16 février 2017
L'Accord économique commercial et global entre le Canada et l’Union européenne a été adopté mercredi 15 février par le Parlement européen. Au sein de l'hémicycle, ce traité a suscité de nombreux débats. Les opposants ne comptent pas baisser les bras.
Qu'est-ce que le CETA ?
L’accord économique commercial et global de libre échange entre le Canada et l’Union européenne (Comprehensive Economic and Trade Agreement) a été signé le 30 octobre 2016 à Bruxelles et adopté par le Parlement européen le 15 février 2017. Négocié depuis 2009, il vise à supprimer 99 % des droits de douane et a pour but de faire converger les normes entre l'Europe et le Canada. Des tribunaux d'arbitrage, créés pour l’occasion, seront chargés de régler les différends entre les investisseurs et les Etats. Cette mesure est l’une des principales sources de crispation : si une norme est promulguée par un Etat et qu’une entreprise s’estime désavantagée économiquement par celle-ci, elle peut poursuivre cet Etat devant un tribunal arbitral.
Autre crainte des opposants, le faible nombre d’appellations d’origines protégées (AOP) garanties par cet accord : le Canada ne reconnaît que 143 appellations européennes sur plus de 1500. Les opposants redoutent que cela ne pénalise les producteurs européens. Ils redoutent notamment d’ouvrir la porte aux multinationales américaines qui sont dotées, pour plus de 80 % d’entre elles, de filiales sur le sol canadien.
Comment se sont passés les débats et les votes au Parlement Européen ?
Dès l'ouverture des débats mercredi 15 février, le rapporteur du traité, Artis Pabriks (PPE, centre-droit) a rappelé aux députés : « L'idée du CETA est née en 2009, nous en avons déjà parlé 18 fois devant ce Parlement ». Malgré ces longues négociations, l'accord n'a pas convaincu tous les députés. Certains groupes y sont toujours fermement opposés : c'est le cas de la gauche radicale, de l'extrême droite et des Verts, certains membres portant, lors des débats et du vote, pancartes et t-shirts contestataires. Des manifestants ont même réussi à s'introduire dans l’hémicycle pour y déployer une banderole “No CETA”.
A droite, les membres du PPE et ALDE ont voté dans leur immense majorité en faveur du CETA. « Avec qui pouvons-nous traiter si ce n’est pas avec le Canada ? » a interrogé Manfred Weber, président du PPE. «Nous ne voulons pas de construction de murs, nous voulons construire des ponts ». Côté français, de nombreux députés du PPE ont préféré s'abstenir (Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Nadine Morano, Angélique Delahaye, Arnaud Danjean).
Les sociaux-démocrates du S&D, deuxième plus grand groupe du Parlement européen, se sont eux ouvertement divisés sur le sujet. Même si la consigne du groupe était de voter en faveur du CETA, plus d'un tiers de ses membres ont voté contre. C'est le cas de Marie Arena (S&D), eurodéputée belge : « Le CETA est ultra-libéral et les investisseurs restent prioritaires sur l’intérêt général. Et nous devons voter non, pas parce que nous sommes protectionnistes mais parce que nous voulons un développement durable et social.»
L'accord a toutefois été approuvé par 408 voix, 253 voix contre, 33 abstentions. Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, s’est rendu le lendemain à Strasbourg pour saluer ce résultat. Mais son discours devant les eurodéputés a été boycotté par une partie des opposants.
Le vote du Parlement signifie-t-il l’entrée en vigueur du CETA ?
700 manifestants s'étaient déplacés mercredi matin pour interpeller les eurodéputés. « Allez-y ! Piétinez la démocratie ! » ont crié ceux qui, allongés en chaînes humaines devant les grilles du Parlement, contraignaient les députés à les enjamber. La contestation du traité ne devrait pas s'éteindre avec le vote du Parlement européen.
Un espoir subsiste pour les opposants : les 38 parlements nationaux ou régionaux doivent à leur tour ratifier le traité. C’est pourquoi Samuel Leré, chargé de projet climat-énergie à la fondation Hulot, opposé au CETA, a désormais dans sa ligne de mire les députés français : « Nous discutons avec eux, nous leur procurons des analyses pour tenter de les convaincre avant le vote au parlement national ». Par ailleurs, certains États comme l’Autriche et les Pays-Bas envisagent la possibilité d’un référendum. Et en Belgique, la Wallonie fait encore planer la menace d'une saisie de la Cour de Justice de l'Union Européenne. Les élections à venir en 2017 dans plusieurs pays dont la France et l’Allemagne peuvent aussi changer la donne. En France, Emmanuel Macron est actuellemenrt le seul candidat ouvertement en faveur du CETA.
En attendant, le traité va s’appliquer dans sa forme provisoire à partir du 15 avril. Cependant, une partie du texte, celle concernant les tribunaux d’arbitrages, ne pourra entrer en vigueur qu’après la ratification définitive du CETA par les parlements régionaux et nationaux.
Texte : Diane Sprimont et Julie Paquet
Photo : Diane Sprimont