07 février 2013
Ils étaient quelques dizaines mercredi soir au cinéma Odyssée, à Strasbourg, pour assister à la projection du documentaire « Arcelor-Mittal, à la vie à la mort ». La soirée s'est déroulée dans un contexte tendu, quelques heures après la manifestation des ouvriers d'Arcelor-Mittal.
A 20 heures pile, les portes de l'Odyssée s'ouvrent et la petite masse de gens, transie par le froid, se dirige vers l'amphithéâtre style-XIXe. Bientôt arrivent Edouard Martin, le très médiatique leader CFDT de l'usine Mittal de Florange, parka orange sur les épaules, et quelques-uns de ses collègues. Ils sont rejoints par des eurodéputés socialistes, parmi lesquels Catherine Trautmann. La soirée débute par une mise au point de l'ancienne maire de Strasbourg qui dit « regretter les violences de la journée ». Elle est sifflée. Des « socialos dehors ! » et des « Valls démission ! » fusent depuis l'assistance. Dans l'après-midi, des heurts ont opposé forces de l'ordre et ouvriers français et belges d'Arcelor-Mittal venus manifester sous les fenêtres du Parlement européen.
Plongée dans le combat des métallurgistes de Florange
Le calme revient lorsque les lumières se tamisent. La projection débute. Pendant 52 minutes, on découvre les sentiments des ouvriers sur leur lutte. La fierté d'abord, pour les 22 ouvriers qui ont participé à la « Marche de l'acier » au printemps dernier, une randonnée de 320 km entre Florange et Paris. L'espoir aussi, lorsqu'ils reçoivent le soutien de François Hollande en février 2012. L'enthousiasme même, au soir de la victoire du candidat socialiste. Le documentaire de Jean-Claude Poirson, lui-même ancien de chez Arcelor-Mittal, s'arrête sur les visages radieux des ouvriers, au soir du 6 mai. Les lampes se rallument sous les applaudissements nourris du public. Amer, Edouard Martin est le premier à réagir : « la dernière image, elle fait mal ».Vient ensuite le tour des politiques. Tous félicitent les « Mittal » pour leur combat. Une partie de l'assistance réagit mal à la prise de parole des élus socialistes. « On n'est pas à un meeting du PS! », s'inquiète un jeune trentenaire, cheveux en bataille, et autocollant du Front de gauche fixé sur la poitrine.
La soirée se termine dans la cohue
L'atmosphère s'électrise à nouveau. Un jeune homme quitte son siège pour se diriger vers Catherine Trautmann.
Pervenche Berès (au centre avec le micro), qui préside la commission emploi et affaires sociales du parlement européen, s'est dit confiante dans l'avenir de l'industrie européenne.
Il tient entre ses mains une cartouche de flashball ramassée au cours de la manifestation de l'après-midi. Avec virulence, il demande des comptes à l'ancienne ministre de la culture qu'il assimile à une représentante du gouvernement. Du balcon du théâtre, les invectives pleuvent. « Paroles, paroles, paroles », entend-on. Les syndicalistes de Florange sont pris à partie. Edouard Martin, dont le combat syndical date de vingt ans, s'énerve. Comme il l'a fait à de nombreuses reprises depuis le début du conflit social, le délégué CFDT fait parler sa gouaille: "les révolutionnaires qui font la révolution par Facebook ou Twitter, il y en a marre!" Dans les dernières rangées, deux hommes sont proches d'en venir aux mains. Ce qui devait être une soirée de sensibilisation à la situation des hauts-fourneaux de Moselle prend fin dans le chahut généralisé. Dure journée pour les gars de Florange.
Texte et photo: BENJAMIN DELOMBRE