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Rentrer dans le moule des marins-pompiers

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À l’école des marins-pompiers de Marseille, instructeurs et moniteurs ont pour mission de transformer les corps des jeunes recrues. Le but : en faire des professionnels d’élite opérationnels sur tout type d’intervention de secours.

Comme chaque matin, à 8 heures pile, c’est la cérémonie du lever des couleurs pour la trentaine d’élèves marins-pompiers de Marseille. Chaque section est au garde-à-vous sur la place d’armes de l’école de la Parette. Ils observent deux élèves hisser le drapeau tricolore. Salut militaire et un “soldats, repos” du gradé clôt la cérémonie. Quelques secondes de relâchement après de longues minutes passées droits comme des i. Les rangers claquent et les soldats se dispersent en courant. Exigence militaire oblige, hors de question de marcher. “Pour préparer à l’urgence des interventions”, explique un formateur.

Le garde-à-vous, “au début, ce n’est pas naturel. On se force, explique Dylan, 24 ans. Au fur et à mesure, c’est quelque chose qu’on ne subit plus du tout.” Thibault, 21 ans, abonde : “À la fin de la formation, ça devient un réflexe d’adopter cette position.”

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Les futurs marins-pompiers de Marseille doivent se tenir en rang avant chaque exercice. Photo Pauline Boutin / Cuej

Un corps d’élite unique en France

À l’école des marins-pompiers de Marseille, la préparation physique et corporelle occupe une place centrale. Chaque jour, les élèves participent à des séances de sport et à des exercices de mise en situation. L’objectif est de transformer les aspirants pour en faire des marins-pompiers capables de braver le feu et de secourir les habitants de la deuxième ville de France. Rattaché à la Marine nationale, le bataillon est un corps d’élite unique en France par sa capacité à intervenir en mer.

Avant de pouvoir intégrer l’école, les jeunes subissent une sélection. Un test combine course à pied, endurance, vitesse et montée en puissance. Les futurs marins-pompiers se doivent d’être de bons nageurs : le temps minimal requis est de 2 minutes 03 sur 100 mètres en nage libre et 2 minutes 37 en brasse. Au gymnase, un minimum de 10 tractions et 60 abdominaux est requis. “Je me suis énormément préparé pour les épreuves sportives, notamment la natation”, raconte Dylan. Le concours permet de recruter des profils déjà endurcis, qui ne seront pas effrayés par la rigueur militaire. “Les élèves arrivent déjà prêts physiquement à la vie de l’école”, observe l’encadrant.

Diversité des missions

“On ne prépare pas des athlètes, c’est bien plus que ça”, explique Yohann, moniteur de sport et marin-pompier depuis dix ans. L’instructeur Julien abonde : “On ne forme pas leur corps pour un unique objectif. C’est pour une carrière et la diversité de missions qui les attend.” Du feu de forêt au sauvetage urbain en passant par le secours routier et le secours à navire, les marins-pompiers peuvent être envoyés sur des terrains d’intervention multiples. “On apprend à mouvoir notre corps dans des situations dangereuses : sur terre et en mer”, commente Thibault.

image2 L’exercice de sauvetage à personne en rappel nécessite une coordination des mouvements. Photo Pauline Boutin / Cuej

Ce matin-là, les jeunes recrues s’exercent à un sauvetage à personne en rappel sur une tour spécialement installée à cette fin. “Plus vite soldats !” Les mots de l’instructeur résonnent. La quinzaine d’élèves s’affaire à porter le matériel antifeu et se dirige vers le lieu de l’exercice. L’un d’eux descend en rappel avec un baudrier, ses camarades le tractent à l’aide de cordes et de mousquetons. Comme dans une chorégraphie, chaque mouvement est calculé, coordonné.

“Il peut arriver que les nerfs lâchent”

La formation est soutenue. Elle se déroule sur onze semaines : cinq jours par semaine de 6h30 à 18 heures. Quelques pauses d’à peine une dizaine de minutes ponctuent la journée et les élèves sont souvent de service le midi. Les cours s’enchaînent. Le moniteur de sport observe parfois “de la fatigue nerveuse et du relâchement moral”. Avec cette cadence militaire, le risque de blessure existe. “Il peut arriver qu’il y ait des tendinites. On met vraiment les élèves en garde sur l’hydratation et le repos”, poursuit-il. En fin de formation, les candidats doivent être prêts pour la vie de caserne avec des gardes de 24 heures. Mais certains ne tiennent pas le coup. “Avec de telles activités physiques, il peut arriver que les nerfs lâchent. Certains rentrent chez eux”, remarque Yannick. Selon l’instructeur : “L’ordre et la rigueur militaire font parfois peur. Ça ne correspond pas à tout le monde.” Entre trois et cinq élèves sur trente abandonnent en cours de formation.

Pauline Boutin