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L'Europe veut encourager l'engagement à long terme des actionnaires


15 mars 2017

Le Parlement européen a adopté, mardi 14 mars, une directive sur la gouvernance des entreprises. Elle a pour but d’améliorer la transparence et d’encourager les actionnaires à investir sur le long terme.

En avril 2016, la majorité des actionnaires de Renault votaient contre la rémunération de 7,2 millions d'euros du PDG du groupe, Carlos Ghosn. Une première en France. Le conseil d'administration avait cependant décidé de passer outre ce vote en validant la rémunération. Ce cas de figure ne serait pas arrivé si les mesures prévues par le rapport sur la gouvernance des entreprises adopté mardi 14 mars par le Parlement européen avaient été en vigueur. Le rapport entérine en effet le principe du « say on pay » selon lequel les rémunérations des dirigeants sont directement déterminées par les actionnaires. Ce principe devrait bientôt être généralisé à l’ensemble des entreprises de l’Union européenne ayant au moins 500 salariés et un chiffre d’affaires net de 100 millions d’euros.

Le rapport a également pour but de « promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires ». Il veut imposer une plus grande transparence : chaque année, les entreprises concernées devront ainsi publier certaines informations parmi lesquelles leur chiffre d’affaires, les impôts payés, les subventions reçues et l’étendue de leurs activités, dont leurs filiales, sur le sol européen. Les actionnaires présents depuis plus de deux ans pourront aussi se voir octroyer des droits de votes supplémentaires ou des primes de fidélité.

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Un consensus presque total

Adopté à 646 voix sur 698, le texte porté par l’Italien Sergio Cofferati (S&D, sociaux-démocrates) est parvenu à un large consensus, aucun groupe politique ne s’y étant catégoriquement opposé.

L’eurodéputé français Pascal Durand (Verts/ALE) se dit plutôt satisfait du texte, en particulier sur la transparence des « informations sur les questions sociales et environnementales » et l’intégration des « salariés dans le processus décisionnaire » même s’il y a eu « certains reculs » sur ce point. « Par rapport à la législation française ce n’est pas une avancée majeure », souligne-t-il, le but de ce rapport étant d’harmoniser les pratiques sur le plan européen.

Seule voix discordante durant le débat, Miguel Viegas, eurodéputé portugais (GUE/NGL, gauche radicale), estime que « le rapport identifie le bon problème, mais le prend à l’envers ». Avec d’autres membres de son groupe politique, il aurait souhaité donner un plus grand rôle non pas aux actionnaires, mais aux travailleurs et aux collectivités territoriales. Il a ainsi proposé que les salariés puissent siéger dans les conseils d’administration des entreprises, comme c’est parfois le cas en Allemagne.

De son côté, le syndicat BusinessEurope, principale fédération patronale européenne, a déclaré dans un communiqué de presse qu’il voyait d’un bon oeil « l’arrivée d’un nouveau cadre pour identifier les actionnaires ». Cela créera un « meilleur dialogue entre les entreprises et leurs actionnaires », a souligné l’organisation qui met cependant en garde contre un risque de « surréglementation au niveau national ».

Un compromis qui a ses limites

Comme l’a rappelé la commissaire européenne à la justice Vera Jourova « le chemin a été semé d’embûches » mais « nous sommes parvenus à une mise en oeuvre proportionnée ». Celle-ci s'est cependant faite au prix d’un renoncement important.

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Lancé en 2014 par la Commission européenne, le rapport initial prévoyait en effet la mise en place d'un compte-rendu annuel global des entreprises et de leurs filiales installées à l’étranger, comprenant par exemple le nombre de salariés, le chiffre d’affaires et le montant des impôts payés. Cela devait permettre de rendre publiques les données détaillées des entreprises, pour chaque pays de l’Union européenne. Une mesure jugée « inacceptable », car trop stricte, par Axel Voss, eurodéputé allemand (PPE, centre-droit). Un avis largement partagé au sein des groupes PPE et ECR (conservateurs). Certains Etats membres, comme Malte et les Pays-Bas, dont les règles fiscales sont plus favorables aux entreprises, s’y sont également opposés. Cet aspect a finalement été retiré du texte, mais il a donné lieu à une nouvelle directive qui est en cours d'examen au Parlement.

Si le rapport sur la gouvernance des entreprises a réussi à satisfaire l’ensemble des parties prenantes, d’importantes divisions persistent entre les groupes politiques sur l’avenir du cadre européen dans ce domaine. D’un côté, Sergio Cofferati et Pascal Durand voient ce rapport comme un « premier pas » qu'il va falloir renforcer. De l’autre, les conservateurs et le centre-droit estiment que le texte est suffisant. Continuer dans cette voie pourrait mener à « à des lois qui vont tout réglementer », a affirmé l’eurodéputé allemand Hans-Olaf Henkel (ECR, conservateurs) lors du débat en plénière.

Il reste désormais aux Etats membres à transposer les mesures adoptées par le Parlement dans leur droit national.

Texte : Hugo Laridon, Victor Noiret

Photo : Maxime Bossoney

 Infographie : Vickaine Csomporow

 

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