Sur les réseaux sociaux, les photos et vidéos d’animaux de compagnie sont toujours aussi populaires. Et pour faire du clic, certains influenceurs n’hésitent pas à mettre en scène leurs fidèles compagnons. Avoir la côte sur ces plateformes peut, en effet, s’avérer être très lucratif. Les animaux sont mis à contribution pour faire du buzz. Mais leur présence sur internet peut-elle nuire à leur bien-être ? Jasmine Chevallier, vétérinaire comportementaliste, nous répond.
Le bien-être animal repose sur cinq libertés fondamentales : l’absence de malnutrition, de peur et de détresse, de stress physique, de douleur ou maladie et la liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de vidéos les bafouent. Des influenceurs déguisent leurs animaux, les habillent. Ce qui peut être cause d’un mal-être pour eux.
Les animaux n’apprécient donc pas ces mises en scène ?
Les animaux sont contents quand leur maître montre de la satisfaction en leur disant « Oui ! C’est très bien ! » et quand ça ne leur demande pas trop d’efforts. Cela apporte un bénéfice dans la relation. Ils peuvent très bien associer l’appareil photo, les lumières, à un moment d’échange positif avec leur maître. Mais ça ne va pas plus loin. Ils n’ont que faire d’être stars des réseaux sociaux. Croire que ça leur fait plaisir, c’est leur attribuer une réaction humaine. Les animaux n’ont pas de problème narcissique.
Pourquoi les habiller nuit-il à leur bien-être ?
Être enturbanné dans des vêtements, c’est loin de la spontanéité d’un animal. Les habits peuvent entraver ses besoins fondamentaux. Les déguisements peuvent empêcher son repos, gêner sa respiration, ses déplacements et même provoquer des douleurs s’ils sont trop serrés. Ça peut l’empêcher de faire ses besoins car le vêtement recouvre son sexe et qu’il n’a pas le droit d’uriner tant que la séance photos ou vidéos n’est pas terminée.
Dans une vidéo, comment reconnaître un animal qui ne se sent pas bien ?
Globalement le grand public ne sait pas lire les signaux physiques qu’envoie un animal pour exprimer ses émotions. Quand un animal a peur, il s’inhibe, il fuit, ou se bat. Les gens prennent conscience du mal-être d’un animal lorsqu’il s’enfuit ou agresse. Par contre, s’il est totalement figé, le public peut ne pas se rendre compte qu’il n’est pas bien. Les gens trouvent ça marrant. Un chat déguisé en abeille et qu’on voit tomber sur le côté, ça montre que l’animal est complètement inhibé, et qu’il n’est en fait, vraiment pas bien.
Pour apparaître beaux et propres sur les réseaux sociaux, les animaux reçoivent beaucoup de soins, est-ce que ça leur plaît ?
Les gens pensent souvent que le bonheur pour un animal, c’est ce qui leur plairait à eux. Mais le bonheur d’un chien par exemple, c’est d’abord de faire des trucs de chiens. Qu’il aille chez le toiletteur, se fasse curer les ongles, manucurer, prenne un bain chaud ou se fasse masser, ce n’est pas forcément un problème en soi. Encore faut-il veiller, ici aussi, à ses réactions. Chaque animal a sa capacité de tolérance. Le plaisir que cela lui procure, c’est à lui de le dire et pas au maître de le décréter. Pas question d’interdire à un chien fraîchement manucuré de sortir jouer dans la boue. L’animal peut avoir des plaisirs qu’on ne soupçonnait pas, à condition qu’il le manifeste clairement et que ça ne l’empêche pas de remplir des besoins de son espèce.
Bien-être animal et présence des animaux sur les réseaux sociaux s’opposent-ils ?
Non. Il faut distinguer les animaux starisés dans leur vie quotidienne, qui ne sont pas entravés dans l’expression des besoins de leur espèce, des animaux totalement sortis de leurs besoins normaux. Par exemple, si un chien est mis en scène dans l’expression de son comportement de chien, parce qu’il part en voyage avec son propriétaire, va à la plage ou au ski, qu’il court dans tous les sens, c’est génial. Ces vidéos encouragent les maîtres au respect du bien-être des animaux. Malheureusement, c’est souvent moins rentable que les vidéos d’animaux déguisés, considérées comme drôles alors qu’elles nuisent à leur quiétude.