Vous êtes ici

En Lettonie, pas de place pour la langue russe


16 février 2012

Jusqu'en 2008, Inese Vaidere a été membre du parti letton "Patrie et Liberté", prônant la restriction des droits civils des Russes. Crédit photo: Emmanuel Daeschler/CUEJ

 

La Lettonie ne reconnaîtra pas le russe comme seconde langue officielle : c’est le message qu’a voulu faire passer Inese Vaidere (Lettonie, PPE) mercredi au Parlement, alors qu’un référendum sur l’instauration de la langue russe comme langue officielle aura lieu samedi dans l’Etat balte. Lors de la réunion publique qu’elle a présidée, eurodéputés et experts lettons ont successivement pris la parole sans qu’aucune voix discordante ne se fasse entendre.

La population russophone représente environ un tiers de la population de ce pays de 2,2 millions d’habitants, dont la Constitution reconnaît le letton comme seule langue officielle. Des populations de Russes sont installées dans l’est du pays depuis le XVIIe siècle, mais une politique de russification menée par le Kremlin pendant l’occupation soviétique (1944-1991) a amené de nombreux autres Russes, qu’ils soient fonctionnaires ou militaires, à s’installer en Lettonie. La question linguistique est fréquemment l’objet de tensions entre Moscou et Riga : la Lettonie est critiquée pour les discriminations dont seraient victimes les russophones et elle se plaint en retour d’une ingérence russe dans ses affaires intérieures.

Les non-lettophones ont beau être empêchés d’acquérir la citoyenneté lettone, Inese Vaidere a rappelé que ce statut de non-citoyen est avantageux : il permet tout de même de circuler librement entre l’Union européenne et la Russie. Joseph Daul, le Président du groupe PPE au Parlement, s’est posé en partisan du « non » au côté de Mme Vaidere, arguant de ce que « la Lettonie est le seul endroit où le letton peut survivre et se développer » en se fondant sur « le principe de subsidiarité, selon lequel les questions linguistiques relèvent de la compétence des Etats membres ». « La Charte européenne des langues minoritaires a-t-il ajouté n’a pas vocation à protéger la langue d’un pays étranger, et les tentatives de sollicitation de la Commission (par le Ministère des Affaires étrangères russe) sont vaines. C’est rigolo ».

Selon l’ancien Président du Parlement Jerzy Buzek (Pologne, PPE), qui s’appuie sur les déclarations de certains ambassadeurs en Lettonie qu’il aurait personnellement contactés, la Lettonie est un bon exemple en matière de respect des droits des minorités car « les russophones peuvent utiliser leur langue en privé et en public, dans leurs relations avec l’administration et à l’école ».

La linguiste lettone Ina Druviete a complété cet argumentaire « lettophile » en expliquant que « si l’on offre le même statut aux langues, cela se fera au détriment de la langue la plus faible économiquement : le letton ». Un historien letton, Ilmars Mezs, est a rappelé que « sous l’occupation soviétique, les écoles biélorusses, estoniennes et polonaises ont été fermées : la langue russe est aujourd’hui le symbole d’une occupation qui ne tolérait aucune autre langue ». Et une russophone de Lettonie hostile au référendum de s'exclamer: « ll n’y a pas de discrimination ethnique en Lettonie ! Les russophones doivent vouloir la nationalité  et non pas attendre qu’on leur offre ! Je n’ai aucun doute, le 18 février, le peuple luttera ! Que la Lettonie vive longtemps, avec le letton ! »

A ce  florilège des bonnes raisons de parler letton on peut ajouter que les électeurs russophones étant moins nombreux que les 770.000 voix nécessaires pour changer la Constitution, le référendum de samedi a peu de chances d’aboutir.

Emmanuel Daeschler

Imprimer la page