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« Le succès de ce plan dépend de sa vitesse d’exécution », a martelé le commissaire européen à l’Industrie de la défense, Thierry Breton, dans l’hémicycle. Les eurodéputés l’ont bien compris et ont acté le mardi 9 mai la nécessité de voter au plus vite, d’ici début juin, le plan ASAP, pour Acte de soutien à la production de munitions. En jeu : débloquer 500 millions d’euros pour renflouer les stocks de munitions des pays membres, aujourd’hui vides à cause de la guerre en Ukraine.
« Nous devons soutenir, dans l’urgence, l’Ukraine qui lutte contre l’invasion russe, qui lutte pour l’Europe elle-même », a abondé Christian Ehler (PPE, droite). Le nom ce plan, « ASAP », acronyme anglophone pour « As soon as possible », soit « Le plus rapidement possible », incarne parfaitement l’urgence soulignée inlassablement par les parlementaires. Le vote permet ainsi de soumettre cette législation au Parlement dès la prochaine session, les 31 mai et 1er juin.
Répondre aux besoin ukrainiens
Car il y a urgence. Depuis février 2022, les États membres ont chacun mis la main à la poche pour livrer, au total, un million d’obus aux forces ukrainiennes depuis le début du conflit. Mais aujourd’hui l’Ukraine en demande davantage. Volodymyr Zelensky, son président, en requiert huit millions. Problème, la production européenne actuelle d’obus est de 300 000, et les stocks des pays membres sont épuisés. Pourtant, « l’Europe a les capacités de production », a affirmé Thierry Breton. Seules les commandes manquent.
Ce plan vise à répondre à ces besoins. Il se divise en trois piliers : l’envoi de munitions, missiles et obus à l’Ukraine en prélevant dans les stocks des États membres, le renflouage de ces stocks ainsi que la création, sur le long terme, d’une autonomie européenne en matière de défense. Si les États membres souhaitent que le projet de loi soit effectif rapidement, c’est aussi pour augmenter et accélérer leur capacité de production de munitions. « Aujourd’hui, l’Europe n’a plus le droit de poursuivre dans sa naïveté désarmante », a insisté Nathalie Loiseau, eurodéputée du groupe des libéraux Renew.
Les gauches à contre-courant
Tous les eurodéputés ne sont pas sur la même ligne. En particulier sur le financement du plan ASAP, car les 500 millions d’euros débloqués proviennent de fonds européens déjà existants. Une origine financière que dénoncent Les Verts (écologistes), qui soutiennent au contraire la création d’un fonds spécialement dédié au plan.
Un coup politique : c’est ce qu’a tenté le Parti populaire européen pour attirer l’attention sur le sort des agriculteurs. Le groupe de droite au Parlement a lancé un débat pour dénoncer de futures législations écologiques, transformant l’hémicycle de Strasbourg en une tribune.
Les munitions manquent dans l’Union européenne. Missiles, obus... les États membres ont écoulé leur stock pour venir en aide à Kiev depuis le début de l’invasion russe. Pour y répondre, un fonds de 500 millions d’euros doit être débloqué en urgence. Son nom : le plan ASAP.
Pour compléter ce premier texte qui réglemente, entre autres, le greenwashing dans le commerce, un second a été proposé par la Commission européenne en mars 2023. Celle-ci propose de nouvelles mesures comme l’obligation pour les entreprises de prouver le bien-fondé de leurs slogans commerciaux comme “éco responsable” ou “neutre en émission carbone”, via un QR code ou un lien vers un site internet. Ainsi le consommateur pourrait lui-même vérifier la véracité de ces allégations. La Commission propose également de mieux réglementer les labels environnementaux. Ces étiquettes, supposées renseigner le public sur le respect de l’environnement de leurs produits, sont souvent créées par les entreprises elles-mêmes, et n’ont donc aucune valeur informationnelle réelle. Une vérification indépendante et officielle de ces labels serait instaurée, en amont de leur publication sur des étiquettes.
« Que les gens de la Commission sortent de leur bureau »
Dans un style plus sobre, son collègue Herbert Dorfmann, spécialisé dans l’agriculture, cherche à arrondir les angles. « Tout n’est pas parfait dans les pratiques actuelles et nous pouvons encore améliorer les choses, explique-t-il. Mais les agriculteurs sont les mieux placés pour savoir comment utiliser les sols de manière durable. »
Et de viser Bruxelles : « Il faudrait que les gens de la Commission sortent de leur bureau pour aller voir dehors ce qu’il se passe vraiment dans les champs », assène-t-il face à Mairead McGuinness, commissaire européenne chargée des Finances, venue assister au débat. « Où donc est le commissaire de l’agriculture, Janusz Wojciechowski ?, reprend l’eurodéputé Lins, sa voix résonnant dans un hémicycle presque vide. Où se trouve-t-il ? Où se cache-t-il ? C’est une question de respect ! »
La droite pointe tout particulièrement du doigt l’objectif affiché par la Commission européenne de diminuer drastiquement l’usage de produits phytosanitaires de 50% d’ici à 2030.
Autre point de crispation, la réintroduction de haies, d’arbres et de petits étangs en vue de favoriser la présence des insectes et oiseaux. Une hérésie pour ces parlementaires : « Nous sommes en train d’en demander trop aux agriculteurs ! », fulmine Norbert Lins.
« Laissez travailler les agriculteurs ! », tempête Norbert Lins, eurodéputé de la droite européenne.
Furieux et offensifs, lui et ses collègues du Parti populaire européen (PPE) ont réquisitionné l’hémicycle du Parlement européen pour se faire les porte-voix de la cause des agriculteurs. Dans leur viseur : deux législations actuellement en cours de négociation à Strasbourg sur la réduction des pesticides et la promotion de la biodiversité.
« Ça ne va jamais assez loin, assez vite »
Malgré les avancées que représente la proposition, les associations écologistes soulignent certaines lacunes. Rémi Demersseman déplore par exemple le fait que les entreprises puissent continuer à étiqueter leurs produits comme “zéro carbone”, alors qu’elles se contentent de planter des arbres pour compenser leurs émissions de CO2. Pour lui, « planter des arbres pour les couper au bout de cinq ans et faire du bois, c’est une connerie sans nom. L’impact écologique est nul », s’exclame-t-il.
« Comme toute démarche de ce type-là, c’est très bien, mais ça ne va jamais assez loin, assez vite », ajoute le président du collectif de lutte contre l’écoblanchiment. Le texte prenant la forme d’une directive européenne, chaque pays membre sera libre de remplir ces objectifs comme il le souhaite. Si la France dispose d’un système de sanctions plutôt strict (emprisonnement, amendes, ordres de retrait des produits du marché), ce ne sera pas forcément le cas de tous les États. Par ailleurs, le texte faisant consensus au sein des institutions européennes, le reste des négociations ne devrait pas poser de problème, permettant une application rapide.
Lisa Delagneau et Mathilde Lopinski