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Le meneur de jeu


24 décembre 2007

Le Secrétariat général des affaires européennes

A l’angle du boulevard Diderot et du quai de la Rapée, à Paris, se dresse un bâtiment dans le style Art déco, l’antre du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). C’est là que quelque 120 fonctionnaires triés sur le volet, répartis sur sept étages dans une vingtaine de secteurs, préparent la position de l'exécutif français au Conseil de l’Union européenne. 80 personnes les assistent. Tout échange avec Bruxelles doit passer entre leurs mains, hormis la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), gérée par le Quai d’Orsay. Au sixième, le bureau de la Secrétaire générale, Pascale Andréani, n’est pas souvent occupé. Sa fonction de conseiller aux affaires européennes auprès de Dominique de Villepin la retient à Matignon une grande partie de la semaine. C’est ce qui donne une légitimité politique au travail du SGAE, un service administratif rattaché au Premier ministre. Trois secrétaires généraux adjoints, Nicolas Quillet, Serge Guillon et Raymond Cointe, les « SGA » comme on les surnomme dans les bureaux, font tourner la maison au quotidien.

Des réunions par visioconférence

Sous leur autorité, les chefs de secteur et leurs adjoints coordonnent et hiérarchisent les positions des ministères, pour que le gouvernement français parle d’une seule voix tout au long des négociations avec ses partenaires européens sur les propositions de la Commission. Deux principes les guident : exhaustivité — formuler une position dans tous les domaines — et anticipation — réfléchir le plus tôt possible sur les sujets à venir. Pour remplir cette mission sur les sujets consensuels il peut suffire de quelques courriels. Mais l’instrument de prédilection, ce sont les réunions interministérielles. Ils en ont organisé 1113 dans les dix premiers mois de cette année. Elles se tiennent dans l’une des salles équipées pour des visioconférences, la grande au 1er étage avec deux écrans, ou la petite au 4e. Grâce à cet outil, la Représentation permanente, chargée à Bruxelles de négocier en appliquant les instructions du SGAE, a assisté à 539 réunions interministérielles. 95% des arbitrages se concluent ici. Si l’accord n’est pas trouvé à ce niveau, notamment pour les sujets politiquement sensibles, le cabinet du Premier ministre tranche, après une nouvelle réunion, à Matignon. Parallèlement, le secteur Parlement, après tri du Conseil d’Etat, et par l'intermédiaire du Secrétariat général du gouvernement, transmet pour avis à l’Assemblée nationale et au Sénat les propositions de la Commission qui relèvent du domaine de la loi. Pour les aider, le SGAE réclame aux ministères des fiches d’impact, qui décrivent les implications potentielles d’un texte européen sur le droit français. Un processus qui ne fonctionne pas aussi bien que les parlementaires le souhaiteraient : d’après le rapport Philip de juillet 2006, sur 34 propositions de directives transmises entre le 1er juillet 2005 et le 1er juin 2006, 23 seulement ont été complétées par une fiche d’impact.

Communiquer pour s'informer

Une fois les directives et règlements européens adoptés, le SGAE veille à leur transposition, et à leur exécution administrative. Un exercice où la France n’excelle pas. Mais depuis quelques mois, le conseiller juridique, Jean-Philippe Mochon, dresse un tableau de suivi des transpositions en droit français, avant chaque Comité interministériel sur l’Europe. La pression politique semble efficace. En décembre, le pays devrait selon le conseiller juridique franchir la barre de 98,5% de directives transposées, l’objectif fixé par la Commission. Toutes ces missions amènent les conseillers du SGAE, les yeux rivés sur leurs écrans et l’oreille collée au téléphone, à beaucoup communiquer entre eux mais aussi avec les directions générales des ministères, les conseillers de la Représentation permanente à Bruxelles, et parfois les délégations de l'Union européenne du parlement français ou même la Cour de justice des communautés européennes. Le fruit de leurs échanges est conservé au deuxième étage, le centre de documentation, où dix-sept personnes répondent aux questions des fonctionnaires. Chaque année, ce centre reçoit 100 000 documents venant du Conseil, de la Commission, des ministères, de la Représentation permanente, etc. Des étagères remplies de dossiers s’emboîtent les unes derrière les autres. Au bout d’une dizaine d’années, ils sont rangés dans des cartons. Direction : les Archives nationales.

Jeanne Cavelier

 

Pascale Andréani, un parcours dans les hautes sphères

Depuis 2002, Pascale Andréani définit à Paris les grandes lignes de la politique européenne de la France. A 51 ans, elle est à la tête du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et conseiller auprès du Premier ministre pour les affaires européennes. Diplômée de Sciences Po et de l’ENA, un DEA de droit communautaire en poche, cette diplomate commence sa carrière en 1982 comme secrétaire des affaires étrangères à New York, à la mission permanente de la France auprès des Nations-Unies. Après quatre ans au service de la coopération économique du ministère des Affaires étrangères, elle devient en 1988 conseiller des affaires étrangères, avant de retourner un an à la direction des affaires économiques. C’est en 1990 qu’elle entre pour la première fois au Secrétariat général du comité interministériel pour la coopération économique européenne (SGCI, ex-SGAE), en tant que secrétaire générale adjointe. Une fonction qu’elle cumule avec le poste de secrétaire générale de la mission interministérielle pour l'Europe centrale et orientale.

Madame Europe de Jacques Chirac

De 1993 à 1997, elle accède à la sphère politique en devenant directeur de cabinet d'Alain Lamassoure, alors ministre délégué aux Affaires européennes puis au Budget, et porte-parole du Gouvernement. Puis elle passe deux ans à l’Elysée comme chargée des affaires européennes de Jacques Chirac. Durant l’année1999, Pascale Andréani devient ministre-conseiller à l'ambassade de France en Grande-Bretagne. Enfin, entre 2000 et 2002, avant sa nomination au SGCI, elle occupe au ministère des Affaires étrangères le poste de directeur de la coopération européenne. Au nom de Dominique de Villepin, c’est elle qui, entre 2002 et 2004, représente le gouvernement français à la Convention puis à la Conférence intergouvernementale préparant une constitution pour l’Europe. Après 25 ans d’un parcours sans faute, elle pourrait prétendre aux postes les plus convoités du ministère des Affaires étrangères : une ambassade de premier plan, par exemple.

 

Une journée à créer du compromis

Jeudi matin, Sandrine Gaudin reçoit comme d’habitude la revue de presse du centre d’information du Secrétariat général des affaires européennes, composée d’articles sur l’Union européenne (UE) et plus particulièrement sur la politique commerciale, son domaine. 9h30. Rendez-vous à la salle de réunion du 1er étage. Ses partenaires habituels sont là : des représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Economie et des Finances, des Affaires étrangères. Et la Représentation permanente (RP), visible sur un écran depuis Bruxelles. Il s’agit de préparer le puissant comité 133, qui veille dans les négociations commerciales à ce que la Commission respecte le mandat donné par les Etats. C’est un représentant du ministère de l'Economie, flanqué d’un conseiller de la Représentation permanente, qui siégera demain à Bruxelles. La France veut faire entendre sa voix sur deux sujets : le dumping chinois et les discussions difficiles avec l’Inde et les Etats-Unis concernant le cycle de Doha à l’OMC. En une heure, les ministères tombent d’accord sur les amendements qui seront défendus par la délégation française au comité 133. A l’issue de la réunion, le projet d’instructions pour la négociation est rédigé, les amendements mis en annexe. En principe, ceux-ci sont présentés oralement, mais une version écrite sera donnée à la présidence finlandaise, pour lui faciliter le travail. Sandrine Gaudin envoie le tout par courriel aux ministères. Après une réunion de service, présidée à 11h30 par la Secrétaire générale Pascale Andréani, Sandrine Gaudin déjeune avec la conseillère juridique de l’ambassade de Suisse. Pour discuter des accords entre l’UE et son pays, et dissiper un malentendu : au même titre que ceux de l’UE, les ressortissants suisses ont accès à tous les concours de la fonction publique française.

Le blues des petits soucis

L’après-midi est ensuite ponctuée de soucis divers, entre deux dépêches d’agences de presse de son secteur et autres messages. D’abord, s’occuper des problèmes techniques survenus lors de la visioconférence du matin. Elle échange des courriels avec le service informatique, situé au rez-de-chaussée, pour qu’il les règle et qu’il produise un mode d’emploi plus clair. C’est d’autant plus important dans son secteur que les visioconférences se font simultanément avec les conseillers de la Représentation permanente à Bruxelles et avec celle de Genève, auprès de l’OMC. Elle doit aussi s’occuper du départ de l’un de ses adjoints, en janvier. Un coup de téléphone et rendez-vous est pris pour préparer son remplacement. Autre souci : le Parlement français doit être consulté sur une proposition de modification d’un accord entre l’UE et l’Argentine. Sandrine Gaudin souhaiterait que ce processus soit terminé avant le Conseil de lundi. L’Assemblée nationale n’a fait aucune objection, mais le texte n’a toujours pas été examiné par le Sénat, qui l’a inscrit à son ordre du jour de mardi prochain. Un coup de téléphone au secteur Parlements, qui règle le problème: le texte passe finalement demain. Sandrine Gaudin informe la Représentation permanente qu'elle peut rassurer la présidence finlandaise : le texte peut être mis à l’ordre du jour du Conseil. Si jamais le Sénat adopte quand même une résolution, le ministre la prendra en compte et pourra indiquer au Conseil qu’il a une déclaration à faire. Quelques coups de téléphone et courriels plus tard, elle constate qu’en vue de la réunion du comité 133 du lendemain, aucun arbitrage n’est nécessaire, les désaccords entre ministères ne concernent que des détails de formulation. Coordonner la position française a été aujourd’hui une mission aisée. La journée n’est pas terminée, le soir et sa relative tranquillité sont propices au travail sur le fond des sujets.

58 ans de loyaux services

25 juin 1948 : Robert Schuman crée le Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI). Celui-ci doit assurer la coordination entre les administrations pour gérer les fonds du plan Marshall.
3 septembre 1952 : Le comité interministériel fixe la position française au Conseil des ministres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Le SGCI, dont le secrétaire général est issu du ministère des Finances, prépare ses délibérations et veille à leur exécution.
10 juillet 1954 : Pierre Mendès-France, président du Conseil, délègue au ministère des Finances ses attributions pour les affaires et les services relevant du SGCI.
1957 : Le Traité de Rome conduit le SGCI à élaborer les positions de la France sur les questions communautaires et à coordonner les institutions publiques françaises avec les institutions européennes.
1958 : Le général de Gaulle fait du SGCI une administration d’état-major assurant l’interface entre le politique et l’administratif. Il espère ainsi éviter la concentration du pouvoir à Bruxelles.
20 septembre 1977 : Raymond Barre met fin au monopole du ministère des Finances sur le poste de Secrétaire général du SGCI. Ce dernier est désormais nommé par décret du Conseil des ministres.
18 octobre 2005 : Dominique de Villepin rebaptise le SGCI, qui devient le Secrétariat général des affaires européennes. Celui-ci assure le secrétariat du Comité interministériel sur l’Europe, présidé par le Premier ministre.

SGAE
2, boulevard Diderot, Paris 12e
Créé le 25 juin 1948 sous le nom de Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne(SGCI) et rebaptisé Secrétariat général des affaires européennes le 18 octobre 2005.
Effectif : environ 200 fonctionnaires

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