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Filière industrielle méconnue et à la communication léchée, la valorisation économique des restes et carcasses d’animaux constitue une source de matières premières pour d’autres secteurs.

Par Nils Hollenstein

Qu’ont en commun la pâtée pour chats, le biocarburant, les engrais, le savon, les médicaments ou encore la nourriture pour animaux d’élevage ? À première vue pas grand-chose. Pourtant, tous ces produits peuvent être constitués de matières premières issues de l’équarrissage. La collecte et la transformation des carcasses d’animaux morts en élevage, des restes d’abattoirs ou d’ateliers de découpe permettent d’obtenir plusieurs produits commercialisés par les industriels du secteur : graisses, farines et protéines animales mais aussi minerai d’os.

Un passif sanitaire lourd

« Le secteur est extrêmement réglementé », tient à rappeler Sophie Grégoire, directrice de la communication d’Akiolis, un des trois groupes d’équarrissage – avec Saria Secanim et Provalt – qui se partagent le marché. Un discours souvent porté par les acteurs de la filière, très prudents dans leur communication. Dans le monde de l’équarrissage, les scandales sanitaires passés, notamment celui de la vache folle (encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB) à la fin des années 1990, ont laissé des traces. En cause pour la vache folle : l’utilisation de farines contaminées par des restes d’animaux malades dans l’alimentation des cheptels bovins. Signe de la sensibilité du sujet, un changement de terminologie s’est imposé : le secteur parle désormais de Protéines animales transformées (PAT).

« Cette crise a beaucoup fait bouger les choses en termes de sécurité sanitaire  », assure Oriane Boulleveau, secrétaire générale du Syndicat des industries françaises des coproduits animaux (Sifco). « La réglementation sanitaire européenne est quand même la plus contraignante au monde », complète-t-on à Akiolis. Un cadre strict a été posé au niveau européen en 2001 avec l’interdiction totale des farines animales dans l’alimentation des élevages. Mais cette réglementation tend à s’assouplir. Depuis 2013, l’industrie piscicole peut utiliser des farines de volailles et de porcs. Et depuis août 2021, l’Union européenne a de nouveau autorisé leur utilisation pour les porcs et volailles, à condition de respecter le principe de non-cannibalisme, c’est-à-dire de ne pas donner à manger aux animaux des farines issues de leur espèce. Une évolution dont la filière se réjouit, comme le souligne le Sifco dans son rapport d’activités 2021.

Et pour cause : l’alimentation animale constitue un des principaux débouchés des matières transformées par les entreprises adhérentes du syndicat. La valorisation vers l’alimentation pour les animaux de compagnie – petfood dans le jargon – représente la part la plus importante avec 401 000 tonnes en 2021, celle vers les animaux d’élevage pèse 109 000 tonnes.

Une valorisation maximale

Les matières non consommées sur les animaux représentent une part importante de leur poids : près d’un tiers pour les porcs et volailles, la moitié pour les bovins, selon Akiolis. « Ces éléments ne sont pas consommés, soit parce qu’on ne peut pas les manger, soit qu’on ne veut pas les manger pour des raisons culturelles, soit pour des raisons sanitaires », énumère Sophie Grégoire. Os, peau, viscères, abats, sang ou matières animales infectées :  autant de produits qui offrent des perspectives de valorisation pour la filière.

L’industrie de l’équarrissage organise sa production en trois segments distincts, définis par un règlement européen de 2009. Les catégories 1 et 2 concernent les animaux morts en élevage ou les matières animales présentant un risque sanitaire. La catégorie 3, elle, englobe les résidus animaux déclarés sains, souvent des restes d’abattoir et de boucherie. « On parle de sous-produits pour les catégories 1 et 2 et de coproduits pour la catégorie 3 », précise Sophie Grégoire. En cas de doute sur la salubrité d’un reste de carcasse, il doit être déclassé dans la catégorie inférieure. Si elles sont traitées séparément, ces matières passent toutefois par les mêmes processus. Après le broyage, la déshydratation et la stérilisation, la matière animale collectée est pressée pour séparer les deux éléments valorisables : les graisses et les protéines.

Selon leur classement, les matières n’auront pas les mêmes débouchés. En catégorie 1, ils se limitent à la production d’énergie et dans une moindre mesure, de biocarburant, dont les graisses animales constituent 7 % du mélange final. Des perspectives semblables s’ouvrent pour la catégorie 2, mais s’y ajoute la possibilité de valorisation en engrais. En catégorie 3, les débouchés sont les plus variés : alimentation pour animaux de compagnie et d’élevage, cosmétiques, détergents, médicaments, fertilisants ou biocarburant. En parallèle, des résidus sains peuvent être utilisés en alimentation humaine. La gélatine, ingrédient essentiel pour la fabrication de confiseries et de glaces, constitue le principal débouché de ce segment, avec près de 90 % des matières transformées pour l’alimentation humaine en 2021, selon le Sifco.

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