Vous êtes ici

Présidentielles françaises : un effet domino sur l'Europe?


15 mars 2012

 

Plus que jamais, l'Europe semble être au cœur de la campagne présidentielle française. Renégociation du pacte budgétaire pour François Hollande, révision des accords de Schengen au programme de Nicolas Sarkozy : les propositions perturbatrices ne manquent pas. Mais la France a-t-elle assez de poids pour modifier réellement les équilibres de l'Europe ?

« Les euro-députés sont très intéressés par les élections françaises, affirme Liisa Jaakonsaari, députée finlandaise du groupe S&D. La France est l'un des pays les plus importants de l'Union européenne. Mais c'est surtout le tandem qu'elle forme avec l'Allemagne qui pèse dans la balance », ajoute-t-elle.

Pour Mathieu Grosch, député belge du Parti populaire européen (PPE), la machine franco-allemande reste bien le moteur de l'Europe : « L'UE est souvent très lente, reconnaît-il, je trouve qu'il est parfois bon d'accélérer la cadence et le tandem franco-allemand sait le faire ». Les relations franco-allemandes ont récemment pris un autre tour avec la campagne française. Angela Merkel, la chancelière allemande, a refusé de rencontrer le candidat socialiste François Hollande. Elle a apporté officiellement son soutien à Nicolas Sarkozy au même moment. Il a même été question d'un boycott des dirigeants européens conservateurs contre François Hollande. Classique clivage droite/gauche, ou risque de divorce franco-allemand? « Si Hollande était élu, les relations France-Allemagne changeraient forcément : les pays ne seraient plus du même bord politique, admet Christel Schaldemose, député danoise du S&D. Mais je pense que, malgré tout, ils auraient toujours une relation solide. ». La domination du couple semble donc convenir à tous, « même si parfois, Sarkozy et Merkel restent un peu trop figés sur leurs idées sans toujours respecter celles des autres membres », nuance Christel Schaldemose.

L'Europe, valeur d'usage

Les avis sur les façons qu'ont les présidents-candidats de politiser l'Europe à usage électoral sont, sans surprise, plus partagés. Nicolas Sarkozy? « On est tous très déçus par son comportement, déclare Liisa Jaakonsaari. Ses déclarations sur Schengen sont un très mauvais signe : il est de plus en plus populiste et il commence à utiliser le même langage que Marine Le Pen. Son discours est dangereux. »  Christel Schaldemose reproche au président français son insolence : « Ca ne le dérange pas d'utiliser l'Europe juste pour ses élections. Je n'aime pas du tout sa façon de faire, même s'il évoque des problèmes importants, comme celui de l'immigration ». Mathieu Grosch plus porté à l'indulgence, estime néanmoins que « la remise en cause des accords de Schengen ne va pas résoudre les problèmes de migration. L'attitude de Sarkozy est sûrement la bonne pour une campagne présidentielle, mais elle n'est pas bien vue au niveau européen », constate-t-il.

Et François Hollande? « Lui aussi, il utilise l'Europe pour sa campagne, reconnaît Christel Schaldemose, mais j'aime vraiment le fait qu'il parle de croissance pour sortir l'Europe de la crise ». Pour Mathieu Grosch, « L'attitude de Hollande est la même que celle de Sarkozy : elle est parfois exagérée. Ça nous inquiète, car la déception des citoyens nous concerne tous en tant que députés européens. Et les voir proposer de telles mesures aux Français alors qu'elles ne seront pas réalisables, c'est agaçant. »

L' effet domino

Les changements radicaux annoncés par les deux favoris des élections françaises ne seraient donc pas vraiment à prendre au sérieux? « En tout cas, pas dans les termes dits, assure Mathieu Grosch. L'UE, c'est plus rechercher le consensus qu'imposer sa position : c'est du compromis et du dialogue, pas de la musculation ».

Si François Hollande devenait le prochain président de la République française, « les choses ne changeraient pas fondamentalement en Europe, poursuit-il. La gauche européenne n'est pas unitaire, la droite non plus d'ailleurs. Je pense qu'Hollande aurait du mal à faire accepter ses idées à la gauche allemande ou anglaise, par exemple. » Un quiétisme politique que ne partage pas Herbert Reul, lui aussi PPE, mais député allemand : « Si François Hollande est élu et s'il modifie le pacte budgétaire, il va détruire tous les efforts des 27 Etats membres. En outre, les Français ne pourraient sûrement plus compter sur la solidarité des autres en cas de crise économique, d'autant que leur dette est de plus en plus inquiétante ».

Du côté des S&D, forcément, on préfère voir les choses en rose : « Je pense vraiment que si François Hollande est élu, il peut changer l'équilibre de l'Europe, j'en suis presque sûre », confie Christel Schaldemose. Son pays, le Danemark, a basculé à gauche en septembre dernier, sans pour autant modifier les équilibres de l'UE, très majoritairement à droite. « Rares sont les pays aussi influents que la France, reconnaît-elle. Je pense qu'elle est est la seule à pouvoir créer un effet domino et à influencer d'autres pays. Je suis confiante ! »

Mélina Facchin et Stefanie Hintzmann

Imprimer la page