Vous êtes ici

Agriculture : les députés restent sur leur faim


10 mars 2016

Si elle fait la une de l’actualité en France, la crise agricole qui secoue aujourd’hui plusieurs pays d’Europe a eu du mal à faire sa place lors de la session plénière du Parlement européen du mois de mars.

« J’ai été à un salon à Paris la semaine dernière et j’ai été stupéfait de la colère des agriculteurs français. » C’est avec ces mots que Czeslaw Siekierski, PPE (centre-droit), a ouvert une réunion spéciale de la commission parlementaire agriculture dont il est le président. Ce lundi 7 mars, à Strasbourg, le Commissaire à l’agriculture Phil Hogan était invité pour préciser la position de la Commission. Au menu de cette plénière, on trouve seulement deux rendez-vous consacrés à la crise agricole. Cette réunion extraordinaire de la commission parlementaire et une séance de questions ouvertes jeudi à 15h en présence du Commissaire… à l’élargissement et à la politique de voisinage, Johannes Hahn. Si de nombreux eurodéputés se sont déclarés frustrés par la faible place réservée aux questions agricoles, ils se sont tout de même efforcés d'interpeller la Commission sur l'urgence de la situation.

« La boîte à outil reste très limitée »

La crise touche aujourd’hui plusieurs pays d’Europe, mais ce ne sont pas partout les mêmes secteurs qui sont concernés. En France, en Belgique ou en Pologne, ce sont les activités porcines et laitières qui sont les plus touchées, tandis que dans le sud de l’Europe les cultures de fruits et légumes sont au cœur du problème. En cause, une offre supérieure à la demande. « Dès qu’on produit à peine au dessus des volumes qu’on peut consommer, les prix s’effondrent », analyse le député José Bové (Verts). Certains agriculteurs vendent ainsi parfois à perte. La surproduction actuelle s’explique par l’embargo russe sur les matières premières mais aussi par la baisse de l’activité économique chinoise et la diminution de la consommation européenne.

Devant les difficultés des agriculteurs, le Commissaire Hogan s'est montré très mesuré, annonçant qu’il avait encore besoin de concertation avant de proposer des mesures concrètes, et, rappelant que « la boîte à outil reste très limitée ». Il a toutefois lancé quelques pistes, écartant par exemple d’office une augmentation des prix d’intervention (prix d’une denrée sur un marché en dessous duquel les pouvoirs publics interviennent pour relever son cours) estimant que cela aurait pour seule conséquence d’encourager encore la surproduction. Parmi les mesures envisagées, un crédit aux exportations géré par la Banque centrale d’investissement ou encore une augmentation du budget destiné à la promotion des produits agricoles européens dans le monde. Le Commissaire irlandais a aussi affiché sa volonté de rétablir les échanges commerciaux avec la Russie même s’il a rappelé que cela n’entrait pas dans son domaine de compétence.

Minute de silence et proposition diverses

Pas de quoi satisfaire les députés de la commission agriculture, très remontés et alarmistes sur la situation. José Bové a notamment interpelé ses collègues en demandant une minute de silence pour les 600 agriculteurs français qui se sont suicidés en 2015.

S’ils se sont retrouvés sur un constat d'urgence, les eurodéputés ont divergé dans les solutions à apporter à la crise. Certains comme Jan Huitema, AELE (libéraux-démocrates), appelant à « une simplification de la PAC et une meilleure compétitivité par la diminution des couts », d’autres comme Lidia Senra Rodriguez, GUE (gauche radicale), souhaitant à l’inverse « une plus grande régulation des marchés ». La proposition française d’un étiquetage obligatoire de l’origine des produits a quant à elle été reprise par plusieurs élus européens. De même, plusieurs se sont prononcés pour une reconduction de l'aide aux stockages privés (denrées stockées contractuellement pour équilibrer le marché) qui avait déjà été mise en place en janvier. Certains pays comme la France ou la Roumanie n’en avaient alors que peu profité.

La semaine prochaine, le Commissaire Hogan doit annoncer une série de propositions pour répondre à une crise dont il ne semble pas avoir, à l'heure actuelle, pris la pleine mesure.

Alexis Boisselier

Imprimer la page