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Sur les ailes


24 décembre 2007

La délégation française au Parlement européen

Créée en 1951.
Parlement européen, bâtiment Winston Churchill, Allée du Printemps, Strasbourg
Effectif : 6 à 7 personnes en moyenne.

L’administration française a mis longtemps à admettre qu’un eurodéputé puisse exercer de réels pouvoirs. Depuis 2003, elle s’efforce vigoureusement de redresser la barre. Simple organe consultatif au moment de sa création, le Parlement européen a pris du muscle à petits pas, au fur et à mesure de la construction européenne. La création du marché unique constitue un premier seuil. Les eurodéputés, élus au suffrage universel depuis 1979, obtiennent les prémices de véritables pouvoirs législatifs. Surtout, la procédure de co-décision, introduite dans le traité de Maastricht, puis largement étendue par le traité d’Amsterdam, place le Parlement sur un pied d’égalité avec le Conseil en matière législative.
Son pouvoir d’amendement vaut désormais de l’or. Et fait converger vers lui les agents d’influence de tous horizons (représentants des Etats membres, fonctionnaires de la Commission, lobbyistes... ). Trois méthodes sont à la disposition des 732 députés pour proposer leurs amendements. Ils peuvent le faire par le biais de leur groupe politique, à l’occasion du débat du texte en commission ou encore au moment de la séance plénière, à condition de recueillir la signature d’au moins 37 parlementaires. Le choix du rapporteur, privilège de la conférence des présidents, le vote en commission puis le vote en plénière constituent donc des moments du parcours décisifs pour les agents d’influence.
L’enjeu pour la délégation française au Parlement : consolider la position défendue par la France au Conseil. Sur les dossiers qu’elle considère comme les plus sensibles, la délégation doit s’assurer que les amendements déposés, puis les votes, viendront conforter les intérêts nationaux. Pour mener cette mission, elle regroupe des membres de la Représentation permanente, du Secrétariat général des Affaires étrangères et des chargés de mission ministériels. Un trident qui a vu ses effectifs s’accroître depuis 2004, pour répondre notamment à l’afflux des parlementaires des nouveaux Etats membres. Mais l’eurodéputé, fort de ses nouvelles prérogatives, reste encore largement imprévisible. Et difficile à capturer.

Matthieu David

 

Session, mode d'emploi

« Les 732 députés, ou presque, sont à Strasbourg pendant la session. C’est un moment privilégié pour mener des activités d’influence », explique Stéphane Paillé, chargé des relations avec le Parlement européen pour la Représentation permanente (RP). Principale mission de la délégation française au Parlement : consolider la position nationale au Conseil en influant sur les députés européens. La semaine qui précède la plénière, une réunion en visioconférence permet de définir les rôles de chacun à l’avance. Histoire d'optimiser les forces.

Règle de trois

Les fonctionnaires de la RP sont en première ligne. Ils évoluent en contact constant avec les eurodéputés, tant à Bruxelles pour le travail des 20 commissions, qu'à Strasbourg où ils suivent les votes dans les commissions puis en plénière. Deux diplomates chargés des relations avec le Parlement européen, sont systématiquement présents à chaque plénière. Ils sont secondés par un volontaire international et épaulés par les conseillers de secteur, qui effectuent le déplacement à Strasbourg en fonction de l'ordre du jour.
Deuxième composante de la délégation française : les chargés de mission ministériels. Ils viennent de Paris pour suivre les débats en plénière et les travaux de la commission parlementaire qui concernent leur ministère. Ils recueillent des informations auprès des eurodéputés et des lobbyistes qui serviront à établir ou faire évoluer la position du ministère au sein des réunions interministérielles du SGAE. Auprès des eurodéputés, ils soutiennent la position officielle de la France, en coopération avec les autres membres de la délégation.
Le SGAE supervise. Il coordonne les informations glanées par la RP et les ministères pour asseoir une position commune. Il rappelle aussi aux députés français la position nationale sur les enjeux communautaires. Pour cela, le SGAE recourt à l’artillerie lourde en leur transmettant des notes à chaque moment-clé : la nomination du rapporteur, le passage du texte en commission et le vote en plénière. Pour approcher les députés de toutes nationalités, il se contente de la cavalerie légère : des entretiens informels. Enfin, les fonctionnaires du SGAE suivent en direct les votes dont ils s’empressent de faxer les résultats à Paris.

Cibler les plus influents

Les représentants permanents dialoguent avec les parlementaires, mais également avec leurs assistants comme les administrateurs du Parlement et des groupes politiques. « L'important, c'est d'identifier les acteurs les plus influents sur les différents sujets et de constituer des réseaux », confirme un membre de la RP. Les rapporteurs, les contre-rapporteurs, les présidents de commission, les coordinateurs de groupe politique constituent des cibles privilégiés. La RP vise aussi en priorité les eurodéputés français, sans pour autant négliger les parlementaires étrangers les plus importants ou les plus enclins à appuyer les intérêts de la France.
De manière générale, la délégation française n'hésite pas offrir son expertise, voire un soutien logistique à un eurodéputé qui souhaiterait déposer un amendement conforme à la ligne soutenue par le gouvernement. Un échange gagnant-gagnant. « Le dépôt d'amendement, c'est de l'or en barre pour la notoriété d'un parlementaire, explique un fonctionnaire du SGAE. Les députés sont demandeurs d'informations pour briller dans leurs commissions. Et nous, nous devons œuvrer pour que la norme communautaire soit favorable aux intérêts français. »

Des problèmes de communication

Si elles partagent un objectif commun, les trois composantes de la délégation française ne sont pas toujours parfaitement coordonnées. « Nous ne formons pas une entité, déplore un diplomate appartenant la délégation. Il peut y avoir des problèmes de communication entre la RP, le SGAE et les chargés ministériels. Parfois, nous nous marchons sur les pieds. Sur certains dossiers, nous n'allons pas voir tous les députés, sur d’autres, chaque composante va voir tout le monde. » De même, il n’est pas rare que des chargés de mission court-circuitent le SGAE en transmettant directement une proposition d’amendement à un député.
La délégation réalise un travail qui s’apparente à du « lobbying gouvernemental », selon l'un de ses membres. Lobbying noble, car il s'agit de défendre l'intérêt général, à mille mille -officiellement- de tout intérêt privé. Tradition républicaine oblige.

 

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