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Nord Stream 2: de l'eau dans le gaz au Parlement européen


11 mai 2016

Lundi 9 mai, le Parlement européen était invité à débattre sur l'incidence de la construction du gazoduc Nord Stream 2 en Europe centrale et orientale. Un projet considéré par certains comme une menace pour la solidarité européenne, ne respectant pas les règles de la concurrence et mettant en péril l'Union énergétique.

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Un Nord Stream 2 après le Nord Stream 1 ? Les 1200 km de tuyaux au fond de la mer Baltique divisent les pays de l'Union européenne. Le projet du gazoduc a été annoncé en septembre par le groupe russe Gazprom. Son but : doubler la capacité du pipeline déjà existant entre la Russie et l'Allemagne en la faisant passer de 55 milliards à 110 milliards de mètres cubes de gaz par an. Aujourd'hui, 40% du gaz allemand vient de Russie. Avec ce projet porté par un consortium international conduit par le géant russe, cette part monterait à 60%. Une initiative qui intervient dans un contexte de tension dans les relations entre l'UE et la Russie, sur fond de crise ukrainienne et de guerre en Syrie.

Le Parlement s'oppose au projet

Lundi soir, les députés européens étaient invités à débattre avec le commissaire à l'énergie et au climat, l'Espagnol Miguel Cañete, sur les incidences du pipeline en Europe centrale et orientale, lors de la session plénière à Strasbourg. Ils se sont, en majorité, opposés au projet. Seule la députée autrichienne Barbara Kappel (ENL, extrême-droite) s'est prononcée en faveur de Nord Stream 2 en rappelant que le groupe gazier autrichien OMV était impliqué dans le consortium, ce qui pourrait créer des emplois dans son pays.

Opposant au projet, le Lituanien Krišjānis Kariņš (PPE, centre-droit) a soulevé les applaudissements de la plupart des députés présents en évoquant le problème de la dépendance des pays européens au gaz russe : « Parlons de drogues. Nous savons qu'il s'agit de quelque chose contre lequel nous devons lutter. Nous sommes dépendants du gaz russe. Avec ce projet, c'est comme si nous proposions deux injections aux drogués ».

Un gazoduc qui divise

La République tchèque, la Hongrie, la Grèce, la Slovaquie, la Roumanie, les Pays Baltes et la Pologne avaient adressé une lettre à la Commission européenne pour que le projet soit mis au menu des discussions du Conseil européen du 18 décembre 2015. Inquiets du monopole russe qui les raye des chemins de transit, ils souhaitent que le projet Nord Stream 2 soit suspendu par l'Union européenne.

En 2014, Bruxelles avait déjà mis fin à un projet comparable, baptisé South Stream, dans le cadre des sanctions visant Moscou lors de la crise ukrainienne.

Un pipeline légal 

Lors du débat, les parlementaires ont également évoqué le non-respect des règles européennes de la concurrence, qui imposent l'ouverture progressive des marchés de l'électricité et du gaz à tous les producteurs. 

Les parlementaires ont par ailleurs critiqué l'impact environnemental du projet en appelant à développer les énergies renouvelables et les sources d'approvisionnement différentes. « Nous devons nous concentrer sur l'énergie solaire et éolienne plutôt que de verser de l'argent dans les poches de Poutine », a déclaré le danois Bendt Bendsten (PPE, centre-droit).

« Ce projet reviendrait à accroître la domination de Gazprom sur le marché du gaz en Europe occidentale », a reconnu le commissaire européen chargé de l’Énergie, Miguel Cañete. Il a assuré qu'il veillerait à ce que dans ce dosser le droit européen soit respecté « dans tous ses aspects » en accord avec les impératifs de l'Union énergétique. Il a également promis aux députés qu'avant de se prononcer sur la légalité du projet, il demanderait des informations complémentaires aux autorités allemandes, qui soutiennent activement le projet.

Tamouna Dadiani

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