Vous êtes ici

Questions et réponses sur le budget à long terme de l'UE


11 mars 2013

Le Parlement se prononcera mercredi sur l'accord conclu lors du sommet du 8 février. Cette prise de position n'a pas de conséquences juridiques, mais constitue une étape politique importante. Elle établira un mandat pour des négociations au terme desquelles Strasbourg approuvera ou rejettera le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020.  Etat des lieux .

Qu'est ce que le cadre financier pluriannuel ?

Le cadre financier pluriannuel (CFP) programme et limite les dépenses de l’Union européenne de 2014 à 2020, période où elle comptera au moins 28 Etats membres. Il les répartit en rubriques, affectées chacune d’un plafond, et subdivisées en lignes budgétaires. Il pose ainsi les bases des exercices budgétaires annuels sur ces 7 années.

Un accord politique sur cette programmation a été conclu à l’unanimité entre les 27 chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil Européen des 7 et 8 février. Il reste maintenant à l’inscrire dans le droit communautaire. Formellement cela requiert une décision à l'unanimité du Conseil des ministres, conditionnée par l'approbation préalable du Parlement européen

Pour qu’il entre en vigueur il faut aussi adopter la soixantaine d’actes législatifs sectoriels que requiert sa mise en œuvre.

Quelles sont les principales caractéristiques financières de l'accord politique conclu au sommet ? 

Bien que les masses ne varient que faiblement, le volume des crédits attribués à l'UE est globalement en régression par rapport au CFP 2007-2013. C'est une première dans l'histoire de l'UE. La politique agricole supporte l'essentiel de cet effort, comme en atteste la ventilation entre les rubriques. Les crédits d'engagement correspondent aux obligations de dépenses contractées, les crédits de paiement aux déboursements effectivement mis à disposition. 

 

 

 

 

 

 

en milliards € à  prix 2011

CRÉDITS D'ENGAGEMENT

CFP 2007-2013

CFP 2014-2020

Différence

1. Croissance durable*

446,3

450,8

1%

1A: Compétitivité

91,5

125,7

27%

1B: Cohésion

354,8

325,1

-9%

2. Conservation et gestion des ressources naturelles**

420,7

373,2

-13%

3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice

12,4

15,7

21%

4. L’UE en tant qu'acteur mondial

56,8

58,7

3%

5. Administration

56,5

61,6

8%

6. Compensations***

0,9

0,3

 

Total crédits d'engagement

993,6

960,0

-4%

en % du RNB de l'Union

1,12%

1,00%

-12%

Total crédits de paiement

942,7

908,4

-4%

en % du RNB de l'Union

0,98%

0,95%

-3%

*cette rubrique inclut la politique régionale

 

 

 

**Cette rubrique inclut la politique agricole et l'environnement

 

 

 

*** Cette rubrique est composée de recettes exceptionnelles, et ne peut être prévue a priori

 

 

 

sources: Commission européenne, Conseil de l'Union

     

 

Que peut le Parlement européen sur le CFP ?

Depuis le Traité de Lisbonne, le Parlement Européen a un droit de veto sur le CFP, qui doit être approuvé par la majorité de ses membres. Il a décidé de l’utiliser en détaillant sa position et en réclamant sa prise en compte dans les négociations au sommet. 

Le 8 juin 2011, il a adopté le rapport d’une commission spéciale, la commission SURE. Il a ensuite voté plusieurs résolutions, avant les Conseils européens où le CFP figurait à l'agenda. Ses principales critiques ont porté sur la réduction de l’enveloppe budgétaire.

Dès l’accord obtenu au Conseil Européen, les présidents des quatre principaux groupes parlementaires, le Parti Populaire Européen (PPE), les Socialistes & Démocrates (S&D), l’Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l’Europe (ALDE) et les Verts diffusaient la déclaration suivante : « Cet accord ne renforcera pas la compétitivité de l'économie européenne. Au contraire, il ne fera que l'affaiblir. (...) Le Parlement européen ne peut accepter en l'état l'accord trouvé aujourd'hui au Conseil européen. Nous regrettons que M. Van Rompuy n'ait pas parlé, ni négocié avec nous au cours des derniers mois. C'est maintenant que les véritables négociations vont commencer, avec le Parlement européen. »

Ce front commun d’une majorité politique a été clairement manifesté le 18 février dernier lors de la Conférence des Présidents, en présence d’Herman Van Rompuy et de Jose Manuel Barroso. Il s’exprimera à nouveau mercredi matin, à l’occasion de l’adoption d’une résolution à Strasbourg. 

Quelles conditions met-il à son approbation ?

Le Parlement n’exige pas de toucher à l’enveloppe budgétaire globale convenue par le Conseil européen. Sa majorité converge autour de trois exigences principales :

  • Une renégociation à mi-parcours. Elle interviendrait en 2015 ou 2016, une fois le nouveau Parlement élu, et une nouvelle Commission mise en place. Selon Hannes Swoboda (S&D), « la clause de révision est une condition sine qua non pour que nous entamions des négociations avec la Présidence irlandaise ». C’est aussi une façon d’assurer la légitimité démocratique du CFP. Le 18 février dernier, Joseph Daul (PPE) a déclaré : « si les députés européens n'ont pas le pouvoir de revoir le budget, alors je me demande pourquoi on organise des élections européennes en 2014. »
     
  • L'introduction progressive de véritables ressources propres. Malgré les règles arrêtées par le traité, qui précise que le budget doit être financé intégralement par des «  ressources propres  », 86% des recettes actuelles du CFP proviennent en fait du budget des Etats membres. Ceux-ci cherchent donc à minimiser leur contribution et à maximiser leurs «taux de retours». Ce qui, selon Joseph Daul a fait du dernier Conseil Européen « une réunion de marchands de tapis ».  Le Président du groupe PPE fait en particulier référence aux «mécanisme de correction» qui continuera de s’appliquer pour le Royaume-Uni, un chèque qui s’élevait à 3,6 milliards d'euros en 2011. Il concerne également le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, qui bénéficieraient grâce à cet accord d'une ristourne de leur contribution au budget à hauteur de 130, 650 et 160 millions. Il faut donc trouver un système de ressources réellement propres au budget de l’Union. La taxe sur les transactions financières ne suffira pas. En limitant, à terme, les contributions nationales à 40%, les eurodéputés veulent mettre fin au système des exceptions consenties aux différents Etats membres à l’issue des négociations au sommet. Leur nombre est en effet passé de 31 pour le CFP 2007-2013 à 53 pour 2014-2020.
     
  • Une réelle souplesse budgétaire. Cette flexibilité doit porter sur les rubriques et sur les années. Lorsqu’il reste de l’argent dans une rubrique ou en fin d’exercice, il pourrait être affecté à d’autres rubriques, ou abonder les besoins de l’exercice suivant au lieu de retourner aux Etats membres proportionnellement à leur contribution. Cette exigence est soutenue par le président de la Commission Jose Manuel Barroso. La flexibilité permettrait de surcroît de rétablir l’équilibre entre les crédits d’engagements et les crédits de paiement, afin d’éviter le déficit structurel de certains programmes, comme ce fut le cas d’Erasmus en 2012. Elle vise à éviter un déséquilibre qui, dans le pire des scénarios examinés par les eurodéputés pourrait atteindre 300 milliards d’euros en 2020. 

Ces trois lignes rouges devraient être maintenues. De plus, le Parlement ne donnera pas son accord au CFP tant que la question du budget rectificatif 2013 ne sera pas réglée. En effet, les eurodéputés demandent un avenant de 16 milliards aux Etats membres pour que le budget 2013 soit à l’équilibre, et que les fonds manquants en 2013 ne soient pas prélevés sur le prochain CFP. 

Quelles seraient les conséquences budgétaires d'un refus d’approuver le CFP ?

Le vote formel d’approbation requis du Parlement n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour, et ne le sera pas avant juillet. Le 28 février, Martin Schultz a décrit la situation : « Le Parlement européen refusera la proposition des 27 chefs d'État et de gouvernement, mais ne refusera pas un CFP. Nous voulons négocier nos points principaux ». Le Président de la Commission, Jose Manuel Barroso, a déclaré le même jour : « j’espère que nous parviendrons à un accord pendant la présidence irlandaise. »

Si aucun accord n’est obtenu d’ici fin décembre, le budget 2013 sera reconduit l’année prochaine. Comme Alain Lamassoure, président de la Commission du Budget, l’a déclaré à l’agence Europe : « S'il n'y a pas d'accord d'ici le 31 décembre 2013, ce sont les plafonds de l'année 2013 qui continuent de s'appliquer. Et on peut très bien se mettre d'accord sur les bases juridiques des programmes à poursuivre à compter de 2014 sur la base des plafonds de 2013. » Les montants seraient simplement ajustés de 2%, afin de tenir compte de l’inflation.

Raphaël Czarny      

(photo : © Union Européenne 2013 - Parlement européen )

Imprimer la page