par la pratique, l’Église peut se réformer elle-même. Elle est prophétesse quand elle accueille les personnes LGBTQIA+, avec des antennes inclusives. Ce qui fait changer les gens, ce ne sont pas les discours, ce sont des exemples. Les paroissiens changeront s’ils acceptent des couples de même sexe et les fidèles s’y habitueront. On ne parlera plus d’homosexualité mais juste d’un couple qui s’aime et qui vit sa foi. 

Tous égaux chez les juifs libéraux

À l'Union juive libérale de Strasbourg, rabbi Ferreira met un point d'honneur à ce que chacun trouve sa place dans la synagogue. Une vision inclusive du judaïsme qui a convaincu Zoé Balland de se convertir.


Alexia Avril & Louison Fourment

© Louison Fourment

Pasteure et queer

Dans la paroisse de Wingen-sur-Moder, Eva Lefèvre poursuit sa formation de pasteure. Queer et engagé.e dans la communauté LGBTQIA+ depuis plusieurs années, ielle souhaite insuffler ses idéaux inclusifs dans l'Église.


Alexia Avril & Louison Fourment

© Alexia Avril

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