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L'avenir en pointillés du traité Acta


16 février 2012

 

Depuis quelques jours, l'avenir du traité international Acta (Anti-conterfeiting Trade Agreement) s'assombrit. Les rejets qui s'expriment en Europe troublent les eurodéputés. Au Parlement, conservateurs et libéraux hésitent, tandis que la gauche réitère son opposition. Les Verts évoquent une saisine la Cour de justice de l'Union européenne.

 

Manifestations, reculades des États signataires, prises de positions négatives des eurodéputés, le traité anti-contrefaçon Acta connaît des heures difficiles. Après s'être prononcé en faveur du projet, le Parti Populaire européen (PPE), le groupe le plus important du Parlement, a préfèré mercredi surseoir à une prise de position. « Aujourd'hui, l'ensemble des députés du groupe se posent la question », observe un proche de l'eurodéputée Marielle Gallo, fer de lance du soutien au traité. Surtout, « les Polonais veulent être rassurés », eux qui ont vécu la contestation populaire la plus forte du continent.

 

 

 

Le traité anti-contrefaçon Acta fait bouger les lignes entre groupes parlementaires. Ici, Guy Verhofstadt (de face) en discussion avec Joseph Daul (à gauche) Crédit photo: François Chevré

 

 

Lundi, entre deux réunions de groupe, Joseph Daul, son président, ne voyait personnellement plus d'avenir à ce traité : « Acta c'est fini […] Il n'y aura plus d'Acta », avait-il déclaré à Cuej.info. Le lendemain, un communiqué de presse du PPE pondérait ce propos en citant l'eurodéputé alsacien : « La protection de la propriété intellectuelle est essentielle pour les industries exportatrices de l'UE, qui dépendent de l'innovation. Nous saluons donc l'objectif d'ACTA, qui permet à l'Europe de lutter contre la contrefaçon de marchandises .»

Hier également favorables à la ratification d'Acta, les Conservateurs et Réformistes (ECR) ne le soutiennent plus qu'« avec précaution, nous sommes attentifs aux arguments qui pourraient nous faire changer d'avis », admet James Holtum, leur porte-parole.

 

Vers la saisine de la CJUE ?

 

Les Démocrates et Libéraux (ALDE), de leur côté, amorcent une volte-face. Leur patron, Guy Verhofstadt, a exprimé ses « doutes sur la réelle efficacité d'un accord "fourre-tout". »

 

Jusque-là prudents, les socialistes sont désormais d'accord pour dire « non » au texte « en l'état ». Selon une source familière du groupe, « aujourd'hui, 90% de nos députés voteront contre. » Seuls quelques membres de la commission du Commerce International, chargée de rapporter sur le traité, resteraient à convaincre.

 

Quant aux Verts, opposants de longue date, ils affirment vouloir saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE). Selon eux, l'accord porte atteinte aux libertés individuelles défendues par la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l'homme. Un point qui interroge également les Démocrates et Libéraux : « un renvoi de l'accord ACTA devant la Cour de justice pourrait être utile afin d'élucider ces questions », explique un proche de ce groupe.

 

Si les services juridiques du Parlement et de la Commission ont émis des avis  favorables au traité, la Cour de justice a montré par deux fois son opposition au contrôle disproportionné de l'Internet. Elle a ainsi refusé, le 24 novembre 2011 et ce  jeudi 16 février, l'imposition d'un filtrage généralisé de la Toile en Belgique pour empêcher l'échange de données soumises à droits d'auteur.

 

« En tout état de cause, le texte doit être soumis au vote du Parlement », déjà saisi pour approbation et qui ne peut se dérober à son obligation d'agir, souligne un fonctionnaire de la commission juridique. Néanmoins l'idée d'un enterrement discret fait son chemin : « En pratique, il peut être mis à l'ordre du jour mais il n'y a plus d'intérêt. La Chine n'y est même pas favorable ! », estime un familier des négociations politiques. Guy Verhofstadt lui même s'étonnait d'un texte « qui, de surcroît, n'inclut pas les pays qui sont la principale source de produits contrefaits ».

 

Si Strasbourg refuse son approbation, les pays signataires d'Acta pourront néanmoins choisir de le ratifier pour leur part et de l'appliquer entre eux.

 

François Chevré, Vincent Di Grande, Emmanuel Daeschler

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