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L'aide alimentaire sauvée jusqu'en 2014, et après ?


15 février 2012

Ouf de soulagement dans l'hémicycle. Les eurodéputés ont approuvé mercredi à Strasbourg un compromis sur la distribution alimentaire aux plus démunis de l'Union. Jusqu'en 2014, des fonds de 500 millions d'euros seront fournis pour aider 18 millions de personnes, via les associations caritatives. Mais l'avenir de la solidarité alimentaire reste flou après cette date.

"On parle […] de centaines de milliards pour les banques impunément et on va rechigner pour 500 millions d’euros pour les plus pauvres" a dénoncé lors du débat mardi en plenière du Parlement l’eurodéputé belge Marc Tarabella (S&D). Plusieurs orateurs ont souligné le paradoxe entre les grands plans de sauvetage de banques accordés ces dernières années et les deux ans de blocage qu'a subi le maintien du Programme européen de distribution des denrées alimentaires (PEAD).

Mercredi enfin, dans une procédure d’approbation sans vote car sans amendement, l’ensemble des députés a validé un compromis avec le Conseil pour que soit préservée une aide alimentaire dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC). Ainsi était levée l'opposition depuis 2009 de six pays européens, l'Allemagne en tête, au versement du budget 2012-2013 du PEAD. Voir encadré. 

Pour y parvenir, il a fallu plafonner les dépenses à 500 millions d’euros et prévoir le "démantèlement progressif" du programme après l’exercice de 2013. Car Czeslaw Siekierski, l'eurodéputé PPE en charge du dossier, l'avait indiqué : "le parlement ne dispose pas vraiment d'une marge de manoeuvre" face au Conseil.

PAC ou FSE ?

L'Allemagne a finalement n'accepté la poursuite du programme qu'en échange d'une déclaration conjointe avec la France précisant que l'exercice 2012-2013 n'était qu'une "période transitoire" vers la fin du programme sous sa forme actuelle. Les banques alimentaires et les ONG européennes, elles, se mettent déjà en quête de nouvelles formes de financement.

Et après ? En attendant que la Commission précise sa vision future du programme qui "viendra en temps voulu" assure Czeslaw Siekierski, trois visions vont s’affronter. Il y a celle qui, comme l’explique l’eurodéputée Christa Klass (PPE), estime le moment venu de tourner la page, invoquant un principe de subsidiarité bafoué. "C’est peut être aux Etats de s’occuper de l’alimentation élémentaire de leurs citoyens", a-t-elle affirmé devant le Parlement.  Moins radicaux, d’autres pensent que la solidarité est ancrée dans la fondation européenne et ne peuvent concevoir que le programme disparaisse. Mais quelle forme prendra-t-il alors ? Il y a des partisans du statu quo qui souhaitent conserver la base juridique de la PAC. D'autres préfèreraient que la commission des affaires sociales trouve un autre cadre ou s'appuie sur le Fonds social européen (FSE) pour prendre en charge l’aide alimentaire. Elle semble davantage liée aux questions sociales, remarque l’eurodéputé italien Salvatore Caronna (S&D). Et son collègue hongrois Csaba Tabajdi (S&D) de conclure : "Qu’est -ce que ça peut faire [aux démunis] que l’argent viennent de la politique agricole ou que ça vienne de la politique sociale ? Ce qui les intéresse, c’est de manger."

Anna Cuxac

Le PEAD dans l'impasse

A l’origine, le PEAD puisait dans les stocks d’intervention agricoles pour distribuer des aliments de base à des ONG européennes. La surproduction se voyait donc utilisée en faveur des personnes les plus pauvres de l’Union. Mais ces dernières années, les stocks ont diminué du fait de la limitation de la surproduction et de la crise économique. Pour compenser cette baisse, le PEAD a recouru en 2009 à des achats auprès des agriculteurs de l’Union et l’Allemagne a tiré la sonnette d’alarme : elle a demandé à la Cour de justice européenne de se prononcer sur ces financements directs. Celle-ci, dans un arrêt rendu le 13 avril 2011, a condamné l’Union pour avoir modifié une pratique qui ne reposait plus uniquement sur les excédents alimentaires. Au Conseil européen, cinq autres ministres (britannique, hollandais, tchèque, danois et suédois) chargés de l’agriculture sont montés au créneau pour faire respecter les règles de fonctionnement du PEAD et le menacer de voir ses fonds réduits à 113 millions d’euros.

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