Titre reportage

/ Camille Wong

Ils sont jeunes, ils ont choisi d’être agriculteurs, mais pas pour les mêmes raisons.

« Les exploitations ne se construisent plus en famille »

« Fils de », « multicasquettes » ou « hors-cadre », les jeunes agriculteurs connaissent des parcours divers mais ont en commun leur passion du métier. François Purseigle*, sociologue spécialiste de l’agriculture, dresse le portrait de cette nouvelle génération.

François Purseigle / DR

  • Quel est le profil des agriculteurs aujourd’hui ? Comment a-t-il évolué sur ces dernières années ?
  • Le premier élément réside dans la diminution drastique du nombre d’agriculteurs. Sous peu, on aura seulement 300 000 agriculteurs en France (1,8% de la population active contre 8% en 1980, ndlr). Ils n’ont jamais été aussi minoritaires. Ensuite, le métier s’est diversifié. Désormais, un agriculteur est aussi artisan, commerçant, chef d’entreprise… Enfin, les exploitations ne se construisent plus en famille. Aujourd’hui, un tiers d’entre elles sont gérées par des hommes seuls, tandis que d’autres font appel à des salariés ou à une entreprise de sous-traitance.
  • Quelles sont les conséquences de l’éclatement de ce modèle familial ?
  • Il y a quarante ans, les fils d’agriculteurs suivaient forcément la voie de leurs parents. Maintenant, ils choisissent leur métier : c’est une nouveauté.

    Justine, 25 ans, l’héritière

    Corentin Parbaud et Camille Wong

    Dans tous les cas, fils d’agriculteurs ou pas, l’entrée dans le secteur se fait généralement après une première carrière dans un autre domaine. Les enfants d’agriculteurs ont souvent connu le chômage ou le salariat et s’installent bien plus tard (à 29 ans pour les garçons et à 32 ans pour les filles en moyenne, ndlr) que leurs parents.
  • On compte aussi maintenant 30% d’agriculteurs dits « hors-cadre », c’est-à-dire n’ayant pas hérité de l’exploitation de leurs parents. Ils n’ont jamais été aussi nombreux. Même si dans ces 30%, il y a quand même beaucoup de petit-fils ou de neveux d’agriculteurs. Un bon nombre de ces jeunes se projette dans ce monde agricole avec un regard de citadins. Leurs installations sont souvent des « utopies agricoles », des alternatives aux exploitations traditionnelles, construites autour des circuits courts notamment.

    Kévin, 28 ans, le « hors-cadre »

    Matthieu Le Meur et Corentin Parbaud

  • Comment les jeunes agriculteurs appréhendent-ils leur activité par rapport à leurs aînés ?
  • Globalement, les jeunes sont plus formés que leurs aînés. Ils sont passionnés par l’élevage, les animaux, la génétique… Ils s’identifient davantage à une filière plutôt qu’au métier d’agriculteur.
  • Ils ont conscience que la crise agricole les oblige à revoir leurs ambitions et à garder un pied dans une autre activité. Dans la plupart des jeunes couples, un des conjoints garde un métier à l’extérieur, pendant que l’autre reprend l’exploitation. Avant, il y avait une convergence entre la vie d’exploitation et la vie de famille. Aujourd’hui, les enfants d’agriculteurs n’ont plus envie de mélanger les deux.
  • Luc, 21 ans, le double emploi

    Corentin Parbaud et Camille Wong

  • La PAC répond-elle aux aspirations de cette nouvelle génération d’agriculteurs ?
  • Les agriculteurs qui sont dans les circuits courts, les alternatifs ou ceux qui évoluent dans une petite structure bénéficient peu de la PAC. Ces jeunes en cours d’installation ou déjà installés ont des projets économiques hors du champ de l’agriculture traditionnelle. Ils sont plutôt subventionnés par les Régions et très peu par l’Union européenne. Pour eux, la PAC est à la traîne : elle ne suit pas l’évolution des installations, ni la diversification des profils.

*François Purseigle est professeur des universités à l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse. Il est le co-auteur de L'agriculture en famille : travailler, réinventer, transmettre (EDP Sciences, coll. PROfil, 382 p., 59,99 euros).

Recueilli par Corentin Parbaud

Boutton pour remonter en haut de la page