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Prostitution: Les eurodéputés voudraient pénaliser les clients


26 février 2014

Le Parlement Européen s'est prononcé à la majorité relative, ce mercredi 26 février, en faveur d'un rapport d'initiative qui réclame l'abolition de la prostitution .

Présenté par l’eurodéputée féministe Mary Honeyball, il a été adopté par 343 voix pour, 139 contre, et 105 abstentions. Il recommande aux États membres de pénaliser les clients, d'abroger toute répression à l'égard des prostituées (comme c'est aujourd'hui le cas en France et en Angleterre par exemple), et de lutter contre l'exploitation sexuelle. Pour l'eurodéputée anglaise à l'origine du rapport, la prostitution doit être combattue car elle véhicule « une image dégradante de la femme » et contribue à un « modèle de stéréotype du genre ».

La Suède comme modèle

Pays précurseur en terme de pénalisation des clients, la Suède est érigée en exemple dans le rapport. Depuis l'interdiction de l'achat de services sexuels et la suppression de toute répression à l'égard des prostituées en 2009, « les prostituées suédoises seraient [aujourd'hui] 10 fois moins nombreuses qu'au Danemark voisin ». Un succès « confirmé par la police suédoise » qui estime que « le modèle suédois a produit un effet dissuasif sur la traite à des fins d'exploitation sexuelle » affirme le rapport. Véritable étendard pour les pro-abolitionnisme, le cas de la Suède est aussi brandi en France par les partisans du projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem.

Un contre rapport écrit par 4 chercheurs européens conteste cette vision du cas suédois. Soutenu publiquement par plus de 80 universitaires et 560 ONG internationales, il critique les sources utilisées par Mary Honeyball.

Pour eux, la pénalisation du client est « une hypocrisie », le trafic humain ayant au contraire augmenté après 2009, tout comme le nombre de « salons de massage thaïlandais » dans Stockholm et ses environs (selon un rapport de la police suédoise, ils seraient passés de 90 à 250 à Stockholm en l'espace de 3 ans).

Autre symbole de l'échec des mesures suédoises : des bateaux remplis de prostituées sont gérés par des réseaux mafieux et naviguent au large des côtes suédoises, dans les eaux internationales.

Un sujet sensible

Les données et interprétations utilisées par les deux camps sont rarement comparables. Le débat est idéologique avant tout, et soulève les passions. Pour les partisans de la légalisation de la prostitution, il s'agit d'un « droit » et d'un « travail » qui n'est pas nécessairement lié à une « dégradation de la femme » ou à « l'exploitation et la traite humaine » dénoncée par les abolitionnistes.

Pour Morgane Merteuil, présidente du Syndicat du Travail Sexuel, la résolution du Parlement, qui n'est pas contraignante, n’a toutefois "qu’une valeur symbolique" et ne devrait «déboucher sur rien de concret». La dirigeante du STRASS estime qu' "il s’agit d’un pur produit médiatique pour plus de visibilité des abolitionnistes dans les pays membres".

Affaire à suivre.

Alix Van Pée

Photo: Cc Flickr par underclassrising
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