Pourquoi certains Français font du tennis et d'autres du rugby?

Pratique sportive : le football toujours numéro 1

A l'approche de l'Euro 2016, en juin prochain, la Fédération française de football peut espérer une augmentation du nombre de ses licenciés, en cas de bon résultats de l'équipe nationale. Organisée à domicile, cette compétition devrait être un événement populaire. Mais les grandes compétitions sportives n'expliquent pas à elles seules les variations du nombre de licenciés, quel que soit le sport. Les revenus, les équipements, la culture sportive d'une région ou la notoriété des clubs entrent aussi en jeu.

Le football est, de loin, le premier sport de France. Avec plus de 2 millions de licenciés, soit le double du tennis, deuxième du classement, il ne semble pas prêt à céder sa place. Le nombre de licenciés en équitation, troisième sport de France, est globalement à la hausse depuis une dizaine d'années, mais stagne aujourd'hui. Talonné de près par le basket-ball, qui connaît une vraie dynamique, puisque le nombre de licenciés a dépassé celui du judo en 2015.

Le répartition des licenciés n'est cependant pas homogènes sur le territoire français. Certains sports se concentrent dans quelques régions, d'autres sont plus diffus sur l'ensemble des départements.

L’impact des compétitions sportives

Le nombre de licenciés des différentes fédérations sportives fluctue en fonction des résultats et de l'image transmise par les équipes ou athlètes nationaux lors des grandes compétitions internationales. La médiatisation de ces événements joue un rôle fondamental, car s’ils ne sont pas diffusés ou au moins relatés sur les plus grandes chaînes de télévision, l'impact des résultats sur l'augmentation ou la baisse du nombre de licenciés sera moindre.

Le football est l'exemple le plus criant sur la corrélation entre les résultats ainsi que l'image de l'équipe nationale et le nombre de licenciés à la Fédération française de football.

Sur les dix dernières années les résultats des Bleus frôlent les extrêmes. En 2006, la bande à Zidane réalise une Coupe du monde magique en atteignant la finale. Le match face à l'Italie est suivi par plus de 22 millions de téléspectateurs avec un pic à 25 millions lors de la séance de tirs au but. L'année post-Coupe du Monde, la FFF recense 180 000 licenciés de plus qu'en 2006, pour atteindre le chiffre 2 320 625 personnes. En 2008, mais surtout en 2010 les résultats couplés à l'image reflétée par l'Équipe de France sont exécrables. L'épisode de la grève du bus de Knysna ou encore les affaires extra-sportives comme « l'affaire Zahia » nuisent fortement à l'image des Bleus. On observe une forte baisse du nombre de licenciés l'année suivant la Coupe du monde en Afrique du Sud. La FFF perd 130 000 membres entre 2010 et 2011 passant sous la barre des 2 millions. En 2015, on dénombre 2 135 193 licenciés à la FFF, un chiffre retrouvé à la suite de la politique de communication des Bleus qui cherchent à redorer leur image et aux résultats prometteurs pour l'avenir.

Cette corrélation s'applique aux autres sports médiatisés. Ainsi, en 2008, la Fédération française de rugby recense 363 073 membres soit une hausse de 30% du nombre de licenciés en un an. La Coupe du monde organisée à domicile l'année passée et la victoire face aux All Blacks en 1/4 de finale créé un réel engouement autour ce sport en France. De même avec la Coupe du monde 2011 et un parcours héroïque, où les Bleus échouaient en finale face à ces mêmes Néo-zélandais, suivie par près de 16 millions de téléspectateurs un dimanche matin. Impact direct sur le nombre de licenciés l'année suivante, avec 452 455 membres à la FFR en 2012 soit près de 40 000 personnes de plus en un an. Inversement, le nombre de licenciés tend vers le bas depuis 2012 avec l'enthousiasme perdu sous l'ère Saint-André. Les résultats ne sont pas bons, même parfois très mauvais, puisque la cuillère de bois avait été évitée de justesse en 2013. Pour rappel, la dernière cuillère de bois du Quinze de France remonte à 1957.

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Pour le handball, les résultats des Experts sont dans la lignée des Barjots et des Bronzés. Ils sont globalement très bons depuis 1990 jusqu'à un passé récent. Cependant l'influence des Jeux Olympiques, qui ont lieu tous les 4 ans, est plus importante que celle des Championnats du monde ou d'Europe qui se déroulent plus fréquemment. C'est pourquoi on observe deux points clés avec les médailles d'or aux Jeux de Pékin et de Londres (2008, 2012).

On retrouve la même dynamique pour le judo, les championnats du monde étant organisés chaque année hors année olympique. Le nombre de licenciés à la Fédération française de judo est réellement impacté lors des compétitions les plus médiatisées car les résultats sont très bons dans le sillage de la star Teddy Riner, qui raflent presque tous les titres depuis plus de 8 ans dans la catégorie des plus de 100KG. Cependant il faut noter que la France est, historiquement, la deuxième nations la plus titrée dans ce sport. Par conséquent, les fortes hausses sont marqués en 2008 et 2012 avec les Jeux Olympiques mais aussi en 2011 avec les Championnats du monde organisés à Paris ce qui a fait naître un intérêt national plus important qu'à l'habitude.

Enfin concernant le basketball, l'Équipe de France, menée par les Tony Parker, Boris Diaw et autre Nicolas Batum, réalise de bons résultats mais décroche enfin le Graal européen en 2013 face à la Lituanie après avoir notamment battu le rival espagnole au cours de la compétition. La finale est suivie par plus de 5 400 000 de téléspectateurs, audience historique pour un match de basketball en France. L'année suivante, la Fédération française de basketball (FFBB) recense près de 90 000 licenciés de plus, soit une hausse de 18% en un an. Pour remarque, le nombre de membres à la FFBB atteint le chiffre de 600 000 en 2015, dépassant même le judo et devenant le 4ème sport le plus pratiqué en France. Ce score est en liaison avec la troisième place des bleus aux Coupe du monde 2014 mais aussi aux Championnats d'Europe organisés en France fin 2015.

Le tennis et le golf, des sports peu accessibles

Le tennis est le deuxième sport national, avec plus d'un million de licenciés. Comme le golf, 8e sport de France avec près de 407 000 licenciés, et contrairement à l’équitation, sa pratique est essentiellement corrélée aux revenus.

Les cinq départements les plus riches, dont le revenu est situé au-dessus du revenu médian (environ 19430 euros), sont ceux qui pratiquent le plus ces sports. Pour le tennis, Paris, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, la Haute-Savoie et l'Essonne présentent un taux de pénétration au-dessus du taux de pénétration moyen de 15,8 ‰. Même constat pour le golf, dont le taux de pénétration moyen est de 6,1‰.

A l’inverse, les habitants des cinq départements les plus pauvres pratiquent peu ces sports onéreux. Par exemple, les taux de pénétration pour le tennis et le golf sont respectivement de 8‰ et de 2,7‰ dans le Pas-de-Calais.

Entre ces extrêmes, les quatre départements les plus proches du revenu médian tendent à se rapprocher du taux de pénétration moyen pour le tennis et le golf.

Ces données montrent que ces deux sports ne sont pas accessibles à tous. Acquérir une licence de tennis ne coûte pas si cher : 27 euros pour les adultes, 18 euros pour les 18 ans et moins, pour la saison 2015-2016. Mais le prix de l'équipement, jusqu'à 200 euros pour une raquette de qualité, une centaine d'euros pour une bonne paire de chaussures, peut être dissuasif. Et pour ceux qui souhaiteraient participer à des tournois, les prix des compétitions et des transports peuvent rapidement faire monter l'addition.

De la même façon, acheter des clubs, des gants, des chaussures, prendre des cours pour jouer au golf et payer le prix des parcours représente un investissement financier conséquent. La première année, il faut compter jusqu’à 1000 euros de frais.

Une image de sport bourgeois

Outre la dimension financière, ces sports sont encore perçus comme des sports réservés aux classes privilégiées. En 2007, la Fédération française de tennis a tenté de changer l'image du tennis à grands renforts de spots publicitaires qui n'ont pas, dans les faits, révolutionné les pratiques. Engagée dans la même démarche, la Fédération de golf recense toutes les opérations d’initiation gratuite sur son site et propose, depuis l’année dernière, le pass Go for golf : une offre de 59 euros destinée aux débutants, qui comprend notamment 4 heures de cours collectifs.

Le coût et la réputation d’un sport n’expliquent pas à eux seuls le nombre et la répartition des licenciés. Si les courts de tennis sont courants, ce n’est pas le cas ni pour le golf, ni pour l’équitation. Qu’ils soient demandeurs ou non, les habitants ne peuvent pas pratiquer ces sports sans les équipements adéquats.

L'équitation : un sport dépendant des équipements

Nous avons vu dans la partie précédente que la pratique de l'équitation n’était pas corrélée au niveau de revenus d'un territoire. Il s'agit pourtant, comme le tennis, d'un sport onéreux. En comptant, outre la licence, le coût des équipements, des cours, des stages, des compétitions, le budget annuel moyen est de 1100 euros pour un pratiquant régulier ou mensuel qui ne possède pas son propre animal. Ce budget annuel moyen monte à 2600 euros pour le propriétaire d'un cheval, dont il faut prendre en compte l'achat et l'entretien, selon une étude sur les pratiques équestres réalisée en 2007 pour la Fédération interprofessionnelle du cheval de sport, de loisirs et du travail (Fival).

Au-delà du coût, c'est avant tout le nombre d'installations équestres qui conditionne l'effectif des licenciés (seuls 15% des cavaliers réguliers et mensuels ne montent jamais en centre équestre). L'équitation demande des équipements particuliers : carrières, manèges, parcours d'obstacles ou pistes de courses. Le niveau de revenus médian de la population ou la ruralité du département a peu d'incidence sur le nombre de licenciés : on peut avoir les moyens financiers de faire du cheval, il faut avoir accès à d'installations équestres pour pratiquer l'équitation.

Pour l'équitation, l'offre d'équipements ne permet pas forcément de satisfaire la demande de pratique équestre. Contrairement au tennis, dont l'offre d’équipements dépend du nombre de licenciés : plus la demande est forte, plus les courts de tennis seront nombreux. Les centres équestres, eux, sont rapidement saturés. Les installations d'équitation ne peuvent accueillir qu'un nombre limité de pratiquants : les chevaux et les poneys ne peuvent pas être surexploités et ont besoin de lieux spécifiques pour les accueillir, mais aussi d'un personnel particulier pour s'en occuper.

Paris, qui compte peu d'équipements équestres, se distingue nettement des autres départements à situations équivalentes. La capitale accueille un grand nombre de cavaliers (près de 10 000), mais si on rapporte ce nombre à la population parisienne (2,24 millions d'habitants en 2015), il reste assez faible.

Des traditions sportives bien ancrées

Le Sud-Ouest, terre de l'Ovalie

Le rugby a le vent en poupe dans le sud-ouest. Une grande partie de ses 438 144 sont répartis dans la région, où le sport est historiquement implanté.

Introduit en France vers 1870 par des Britanniques, le rugby s’est enraciné dans le sud-ouest, où vivent encore de nombreux anglophones. Fort de ce terrain favorable, le Stade bordelais (aujourd’hui Union Bordeaux Bègles), l’un des premiers clubs de rugby français, est fondé en 1889. Dix ans plus tard, l’équipe rafle le titre de champion de France. Par la suite et jusqu’en 1911, le club est 12 fois finaliste du championnat et remporte le titre sept fois, provoquant un véritable engouement en Gironde puis dans les départements voisins.

Cet ancrage historique explique les très bonnes performances des clubs situés dans la région. Par exemple, le Stade toulousain a remporté 19 fois le championnat de France et est quadruple champion d’Europe, ce qui en fait le club français et européen le plus titré.

Encore aujourd’hui, de nombreux clubs de haut niveau, gérés par la Ligue nationale de rugby depuis la fin des années 1990, prospèrent dans le sud-ouest. C’est le cas du Stade toulousain, de l’Union Bordeaux Bègles, en Top 14 ou du Biarritz Olympique en Pro D2.

L'Île-de-France, berceau du judo

C’est en Ile-de-France qu’on retrouve le plus de judokas, avec un taux de pénétration de 20,7 ‰, deux fois plus que la moyenne nationale qui se situe à 8,88 ‰.

Historiquement, le Jujitsu-Club voit le jour il y a 80 ans dans la région, fondé dans les années 30 par Moshe Feldenkrais, un physicien d’origine ukrainienne. Aujourd’hui encore, de nombreux clubs de judo prestigieux comme la section judo du Levallois Sporting Club sont basés dans cette région et forment les meilleurs athlètes de nationaux et mondiaux.

L'équipe de France de judo inscrite aux Championnats du monde d'Astana en août 2015 comptait près d'un athlète sur deux issu d'un club francilien (Levallois Sporting Club, Escales Argenteuil, Red Star Club Champigny, Blanc Mesnil Sport Judo).

L’engouement pour les grands clubs

Avec plus de 600 000 licenciés pour l'un et plus de 500 000 pour l'autre, le basket-ball et le handball font partie des sports les plus pratiqués par les Français. Les licenciés de ces deux sports collectifs se concentrent sur certains territoires, autour de grands clubs, féminins et masculins.

Le dynamisme local du basket-ball

Plusieurs espaces concentrent un fort taux de licenciés en basket-ball : la région Pays-de-la-Loire, le sud de l'Aquitaine, la région lyonnaise ou l'Alsace. Le basket-ball se concentre sur ces régions, qui montrent presque systématiquement la présence d'un ou plusieurs grands clubs français.

Dans le sud-ouest, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques présentent 22,37‰ et 10,84‰ de licenciés de basket-ball (6,3‰ en moyenne en France). Deux grands clubs s'y côtoient. D’une part, l'Élan béarnais Pau-Lacq-Orthez, basé à Pau, est un club historique du basket-ball français, six fois champion de France entre 1995 et 2004 et aujourd'hui encore dans le haut du classement de première division masculine. D’autre part, le Basket Landes, qui joue à Mont-de-Marsan, est dans le trio du tête du championnat féminin, et sera rejoint à la saison prochaine par Céline Dumerc, capitaine de l'équipe de France.

Les succès entraînent souvent l'engouement de la population locale. Le Strasbourg Illkirch-Graffenstaden Basket (SIG), finaliste du championnat de France et vainqueur de la coupe de France en 2015, a connu la meilleure affluence du basket-ball français en 2015, avec 5350 spectateurs en moyenne à chaque match. La notoriété du club permet au sport de sortir du cercle des initiés, et donc de recruter un plus grand nombre de licenciés, notamment des jeunes : l'âge médian du basketteur français est de 14 ans.

Handball féminin, un moteur dans le Finistère

Le handball, sixième sport collectif en France, se démarque des autres sports collectifs par son taux de féminisation de 35 %, largement supérieur aux 5 % observés dans le rugby ou le football.

Porté par le Brest Bretagne Handball dans le Finistère, le handball féminin s’y porte bien. Le département présente l’un des plus forts taux de licenciés et témoigne de la notoriété du club qui s’est distingué par les performances de ses joueuses, notamment en 2008, où le club accède à la Division 1. En 2012, l'équipe a décroché son premier titre majeur, en remportant la Coupe de la Ligue face à Mios-Biganos et devient, par ailleurs, championne de France contre Issy Paris.

Pour des raisons financières, le club est relayé en division 2 en 2012, mais sa notoriété reste intacte. Le retour au sein du club de Cléopatre Darleux, gardienne de l'équipe de France, devrait conforter le rayonnement du handball féminin dans le département.

Par ailleurs, le Brest Arena, salle de spectacles sportifs et événementiels, accueillera le championnat du monde de handball masculin en 2017 et le championnat d'Europe de Handball féminin en 2018.

Le football omniprésent

Le football est le sport numéro 1 en France, avec plus de deux millions de licenciés en 2015, très loin devant ses concurrents. Sport majoritaire dans la grande majorité des communes, la pratique du football se retrouve sur la presque totalité du territoire français : en 2013, 93,7% des communes possédaient au moins un licencié de football, selon une étude réalisée en 2012 par la Fondation du football et la Ligue du football amateur.



Ce sport est peu onéreux pour les pratiquants. La licence est de 60 euros en moyenne en 2012, mais elle est la seule somme à débourser, les compétitions et tournois n'étant pas payants. De plus, peu d'équipements sont nécessaires pour y jouer. Le football reste ainsi accessible à tous ceux qui souhaiteraient le pratiquer.

Le football est aussi un sport peu onéreux pour les municipalités. Construire un terrain de football en herbe et l’entretenir demande peu d'investissement pour une commune, qui possède déjà le foncier. Un investissement moindre, mais un bénéfice certain, car ces équipements sont ensuite utilisés quotidiennement par le club local. Son faible coût et le grand nombre d'équipements permet ainsi au football de s'implanter sur le territoire français.

Un sport populaire

Le football français est marqué par les succès de grands clubs : aujourd'hui le Paris-Saint-Germain, mais aussi ces dernières années l'Olympique de Marseille ou l'Olympique lyonnais. Dans certaines régions, malgré la descente en division inférieure, certains d'entre eux continuent de drainer les foules à chaque rencontre : plus de 26 000 spectateurs étaient présents en septembre 2015 pour le derby alsacien Strasbourg-Colmar au stade de la Meinau, deux clubs en troisième division nationale. Chaque club possède ses joueurs stars, modèles pour les jeunes joueurs : la moitié des licenciés est âgée de moins de 20 ans.

Le ballon rond est présent sur tout le territoire français. Certaines régions possèdent notamment une véritable culture du football, comme l'Alsace, la Moselle, la Bretagne ou le Nord. Accessible et implanté sur le territoire, le football est un sport populaire, souvent au coeur de la vie associative des communes.

Le tennis est conditionné par les revenus, l'équitation par les équipements sportifs, le basket-ball par les clubs et le rugby par la culture locale : le football, lui, regroupe l'ensemble de ces facteurs, qui en font le premier sport français.