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Vers un contrôle accru des armes à feu en Europe


15 mars 2017

Les eurodéputés ont adopté mardi 14 mars une directive sur le contrôle des armes à feu au sein de l’Union européenne. Celle-ci vise à préciser les conditions d’acquisition d’armes tout en protégeant les intérêts des propriétaires légitimes.

S’il a donné lieu à de virulentes discussions, le rapport de l’eurodéputée britannique Vicky Ford (PPE, centre-droit) sur la régulation des armes à feu en Europe a été adopté à une large majorité par le Parlement européen mardi 14 mars.

Le rapport Ford prévoit une traçabilité des armes légales, ainsi qu’un système d’échange d’information entre les pays membres. Les identités des nouveaux acheteurs d’armes seront vérifiées pour voir s’ils ne présentent aucun risque criminel. Les armes démilitarisées devront être rendues inutilisables de manière irréversible et déclaré. Enfin, l’achat d’armes sera strictement contrôlé, en particulier celui des armes semi-automatiques - du type de celles utilisées lors des attentats de Paris - qui sont aujourd’hui vendues sans autorisation dans certains pays européens, comme la République tchèque.

Une directive de 1991 réglemente déjà l’acquisition et la détention d’armes à feu dans l’Union européenne. Mais à la suite des attentats de Charlie Hebdo en janvier 2015, la Commission européenne a jugé nécessaire de la réviser.

18 mois de débats nécessaires

Vicky Ford

Les eurodéputés ont profondément modifié la proposition initiale de la Commission. 18 mois de discussions « longues et difficiles » ont été nécessaires pour arriver à un compromis, explique la rapporteure Vicky Ford. Le texte initial prévoyait notamment l’interdiction de la vente d’armes à distance, mais à la suite de plaintes de chasseurs en zone rurale, notamment dans le nord de la Finlande, cette mesure a été retirée.

L’exécutif européen souhaitait également interdire totalement les armes semi-automatiques ; armes encore utilisées par les chasseurs et tireurs sportifs. Devant la forte mobilisation des industriels de l'armement, des concessions ont dû être faites. Les détenteurs d’armes légaux (chasseurs, tireurs sportifs, collectionneurs et musées) pourront ainsi continuer à posséder et acheter des armes, à condition que leur État les y autorise.

Pour l’eurodéputée suédoise Anna Maria Corazza Bildt (PPE, centre-droit), « la proposition de la Commission comprenait trop de restrictions et de réglementations ». Les soutiens au rapport Ford se félicitent d’un texte plus équilibré. « Cette loi assure la sécurité des citoyens, et protège les détenteurs légitimes d’armes à feu », se félicite l'eurodéputé suédoise Bodil Valero (Groupe des Verts/ALE). Selon elle, le rapport Ford reste un texte a minima, pour convenir à tous, qui laisse la possibilité aux Etats de renforcer eux-mêmes leur législation en la matière.

 

Une tentative d’harmonisation de la législation

Même si le rapport a été largement adopté, certains partis le contestent toujours, la Gauche unitaire européenne (GUE) et le groupe Europe des Nations et des Libertés (ENF) en tête. Pour le premier, le Parlement n’est pas allé assez loin et a cédé au groupe d’intérêts des détenteurs d’armes. « On a besoin de mesures plus strictes », martèle l’eurodéputée espagnole Marina Albiol Guzman (GUE/NGL, gauche radicale). Pour le groupe ENF, le texte de Ford se trompe de cible. « Il s’attaque aux mauvaises personnes : aux gens qui respectent la loi et non pas les réels terroristes », s’insurge l’eurodéputée française Mylène Troszczynski (ENF, extrême-droite). Selon elle, il n’y a rien dans cette directive pour lutter contre le terrorisme. « C’est un leurre pour l’objectif visé. Les terroristes ne vont pas acheter leurs armes dans une armurerie. Ce rapport pénalise les honnêtes gens. »

Arme exposée chez un armurier

Nombre de propriétaires d’armes demeurent en désaccord avec le Parlement. « Quand on examine ces mesures, ce sont les détenteurs d’armes légaux qui sont stigmatisés », commente Rodolphe Sanguinetti, président de l’UNPACT (Union nationale des propriétaires d’armes de chasse et de tir). Avec d’autres fédérations de tireurs et de chasseurs de toute l’Europe, l’UNPACT s’est rassemblée au sein de la Firearms United. « Il n’y a pas de coloration politique dans le débat qui nous oppose à l’Union européenne. Nous voulons défendre les propriétaires d’armes à feu face à une machine institutionnelle ». Cette résolution inquiète aussi Jean-Jacques Sipp, propriétaire d’une armurerie à Strasbourg, qui craint que la nouvelle directive diminue son chiffre d’affaire.  

Le rapport Ford n’est qu’une étape dans la régulation des armes en Europe. L’UE assure que sa priorité pour 2018-2021 sera de lutter contre le marché noir des armes à feu.

Texte : Camille Langlade, Romane Viallon

Photos : Camille Langlade, Vickaine Csomporow

 

 

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