© Paul Le Guen & Juliette Vienot de Vaublanc

Faut-il mener des expériences scientifiques sur des animaux vivants ? Peut-on y renoncer ? Ces questions divisent. Voici quelques éléments pour comprendre les termes du débat.

Par Paul Le Guen & Juliette Vienot de Vaublanc

Le Téléthon a réuni 800 000 téléspectateurs le 2 décembre 2022 sur France 3, malgré la concurrence d’un match de la Coupe du monde de football. Cette année encore, l’émission a permis de sensibiliser le public aux maladies génétiques neuromusculaires et à l’importance de la recherche médicale. À la clé, 78 millions d’euros de promesses de don enregistrées, soit quatre de plus que l’année dernière. La veille, c’est une autre réalité qu’a dénoncée l’association Peta devant les locaux de France TV. Déguisés en faucheuses, les militants manifestaient contre le financement par le Téléthon de tests sur les animaux. Ces expériences sont au cœur de la recherche médicale, présentées comme un mal nécessaire à l’amélioration de la santé humaine. Voici cinq clés pour saisir les enjeux de ce débat mouvementé.

1. Qui sont les animaux de laboratoire ?

2.jpg Les souris sont les animaux les plus utilisés © Juliette Vienot de Vaublanc

En France, 1,6 millions d’animaux ont été utilisés à des fins scientifiques en 2020, selon le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche. Petites, dociles et faciles à héberger, les souris représentent le gros des troupes, avec plus d’un million d’individus soumis à des expériences. Les grands mammifères (chiens, cochons, primates…) ne représentent que 1,6% des cobayes. L’expérimentation sur les gorilles, orangs-outangs et chimpanzés est interdite. Quelle que soit leur espèce, la majorité de ces animaux ne connaissent que la vie au labo. 84% naissent dans des élevages agréés de l’Union européenne, et la plupart sont euthanasiés quand le projet auquel ils sont dévolus se termine. Si le placement des individus à la retraite dans des refuges ou des familles se développe, il reste anecdotique et concerne surtout les primates et les animaux de compagnie.

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Espèces impliquées dans les expérimentations

© Juliette Vienot de Vaublanc

Les insectes ne figurent pas dans les données du ministère. Tout comme les animaux élevés dans des labos sans être sujets d’expérimentation, qui permettent par exemple de créer ou d’entretenir des lignées génétiquement modifiées. D’après la Commission européenne, ces derniers étaient 2,1 millions en 2017 en France.

2. À quelles expérimentations sont-ils soumis ?

Les expériences sont classées selon leur degré de gravité. Sont considérées comme plus « légères » celles n’entraînant qu’une douleur ou une angoisse légère et de courte durée : réaliser une IRM après sédation, isoler les individus de leurs congénères ou les faire jeûner pendant moins d’une journée… Les plus « sévères » sont celles ayant une incidence grave sur le bien-être ou l’état général des cobayes, comme l’induction de tumeurs susceptibles de provoquer la mort, l’exposition à des chocs électriques, ou encore l’isolement pendant une période prolongée.

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Gravité des expériences menées sur les animaux

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3. À quoi servent ces expériences ?

Biologie, oncologie, neurosciences… Les disciplines scientifiques ayant recours aux tests sur les animaux sont nombreuses. Ces expériences sont par exemple utilisées à chaque étape de la recherche médicale : pour comprendre les mécanismes du vivant (recherche fondamentale), trouver de nouveaux moyens de soigner les maladies (recherche appliquée), ou tester des produits et des appareils avant de réaliser des essais cliniques sur les humains (études toxicologiques et réglementaires).

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Célia, contractuelle en animalerie de laboratoire

4. Quel encadrement légal de l’usage des animaux de laboratoire ?

Appliquée en France depuis 2013, la directive européenne de 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques fixe le cadre des expérimentations. Avant de commencer, chaque expérience doit être autorisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, après avoir été validée par un comité d’éthique. Cette instance locale est composée d’au moins un chercheur, un vétérinaire, deux professionnels spécialisés dans l’expérimentation animale, et une personne extérieure à ce domaine et témoignant d’un intérêt pour la protection animale. Son rôle ? Vérifier que les procédures expérimentales proposées sont compatibles avec les principes éthiques qui guident l’utilisation de l’animal à des fins scientifiques. Ces préceptes sont réunis sous l’expression de « règle des 3R » : remplacer, réduire et raffiner. La loi interdit d’expérimenter sur des animaux vivants si d’autres méthodes permettent de parvenir aux mêmes résultats. Le chercheur à l’initiative du projet doit également prouver qu’il diminue au maximum le nombre d’individus utilisés. Enfin, le raffinement consiste à optimiser les protocoles expérimentaux pour soulager ou supprimer la douleur, grâce à l’administration d’antalgiques et la définition de seuils de souffrance à partir desquels l’animal doit être euthanasié. Les employés responsables du bien-être animal au sein des établissements prolongent le travail du comité d’éthique, en surveillant l’état des individus du début à la fin de l’expérimentation. La Direction départementale des services vétérinaires inspecte aussi régulièrement les animaleries de laboratoire. Ces contrôles ont lieu en moyenne tous les trois ans, sauf pour les installations hébergeant des chats, chiens ou primates, visitées chaque année. Pour les associations de protection des animaux, cet encadrement est insuffisant, voire déficient, car les comités d’éthiques sont composés en majorité de professionnels impliqués dans des expériences menées sur les animaux. Elles suggèrent d’y intégrer plus de membres extérieurs au secteur. Autre revendication des militants : ne plus prévenir les laboratoires avant les contrôles des inspecteurs de la Direction départementale des services vétérinaires, pour qu’ils n’aient pas la possibilité de les anticiper.

Appliquée en France depuis 2013, la directive européenne de 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques fixe le cadre des expérimentations. Avant de commencer, chaque expérience doit être autorisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, après avoir été validée par un comité d’éthique. Cette instance locale est composée d’au moins un chercheur, un vétérinaire, deux professionnels spécialisés dans l’expérimentation animale, et une personne extérieure à ce domaine et témoignant d’un intérêt pour la protection animale. Son rôle ? Vérifier que les procédures expérimentales proposées sont compatibles avec les principes éthiques qui guident l’utilisation de l’animal à des fins scientifiques. Ces préceptes sont réunis sous l’expression de « règle des 3R » : remplacer, réduire et raffiner. La loi interdit d’expérimenter sur des animaux vivants si d’autres méthodes permettent de parvenir aux mêmes résultats. Le chercheur à l’initiative du projet doit également prouver qu’il diminue au maximum le nombre d’individus utilisés. Enfin, le raffinement consiste à optimiser les protocoles expérimentaux pour soulager ou supprimer la douleur, grâce à l’administration d’antalgiques et la définition de seuils de souffrance à partir desquels l’animal doit être euthanasié. Les employés responsables du bien-être animal au sein des établissements prolongent le travail du comité d’éthique, en surveillant l’état des individus du début à la fin de l’expérimentation. La Direction départementale des services vétérinaires inspecte aussi régulièrement les animaleries de laboratoire. Ces contrôles ont lieu en moyenne tous les trois ans, sauf pour les installations hébergeant des chats, chiens ou primates, visitées chaque année. Pour les associations de protection des animaux, cet encadrement est insuffisant, voire déficient, car les comités d’éthiques sont composés en majorité de professionnels impliqués dans des expériences menées sur les animaux. Elles suggèrent d’y intégrer plus de membres extérieurs au secteur. Autre revendication des militants : ne plus prévenir les laboratoires avant les contrôles des inspecteurs de la Direction départementale des services vétérinaires, pour qu’ils n’aient pas la possibilité de les anticiper.

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Odile Petit, éthologue spécialiste des primates

5. Peut-on se passer des animaux de laboratoire ?

La directive européenne de 2010 se présente comme une étape « vers le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique ». Pour les associations de protection animale, les méthodes alternatives sont déjà suffisamment développées pour supplanter les tests sur des cobayes vivants. Le secteur des cosmétiques a dû franchir le pas en 2009 dans l’Union européenne. Les lapins vivants ont par exemple été remplacés par des yeux de bœufs ou de poulets récupérés dans des abattoirs pour les tests oculaires préalables à la mise sur le marché des produits. Dans le monde de la recherche, la question divise. Comparant 221 expériences menées sur plusieurs milliers d’animaux, une méta-analyse publiée en 2007 avance que seules la moitié ces expérimentations avaient prédit de façon fiable les effets des traitements chez les humains. Un chiffre régulièrement mobilisé par les scientifiques de l’association Antidotes Europe pour demander l’arrêt des tests sur les animaux. De son côté, le Gircor prône une complémentarité entre les différentes méthodes de recherche. Pour ce groupement d’établissements scientifiques (CNRS, Inserm…) et d’industries pharmaceutiques (Sanofi, Bayer Cropscience…) ayant recours à l’expérimentation animale, les techniques alternatives ne sont pas assez développées pour être utilisées seules. Le Gircor considère par exemple que les organoïdes sont une piste prometteuse. Néanmoins, ces reproductions miniatures d’organes composées de cellules animales ou humaines en culture n’expriment pas toutes les interactions d’un organisme entier. D’où l’intérêt, selon ce groupement, de continuer à utiliser des animaux vivants.

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Audrey Jougla, directrice association Animal Testing

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