03 février 2016
Le président de la Banque centrale européenne était lundi soir devant les députés européens pour entendre leurs réactions au rapport d’activité de son institution pour l’année 2014. Une mise en scène d’un semblant de contrôle parlementaire pour une assemblée qui ne dispose pas de véritables moyens pour influer sur les orientations de Francfort.
Il assène, il mitraille Mario Draghi de ses assauts verbaux. L’eurodéputé grec Notis Marias, affilié au groupe conservateur anti-férédaliste ECR, tient ce lundi soir son moment de gloire et il semble même en oublier de respirer. Comme s’il voulait faire tenir dans les cinq minutes de son temps imparti tous les reproches que son peuple acculé par les créanciers tient à faire à la Troïka.
En confiant le poste de rapporteur sur les activités 2014 de la Banque centrale européenne (BCE) au seul Grec de leur groupe, les eurodéputés ECR ont bien calculé leur effet. Et ont donné l’illusion par quelques joutes verbales à sens unique que le Parlement européen pouvait faire la leçon à la BCE…
Peine perdue à double-titre. Tout d’abord, Notis Marias a dû se résoudre à remettre un rapport bien plus conciliant pour la BCE que ce qu’il envisageait, le contenu de celui-ci ayant été fortement édulcoré par les amendements des députés PPE (centre-droit), ALDE (libéral) et S&D (social-démocrate) largement majoritaires au sein de la commission des affaires économiques et monétaires du parlement européen (ECON). Le député belge Gerolf Annemans, membre du groupe d'extrême-droite ENF coprésidé par Marine Le Pen, les a accusé d’avoir « émasculé le rapport » tandis que Notis Marias est ressorti furieux de l’hémicycle. Au point d’envisager de désavouer son rapport lorsqu’il sera soumis au vote lors de la session plénière de mars.
Ensuite, le Parlement européen fait plutôt office de frêle esquif face au paquebot de Francfort. Deux acteurs structurellement inégaux qui pour l’entourage de l’eurodéputée écologiste Eva Joly (Verts) jouent un numéro d’acteur. Celui du grec énervé, englué dans un Parlement lent et en quête permanente de consensus, face au représentant serein et décidé de Francfort qui au fur et à mesure de la crise a pris des responsabilités de superviseur de l’économie européenne et tente de réveiller une activité atone à coup de 60 milliards d’euros mensuels.
Un contrôle démocratique possible mais très limité
« L’audition de Draghi par le Parlement européen, c’est un tampon qui permet de manière régulière aux eurodéputés de penser qu’ils ne sont pas oubliés par la banque et de se donner l’illusion qu’ils ont leur mot à dire. » explique-t-on encore du côté d’Eva Joly, très critique envers le manque de régulation démocratique de la BCE.
Pourtant, le président de la BCE se présente chaque année pour son audition devant la plénière du Parlement européen. Il se prête qui plus est de bonne grâce à un dialogue monétaire trimestriel avec les membres de la commission des affaires économiques et monétaires aux cours desquels il présente les dernières orientations de la BCE. Des dispositions prévues par les traités mais n’ayant pas de caractère obligatoire. Une attention que semble apprécier l’entourage de l’eurodéputée ALDE Sylvie Goulard qui, en tant que membre de la commission ECON, est régulièrement invitée à Francfort pour rencontrer les membres du directoire de la BCE. « Le contrôle démocratique de la BCE s’opère aussi par un avis consultatif quant au choix des membres du directoire de la BCE. On peut également adresser des questions écrites à la Banque auxquelles le président est tenu de répondre » poursuit-elle.
Des moyens de contrôle considérés comme futiles chez Eva Joly où l’on explique que « le pouvoir et l’influence sont une affaire de rythme. » Et de faire mine de s’interroger : « Que peuvent une réunion trimestrielle et des questions écrites face à des décisions prises dans des situation d’urgence par l’homme le plus puissant d’Europe, le pendant masculin de Merkel ?».
Entre la BCE et le Parlement européen, un dialogue de sourds ? / AFP / PATRICK HERTZOG
Arnaud RICHARD