J’ai remonté l’allée centrale au bras de mon père, mon conjoint au bras de sa mère. Les convives étaient installés sur les bancs face à nous. C’était un moment émouvant que je n’oublierai jamais. 
En 2016, Charlotte, catholique non-pratiquante, a mis la bague au doigt de son mari. Mais pas dans une église.
Très populaires aux États-Unis, les mariages laïques ont aussi le vent en poupe dans l’Hexagone. Plus personnelles et moins codifiées, ces alternatives aux cérémonies religieuses n'imposent aucune règle aux mariés et sont souvent célébrées en extérieur. Au milieu d’un domaine arboré et malgré un ciel maussade, Charlotte et son conjoint tenaient à s’échanger les vœux à leur façon.  Mon mari n’était pas à l’aise à l’idée de s’exprimer devant tout le monde. Il s’est inspiré du film Love Actually pour m’écrire ses souhaits sur des pancartes. 
Une alternative aux cérémonies religieuses
Ces libertés conduisent parfois à un paradoxe : l’irruption du religieux dans la noce laïque.  On retrouve régulièrement la robe blanche, l’allée centrale et le gospel 
, confirme Audrey Vonesch, officiante de cérémonie laïque en Alsace. Certains mariés vont jusqu’à y intégrer des prières.
Pour les couples, le mariage civil reste un passage obligé : il est le seul à avoir une valeur légale. Une fois mariés à la mairie, les époux peuvent choisir de célébrer leur union devant un officiant religieux ou laïque. Même chez les personnes non-pratiquantes, ce rite reste souvent primordial pour formaliser un mariage. Certains couples préfèrent une cérémonie à l’église pour sa forte symbolique. Tous ne sont pas pour autant attachés à la religion catholique. En effet, selon une étude de l’Institut national d’études démographiques menée en 2014, 56 % des mariages catholiques ne sont pas guidés par des convictions religieuses.
Alors que les mariages à la mairie sont restés stables entre 2008 et 2019, le nombre de cérémonies catholiques a été divisé par deux. Selon l’écrivaine et sociologue du Centre national de recherche scientifique (CNRS) Florence Maillochon, la façon de ritualiser l’union est tout aussi importante que le contrat de mariage en soi. Cela entraîne le développement de nouvelles pratiques. Le phénomène reste encore difficile à quantifier, mais de plus en plus de couples se tournent désormais vers des cérémonies laïques comme alternatives aux institutions religieuses.
Pour certains couples, les festivités laïques permettent de remplacer des extraits de la Bible et des prières par des textes centrés sur les mariés.  Pendant les cérémonies religieuses, les mariés restent passifs face au prêtre et très peu d'émotions s’en dégagent. C’est tout le contraire des mariages laïques , estime Charlotte.
Ces célébrations n’offrent pas seulement des libertés aux mariés, elles peuvent aussi amener deux familles aux cultures et religions différentes à un compromis. C’est le cas d’Aurore, d’origine laotienne, et Frédéric, de confession juive.  Nous avons souhaité avoir recours à ce type de cérémonie pour rassembler nos deux cultures 
, précise la mariée. À la fin des festivités, le couple a décidé de poursuivre avec le rituel des cordons, issu du Laos. Un rite au cours duquel la famille proche noue des fils de coton aux poignets des mariés en prononçant un vœu.
Le développement des alternatives laïques pousse l’Église à engager une réflexion sur ses traditions. La question d’une personnalisation de la cérémonie catholique se pose de plus en plus depuis le synode sur la famille, en 2015. Les évêques ont envisagé de remplacer la messe par une simple prière pour les couples se mariant sans conviction religieuse.
Pour Françoise et Philippe, le mariage à l’église relevait plus du compromis que d’un choix.  On a voulu faire plaisir aux parents et le curé était l’un des meilleurs amis de mon beau-père 
, justifie la quinquagénaire. Certains prêtres acceptent cependant de bousculer les codes.  Il savait que nous n’étions pas pratiquants et nous a permis de faire l’impasse sur des textes religieux, de mettre de la musique rock et de faire danser les enfants en farandole 
, ajoute Françoise.
D’autres couples restent attachés au mariage religieux, par croyance personnelle.  C’était important pour moi de faire une cérémonie à l’église, car j’associe cet édifice au mariage 
, explique Sébastien, époux de Célia depuis juillet 2022.  Nous avons été éduqués dans la religion, c’était donc logique. 
 Il savait que nous n’étions pas pratiquants et nous a permis de faire l’impasse sur des textes religieux, de mettre de la musique rock... 
La jeune mariée déplore, quant à elle,  le côté archaïque de l'Église 
. Lors de leur préparation au sacrement avec un couple référent, les deux amoureux ont dû suivre une journée de formation de pratique chrétienne. Ils y ont notamment appris les quatre piliers du couple selon l’Église : liberté, fécondité, indissolubilité, fidélité. Un enseignement qu’ils estiment  hypocrite 
. Déçue par cette approche peu moderne, Célia envisage alors de se tourner vers une officiante laïque. Mais le diacre accepte finalement de personnaliser la cérémonie religieuse, en supprimant la messe et en centrant le propos sur le couple.
Un pan de l’Église catholique n’est pas ouvert à la modernisation de ce sacrement, mais cela n’empêche pas certains couples de vouloir s’unir dans le cadre d’une cérémonie. Ils ont aujourd’hui tendance à se tourner vers des alternatives qui leur donnent la liberté de se marier sur mesure. Un tournant qui profite au marché émergeant des officiantes laïques, concurrentes directes des mariages religieux.
Pas d'adieu sans amen
Pendant la pandémie de Covid-19, les funérailles n’ont pas pu se dérouler dans des conditions normales.  Nous nous retrouvions parfois seulement avec deux ou trois personnes au cimetière. L’absence de cérémonie a été un traumatisme pour énormément de personnes, tant pour celles qui partent que pour celles qui restent 
, déplore François Hohwald, aumônier à l’hôpital de la Robertsau à Strasbourg. La religion revient dans la sphère intime au moment de la mort. Ce qu’il y a de plus tragique pour un humain, c’est d’aller vers l’inconnu 
, souligne Sophie Gherardi, fondatrice du Centre d’études du fait religieux contemporain. En 2013, 70 % des obsèques restaient encore religieuses, selon une étude réalisée par les Pompes funèbres générales.
Lucile, originaire du Haut-Rhin, a grandi dans une famille catholique non-pratiquante. Lors du décès de son père, en 2015, les proches ont toutefois décidé d’organiser des obsèques à l’église de Turckheim.  Il aurait souhaité que nous fassions la fête, mais nous avions quand même besoin d’une cérémonie plus sobre pour lui dire au revoir 
, se souvient la jeune femme. Elle s’imaginait difficilement une autre façon de procéder :  Quand toute la famille a été enterrée religieusement, c’est compliqué de changer de rite. 
Si des alternatives aux funérailles religieuses existent, elles sont toutefois plus réglementées que les mariages laïques. Elles ne peuvent légalement avoir lieu qu’au crématorium, au funérarium ou au cimetière. Une formation de maître de cérémonie funéraire est obligatoire depuis 2012 pour célébrer des obsèques laïques, alors qu’aucun diplôme n’est nécessaire pour officier lors d’un mariage laïque.